C’étoit trop peu pour eux d’aller à des batailles : Il falloit seul à seul causer des funérailles Cher leurs plus chers amis, chez leurs propres parens, Sans même être mêles parmi leurs différens, L’honneur d’être second dans les grandes querelles Leur causoit tous les jours cent affaires cruelles ; Servant également dans ces sanglans combats, Ceux qu’ils devoient aimer, & ceux qu’ils n’aimoient pas : Et pour dernier malheur, en mourant sur la place, A-t-on lieu d’espérer que Dieu leur ait fait grace ? […] Il est vrai que peu de personnes connoissent le danger des passions, dont on n’est ému, que parce qu’on est le spectateur ; mais elles ne causent guere moins de désordre que les autres ; & elles sont encore en cela plus dangereuses, que le plaisir qu’elles causent n’est point mêlé de ces peines & de ces chagrins qui suivent les autres passions, & qui servent quelquefois à en corriger ; car ce qu’on voit dans autrui, touche assez pour faire plaisir, & ne le fait pas assez pour tourmenter. […] C’est-là, selon cet Apologiste, la premiere époque de la pureté & de l’utilité de la Comédie ; utilité si grande, qu’elle compense le danger qu’elle pourroit causer. […] « Après l’Empire d’Occident, celui d’Orient commença à dépérir par les mêmes raisons qui avoient causé la perte du premier. […] le Franc de Pompignan 209, « que nos Spectacles, dans leur état actuel, ne sont pas à beaucoup près des lieux sûrs pour la vertu ; & les Acteurs publics étant toujours dans les liens de l’excommunication, un Auteur élevé dans la Morale chrétienne, ne sçauroit, sous quelque prétexte que ce soit, ni par quelque ouvrage que ce puisse être, concourir au soutien du Théatre, sans se rendre lui-même responsable des inconvéniens & des abus qui y sont attachés, ni contribuer à l’entretien des Acteurs, sans partager le mal qu’ils causent & celui qu’ils font … … ….
Le feu du théatre causa ce funeste embrasement.
Les Dieux se plaisent-ils à causer nos tourmens ?
C’est ce qui causa le crime & le malheur d’Hérode ; une danseuse fit perdre la vie au plus grand, au plus saint des enfans des hommes.
» C’est le même attrait d’émotion qui fait aimer les inquiétudes & les allarmes que causent les périls où l’on voit d’autres hommes exposés, sans avoir part à leurs dangers.
Comme aussi faisons très expresses défenses à tous Pages et Laquais de s’y attrouper, d’y faire aucun bruit ni désordre, à peine de punition exemplaire et de deux cents livres d’amende au profit de l’Hôpital Général, dont les Maîtres demeureront responsables, et civilement tenus de tous les désordres qui auront été faits ou causés par lesdits Pages et Laquais.
20 et 21), parlant à un grand politique, qui revit, corrigea et approuva son ouvrage, dit ces belles paroles, bien dignes d’elle : « Il n’est pas question dans les pièces de théâtre de satisfaire les libertins et les vicieux, qui ne font que rire des adultères et des incestes, et ne se soucient pas de voir violer les lois de la nature, pourvu qu’ils se divertissent ; les mauvais exemples sont contagieux, même sur le théâtre, les feintes représentations ne causent que trop de véritables crimes.
Mais, après la Réforme, en sera-t-il moins vrai que sur le Théâtre, on ne peut rendre les passions hideuses, parce qu’elles feraient fuir les Spectateurs, & que le vice y sera toujours sous le masque ; Qu’on n’y corrige que le ridicule qui déplaît ; Qu’une satyre bien présente des vices actuels les plus dangereux, y est interdite, par de petites raisons que la crainte & l’orgueil grossissent aux yeux des Grands ; Que les Spectacles sont une école d’arrogance & de persiflage pour la Jeunesse ; Que le Sage ne peut y assister, sans abandonner la sainte sévérité de la Vertu ; que vos Actrices causeront, comme celles d’aujourd’hui, des égaremens, dont elles ne seront pas, à la vérité, toujours l’objet (cela ne serait pas aisé pour tout le monde) mais qui porteront les hommes vers ces Beautés faciles, auprès desquelles ils vont se dépiquer ; que le Spectateur, pour avoir du plaisir, mettra de même ses passions à l’unisson de celles du personage représenté ? […] Il s’en acquitta de manière à causer des transports d’admiration à tous les Spectateurs. […] La surprise qu’il venait de causer, lui donna lieu d’achever paisiblement ce petit discours : mais lorsqu’il se disposait à se retirer, toute la Salle retentit d’applaudissemens, de cris de joie ; on combla d’éloges ce bon Citoyen ; on le glorifiait ; on s’honorait d’avoir la même patrie : il fut reporté chez lui aux acclamations de ceux qui venaient de l’admirer. […] On avait fu profiter de la fermentation que causa ce Spectacle perfectionné, pour exciter les Peuples & les Rois à se croiser ; & l’on ne réussit malheureusement que trop : dès que le but fut rempli, on négligea le Spectacle.