Je pense que la plus-part des Pièces ne tombent que parce que le caractère du principal Héros est manqué. […] Le prémier Comique des Latins, l’élégant Térence, dans ses Adelphes ne s’est appliqué qu’à mettre au grand jour le caractère de Démée. […] On voit assez communément des gens d’un caractère opposé se rencontrer dans le monde, & se trouver contraints de vivre ensemble, par les diverses circonstances qui les réunissent. […] Je finirai par faire ressouvenir les Poètes, que les caractères des personnages qu’ils mettent en action doivent être nouveaux ; c’est-à-dire n’avoir aucune ressemblance avec les caractères déja tracé dans des Pièces connues. […] On peut assurer que le même caractère mis plusieurs fois au Théâtre par différents Auteurs, changerait toujours de forme, & paraîtrait presque tout autre.
Voyons si celui que vous faites de votre Héros lui ressemble : Le caractère du Prélat, dites-vous dans le Corps du Ballet, est une représentation des vertus qui éclatent le plus dans lui. […] A ce compte-là, mes Pères, ni la chasteté, ni l’humilité, ni l’amour de Dieu, ne sont point des vertus qui éclatent le plus dans votre Héros, puisque vous ne les avez pas fait entrer dans son caractère. Elles ne se trouvent pas même en lui dans aucun degré, s’il est vrai, comme vous le dites, que vous ayez eu dessein en faisant le caractère du Héros de représenter toutes ses vertus par ces symboles clairs, et expressifs tirés de la fable. […] Paul n’a pas cru que ce fussent des vertus à être oubliées dans le caractère d’un Evêque. […] » Je souhaite, mes Pères, que cette vérité ne regarde pas votre Héros, et que le caractère si défectueux et si indigne d’un Evêque que vous en faites ne soit pas moins une fable, que la fable même d’où vous dites que vous avez tiré les symboles clairs et expressifs qui représentent toutes ses vertus.
Se voyant resserrée dans les bornes qu’on lui avait prescrites, elle eut recours à des intrigues et à des actions bourgeoises, qui représentaient les caractères, tels qu’on les voit dans la société, pour en montrer le ridicule et parvenir, par là, à les corriger. […] Si les modernes n’ont pas été les premiers à imaginer des Comédies de caractère ; du moins, après les Grecs, ce sont eux qui, vers le milieu du siècle passé, les ont faites revivre en France : ce qui fit sentir qu’ils avaient enfin connu la nécessité de la critique des mœurs, et qu’ils allaient réparer la faute de leurs prédécesseurs, qui n’en avaient jamais fait usage. […] Ordinairement un caractère, qui serait admirable pour instruire et pour corriger, est environné des épisodes d’un amour irrégulier, et enveloppé par les intrigues des Valets, qui absorbent le caractère pour faire briller à chaque instant la corruption. […] Le caractère de l’Avare est excellent, et peut-être le plus avantageux de tous pour la bonne Comédie. […] Si nos modernes ont introduit le mauvais exemple, et souvent même le scandale jusque dans la Comédie de caractère, qui est la plus instructive et la plus propre à la correction des mœurs, il faut convenir qu’il est absolument nécessaire de réformer le fond de notre Comédie, soit d’intrigue, soit de caractère.
Des malheurs, des périls, des sentimens extraordinaires caractérisent la Tragédie ; des intérêts & des caractères communs constituent la Comédie. […] Un rapport de convenance a déterminé le caractère de la Comédie sur tous les Théâtres de l’Europe. Un Peuple qui affectait autrefois dans ses mœurs, une gravité superbe, & dans ses sentimens une enflure Romanesque, a dû servir de modèle à des intrigues pleines d’incidens, & de caractères hyperboliques. […] L’affectation de ne ressembler à personne fait souvent qu’on ne ressemble pas à soi-même, & qu’on outre son propre caractère, depeur de se plier au caractère d’autrui. […] En général, les caractères ne se dévelopent que par leurs mêlanges.
C’est encore en général, le caractère français, puisque tous les français sont persiffleurs. […] C’est un vrai caractère que de savoir & vouloir peindre tous les caractères pour les ridiculiser. […] Le ridicule qu’ils auroient donné au caractère seroit retombé sur eux. […] Il prend tous les caractères dans les divers rôles qu’il joue, pour immoler à la risée tous ceux qu’il représente.) […] Toutes les comédies sont des masques qu’on prend pour rendre un caractère personnel.
On entend par Mœurs, les passions, les caractères, la façon d’agir. […] Mais je ne me sers ici de ce terme que pour marquer le caractère distinctif des personnages de nos Drames modernes. […] « Les caractères des Drames comiques, s’écrie-t-il, sont fort communs, & toujours les mêmes. » Les siens sont variés avec goût, par une suite de cette éxactitude qu’on a de donner à chaque Artisan le genre qui lui convient. […] Par éxemple, le caractère du Savetier a une autre nuance que celui du maître Cordonnier ; le simple Laboureur a une autre manière d’agir que le riche Fermier &c.
On voit clairement que dans sa fable il n’a envisagé que la correction des mœurs ; marchant toujours vers ce but, il ne s’est pas contenté de donner un caractère instructif à son principal Acteur, et de le punir par la perte de son bien, et par les moqueries de ses amis : il a voulu que les caractères épisodiques de sa Pièce ne continssent pas moins d’instruction que le caractère principal : c’est ce qui fait que Célimène n’est pas moins punie de sa coquetterie qu’Alceste de sa misanthropie. […] Le Misanthrope dont nous venons de parler, n’est pas une Pièce où cette passion paraisse avec les défauts contre lesquels je me suis si fort révolté ; les Amants de la Coquette aiment plutôt en petits Maîtres et en étourdis, qu’en hommes véritablement amoureux : Célimène fait son métier, et le Misanthrope, quoique passionné, traite l’amour suivant son caractère qui influe beaucoup sur sa passion, ce que le grand Molière n’a pas négligé en travaillant : je cherchais donc dans une Comédie un de ces excès de la passion d’amour qui portent les Amants à tout tenter pour se satisfaire : qui les rendent aveugles : en un mot un de ces excès qui font regarder les Amants comme des insensés, et qui leur attirent tout à la fois l’indignation et la compassion des Spectateurs, et je l’ai trouvé à la fin. […] Ariste qui donne de si bonnes Leçons aux Maris trop faibles pour leurs femmes, dans la conversation qu’il a avec son frère Chrisale, n’est pas un trait bien surprenant pour les gens du métier ; mais que Molière, pour conserver le caractère de Chrisale qui molit et qui tremble devant sa femme, ait trouvé le moyen de lui faire dire à sa femme même tout ce qu’un mari ferme par raison peut et doit dire en pareil cas, et cela par l’organe d’une autre personne telle que Martine : c’est un trait de génie incomparable, et je ne me souviens pas d’en avoir vu de pareil ni avant ni après Molière. Enfin le caractère de Chrisale d’un bout à l’autre, peut servir d’école à tous les Auteurs de Comédie de Caractère ; cet homme ne se dément jamais, et dans le cours de la Pièce toutes les fois qu’on l’excite à parler avec vigueur, et qu’on parvient à l’échauffer contre sa femme, dans le temps même qu’il prend son parti et qu’il est dans la plus grande colère, on voit toujours ce qui en arrivera lorsque sa femme paraîtra devant lui.
parce que l’un travaille dans le fond d’un cabinet, & que l’autre joue en public, les finesses dont l’un assaisonnera son jeu, ne seront point à l’autre, qui les a senties & exprimées, soit en détail, soit dans le caractère général de sa piéce & de ses personnages ? […] N’est-ce pas le Poëte qui a crée ces caractères, qui a groupé ces personnages ; & qui a imprimé sur tous les rôles cet esprit général qui les vivifie, & cause des impressions si délicieuses ? […] Il y a sur le Théâtre beaucoup de caractères vicieux. […] On exige donc de lui tout à la fois, qu’il ait, & n’ait pas le caractère assorti à ses rôles ? […] Que feroit le coloris si l’on faisoit abstraction du dessein & du plan des figures, & même des caractères ?