Tertullien, qui combat tous les spectacles, les réduit à quatre ; le cirque, où l'on faisait des courses de chevaux et de chars ; le théatre, où l'on représentait des tragédies, des comédies, des farces, avec des chants, des danses, des décorations magnifiques ; le stade, où se faisaient les exercices du corps, la lutte, le pugilat, etc. l’amphithéatre, où se donnaient les combats des gladiateurs et des bêtes féroces. […] » C'est bien au milieu des cris d'un Acteur tragique qu'on s'occupe des oracles des Prophètes, et qu'on rappelle le chant des Psaumes dans les chants efféminés (de l'Opéra) !
Sur le théâtre paroissent encore des Acteurs & des Actrices, dont tout l’art consiste à transporter aux spectateurs les mouvemens vicieux qu’ils éprouvent, par des discours séduisans, une musique lascive, des chants mous & efféminés à la louange des Dieux & des demi-Dieux des Payens, des gestes expressifs, des peintures naïves, des portraits parlans & animés, des parures riches, pompeuses, immodestes & plus ou moins indécentes, suivant que l’exige la scene. […] Tout ce qu’on y voit, & tout ce qu’on y entend, parures, décorations, gestes, attitudes, mouvemens, discours, entretiens, chants, larmes, soupirs, privautés, déclarations, intrigues, liens rompus & renoués, tout ne tend qu’à plaire, à toucher, à ravir, à charmer, à transporter.
Si une femme négligemment parée qui passe par hasard dans la place publique, blesse souvent par la seule vue de son visage celui qui la regarde avec trop de curiosité ; Ceux qui vont aux Spectacles, non par hasard, mais de propos délibéré, et avec tant d'ardeur, qu'ils abandonnent l'Eglise par un mépris insupportable pour y aller, où ils passent tout le jour à regarder ces femmes infâmes, auront-ils l'impudence de dire qu'ils ne les voient pas pour les désirer, lorsque leurs paroles dissolues et lascives, les voix, et les chants impudiques les portent à la volupté ? […] On y voit des femmes qui ont essuyé toute honte, qui paraissent hardiment sur un Théâtre devant un Peuple ; qui ont fait une étude de l'impudence, qui par leurs regards, et par leurs paroles répandent le poison de l'impudicité dans les yeux et dans les oreilles de tous ceux qui les voient, et qui les écoutent, et qui semblent conspirer par tout cet appareil qui les environne à détruire la chasteté, à déshonorer la nature, et à se rendre les organes visibles du Démon, dans le dessein qu'il de perdre les âmes ; enfin tout ce qui se fait dans ces représentations malheureuses ne porte qu'au mal : les paroles, les habits, le marcher, la voix, les chants, les regards des yeux, les mouvements du corps, le son des instruments, les sujets mêmes et les intrigues des Comédies, tout y est plein de poison tout y respire l'impureté.
Nous avons le chant de l’Eglise, les Hymnes, et les Processions pour exprimer la véritable joie, que le saint Esprit inspire à nos cœurs ; et ce sont les seuls témoignages de joie que l’Eglise a reçus, et approuvés ; Au lieu qu’elle a traité les danses, lorsqu’elle en a parlé dans ses Canons, comme des divertissements indécents, et entièrement honteux.
L’Auteur qui fait profession de la suivre, & dont les cinq chants ne sont qu’une paraphrase prolixe des premiers chapitres de la Genese, est moins excusable qu’un autre. […] Je ne sai quelles sont les modes de son pays : il faut que ces libertés y soient bien fréquentes, pour en avoir si fort pris l’habitude, & les multiplier dans tous ses chants. […] J’avois débuté à vingt-un ans par le second chant de la Henriade ; j’étois alors tel qu’est aujourd’hui M.
Une troupe de Dieux & de peuples qui sont à leur suite, applaudissent à cette belle œuvre, la célèbrent par leurs chants, & disent : Venez, tendres amours, couronnez ces amans, & régnez avec eux : plaisirs, assemblez-vous, &c. […] Les excès des Iroquois & des Nègres ; si ces peuples avoient des théatres, ne seroient pas supportables en France, comme leurs chants & leurs danses ne le sont pas : la naïveté grossiere de nos ancêtres révolteroit leurs descendans, comme leurs vertugadins & leurs grot canons : le libertin le plus déclaré ne s’accommoderoit pas des gros mots de la Place Maubert. […] les gazes légères, les nudités du sein, le fard, les parures recherchées, l’attitude, les gestes, les chants lascifs, &c. sont des choses indifférentes, dont on s’occupe sans risque.
Ce qui me fait naître cètte idée singulière, est tout simple ; on voit du Chant tantôt grave & tantôt plaisant généralement dans toutes les Pièces Grecques.
Sur l’échafaud l’on y dresse des autels chargés de Croix et ornements Ecclésiastiques, l’on y représente des Prêtres revêtus de surplis, même aux farces impudiques, pour faire mariages de risées : L’on y lit le texte de l’Evangile en chant Ecclésiastique, pour, (par occasion,) y rencontrer un mot à plaisir qui sert au jeu : Et au surplus il n’y a farce qui ne soit orde sale et vilaine, au scandale de la jeunesse qui y assiste, laquelle avale à longs traits ce venin et poison, qui se couve en sa poitrine, et en peu de temps opère les effets, que chacun sait et voit trop fréquemment.
Elle fait encore un effet plus malin sur le cœur que sur l’esprit, car si elle gâte ce dernier, elle corrompt l’autre en y excitant les passions et les remuant avec d’autant plus de promptitude et de vivacité, qu’elle y trouve de correspondance, c’est là son but et sa fin principale, c’est ce qui lui attire les applaudissements des spectateurs, la plupart acteurs secrets dans la pièce ; autrement ils s’ennuient, ils languissent, ils s’endorment, et comme dans la lecture ou le chant des Psaumes, on entre dans tous les mouvements et les saintes passions du chantre sacré, qu’on prie avec lui, qu’on gémit, qu’on se réjouit, qu’on passe de l’espérance à la crainte, de la tristesse à la joie, des plaintes aux remerciements, de la frayeur à l’assurance, du trouble à la paix, ici on entre encore plus naturellement dans les divers mouvements des acteurs introduits sur la Scène, le lecteur ou le spectateur est transporté hors de lui-même, tantôt il se sent le cœur plein d’un feu martial, et s’imagine combattre, tantôt agité de mouvements plus doux, il est amoureux, il estime, il craint, il désire, il n’y a point de passion dont il ne sente les atteintes et les émotions. […] , la nudité, les gestes, les airs lascifs des comédiens et comédiennes qui soit contraire à la modestie, supposé que les personnes qui y assistent ne puissent inspirer l’esprit du monde et de la vanité qui éclate dans leur parure, leurs actions, et tout leur maintien extérieur, supposé que tout ce qui s’y passe, les vers tendres et passionnés, les habits, le marcher, les machines, les chants, les regards, les mouvements du corps, la symphonie, les intrigues amoureuses ; enfin que tout n’y soit pas plein de poison, et semé de pièges, vous devez pourtant vous abstenir d’y aller, (je parle toujours avec saint Chrysostome) car ce n’est pas à des Chrétiens à passer le temps dans la joie, aux Disciples d’un Dieu homme qui n’a jamais pris sur la terre le moindre divertissement, à qui le rire a été inconnu, qui a donné au contraire sa malédiction à ceux qui rient, que l’Athlète qui étant dans la lice tout prêt d’en venir aux mains avec son adversaire, quitte le soin de le combattre pour prêter l’oreille à des folies, le démon nous attaque et tourne de tous côtés pour nous dévorer, il n’y a rien qu’il ne tente pour surprendre, il grince des dents, il rugit, il jette feu et flamme, et vous vous arrêtez tranquillement à ouïr ces extravagances, pensez-vous que ce soit par là que vous le surmonterez ?
Ces jeux de prix Grégeoisu, ou en chants, ou en instruments de musique, ou en voix, ou en forces, ont pour leurs chefs, divers diables : et toute autre chose qui émeut et attire les yeux des Spectateurs, ou attraitv les oreilles, si on regarde son origine et institution, on trouvera que la cause est ou une Idole, ou un diable, ou un mort. […] Il n’est pas licite, dis-je aux Chrétiens fidèles de se trouver à tels Spectacles : il ne leur est pas licite totalement : ni semblablement écouter ceux, que la Grèce envoie de toutes parts, instruits de ses arts vaines et frivoles, pour chatouiller les oreilles : l’un sonnant de la trompette bellique, l’autre de clairons, l’autre jouant de la flûte, chants piteux et lugubres, l’autre entre les danses avec une harmonieuse voix d’un homme, s’efforçant de toute son haleine, qu’à grand force il tire du profond de ses entrailles, fredonnant des doigts sur les pertuisag des flûtes, maintenant lâchant son vent, maintenant l’enfermant dedans, et le retirant, maintenant le lâchant par certains pertuis, et l’espardantah en l’air, déchiquetant le son distinctement et par articles, s’efforce parler des doigts, se montrant ingrat envers l’ouvrier, qui lui a donné la langue.
Pourront-ils le dire, lorsque tout dans ces assemblées contribue à faire naître de mauvais désirs en nous ; des tons de voix languissants et voluptueux, des chants lascifs, l’art de peindre le visage, d’animer les yeux et la figure par des couleurs étrangères, une parure fastueuse et immodeste, les gestes, les postures, tout l’extérieur de la personne et mille autres moyens propres à attirer et à séduire les assistants ? […] Vous qui voyez une courtisane, revêtue d’habillements magnifiques, se montrer la tête découverte avec effronterie, avec un air et des gestes languissants et voluptueux, faisant entendre des chants lascifs, débitant des vers lubriques, prononçant des paroles obscènes, se permettant des indécences que vous regardez d’un œil attentif, et qui font sur vous une trop forte impression, vous osez dire que vous n’éprouvez aucune faiblesse ?
Despreaux, dans le troisieme chant de l’Art Poëtique. […] … Que doit-on espérer dans un lieu, où les yeux, par les objets, & les oreilles, par leurs chants lascifs & efféminés, trouvent tant de piéges. […] Etes-vous de fer, ou de pierre, pour ne recevoir aucune impression de la vue, de la parure, des paroles, du chant & des gestes des Comédiennes ? […] êtes-vous donc de fer ou de pierre, pour ne recevoir aucune impression de la vue, de la parure, des paroles, du chant & des gestes des Comédiennes ? […] de payer le luxe de celles-ci, d’entretenir par la leur corruption, de les aider à exposer leur cœur en proie, de s’exposer soi-même au danger de leur chants &c ?
« J’appelle un discours composé pour le Plaisir, un discours qui marche avec cadence, harmonie & mesure : & quand je dis que chacune des parties doit agir séparément, je veux dire qu’il y a des choses qui se représentent par les Vers tout seuls, & d’autres par le Chant. […] Ensuite il y a le Chant & la Diction ; car c’est avec ces choses qu’on imite. J’appelle diction la composition des Vers, & pour le Chant il s’entend assez, sans qu’il soit besoin de l’expliquer. […] La Fable, les mœurs, la diction, le sentiment, la décoration [& tout ce qui est pour les yeux] & le chant. Car il y a deux choses par lesquelles on imite [qui sont le chant & la diction] une maniere d’imiter [qui est la Représentation du Théâtre, c’est-à-dire, la décoration, les habits, le geste &c.]
Dans ce débris tous ceux de cette profession se séparèrent en deux différentes espèces d’Acteurs ; les uns sous l’ancien nom de Jongleurs, joignirent aux instruments le chant, ou le récit des vers.
Ces personnes sont-elles plus croyables quand elles assurent qu'elles s'y occupent de bonnes pensées, et que le chant, et le son des instruments élèvent leur âme à Dieu ?
Dès qu’on s’écarte des bornes de la sainte morale pour suivre des exercices qui n’en sont ordinairement que les signes, on hâte les graves progrès du fanatisme, qui dévore le cœur d’une ardeur sacrilège, et nous mène au crime ; on néglige insensiblement la raison pour embrasser la cause, et on ne recherche plus l’exercice de la sainte vertu qui nous porte à faire le bien, pour s’appliquer à fuir les moyens qui peuvent nous conduire au vice ; devenant ainsi inutile à la société et à soi-même, et ressemblant parfaitement à ces hommes que Le Dante, dans ses chants, nous peint indignes du paradis, parce qu’ils n’ont rien fait pour le mériter, et que l’enfer même refuse d’admettre parmi les siens, parce qu’il n’aurait aucune gloire de les posséder.
Chrysostôme tous ceux qui couraient aux spectacles de leur temps. « Êtes-vous donc de fer ou de pierre, leur demandait le dernier, pour ne recevoir aucune impression de la vue, de la parole, du chant, des gestes des acteurs et des actrices ? […] Les passions s’y montrent souvent dans toute leur nudité, et ce qui plus est, la Religion catholique y reçoit de nos jours les plus sanglants outrages, le temple du Seigneur et ses chants augustes sont employés à rehausser la scène lubrique : quel sacrilége* ! […] -C. y vienne entendre ces chants lascifs, ces propos obscènes de la bouche des acteurs ; qu’il consente à ces gestes libertins, à ces nudités infâmes, à ces danses, à ces ballets impudiques si opposés à la sainteté de sa morale ?
Le Missel & les Livres de chant ne furent faits que dix ans après le Breviaire ; ainsi on disoit la Messe Romaine, & l’Office cadurcien ; on chantoit tous les Pseaumes à l’ancienne mode, & on psalmodioit les hymnes, les antiennes, les répons. […] Le goût de la musique semble attaché à ce bénéfice, le dernier possesseur l’aimoit beaucoup aussi ; mais il étoit moins élégant, il n’aimoit que la musique sainte, il avoit composé & fait imprimer des cantiques, pour les missions, des livres d’Eglise pour le chant ; il en donnoit des leçons aux enfans & aux jeunes chantres. L’opéra, la comédie Italienne ont succédé aux chants tristes, ennuyeux, monotones, qui n’attiroient pas les Dames.
La magnificence de nos temples, la majesté de nos cérémonies, la régularité de nos offices, la dignité de nos Ministres, la mélodie de nos cantiques, le pathétique de nos sermons, ne valent-ils pas ces bruyans orchestres, ces ridicules pantomimes, ces chants efféminés, ces danses lubriques, ces décorations licencieuses, ces Actrices immodestes, ces accens passionnés, ces attitudes voluptueuses, dont tout le mérite est d’allumer la passion, de nourrir le vice, d’amuser la frivolité, de fournir le modelle au luxe, l’attrait à la volupté, la facilité au crime, la voie à l’endurcissement, le goût de l’irréligion ? […] Ce sont des goûts si différens, si opposés ; la piété & le vice, la messe & la scène, les chants de Lulli & les pseaumes de David, l’idole de Dagon & l’arche d’alliance, sont-ils faits pour être unis ?
Ils communiquerent de bonne heure aux Anglois, celle des Chants dans les Piéces de Théâtre, puisqu’ils en ont de très-anciennes, intitulées à Mask : Milton en a fait une qui se trouve dans ses Œuvres. Le titre de ces Piéces dans lesquelles il y avoir des Danses & des Chants, fait juger qu’elles furent à l’imitation de ces Divertissemens qui se firent à Florence du tems de Laurent de Medicis, & qui étoient appellés Mascherate, parce qu’ils se faisoient dans le tems du Carnaval.
Les Prêtresses de Cythere, enivrées de délices, dans une douce langueur, par leurs chants, leurs danses, leurs discours, leurs attitudes, exhalent le feu sacré dont elles sont embrasées. […] Le peuple ajouta aux solennités ecclésiastiques, et y ajoute encore en bien des endroits, des chants, des danses, des feux de joie, des illuminations, des représentations muettes, avec des statues, des mystères de Jésus-Christ et des actions des Saints.
La tentation d’Eve par le serpent, celle de Notre-Seigneur dans le désert, les prestiges des magiciens de Pharaon, les possessions de l’Evangile n’ont rien de commun avec ce cahos de délire, aussi contraire au bon sens qu’à la religion & au bonnes mœurs : ce transport de sorciers dans le vague des airs, à cheval sur un bâton, par la vertu d’un onguent magique ; cette cohorte de démons, ce trône au milieu d’une campagne pour recevoir les hommages, ces cornes, ces pieds de chevre, ces danses, ces chants, ces repas, ces infamies, ce font les rêves d’un malade, les écarts d’un cœur corrompu, qui se livrent à toutes les images qui flattent la volupté.
On prétend que la déclamation ancienne était notée comme la musique, sans être pourtant tout-à-fait un chant.
LA fable des amours de Cupidon & de Psiché, inventée par Apulée, dans son âne d’or, mise en vers par la Fontaine, dont Moliere a fait un mauvais drame, & Thomas Corneille un mauvais opéra, que Lulli réchauffa des sons de sa musique, & que l’Abbé Basnier dans sa mythologie, traite avec raison de conte puerile ; cette fable vient d’être rajeunie dans un poëme en huit chants, avec des notes, comme si elle en valoit la peine, pour servir de suite aux fables de l’Abbé Aubert, & qui assurément doit en empêcher le fruit, en remplissant l’esprit du lecteur d’une multitude de folies amoureuses, dont le fonds est très-licencieux, & les images dangereuses. […] Enfin l’abbé Aubert un Poëme en forme huit chants. […] Le chant, la danse, le geste, le ton de la voix, tout cela énerve l’ame, & porte à l’amour ; enervant animos citharæ choreæ, & vox & numeris brachiæ mota suis , tout y en donne des leçons & des modeles, le fond même des piéces n’est que l’amour ; illic assiduè ficti luctantur amantes, actor quid juvet arte docet : un si grand maître seroit-il suspect ?
Il tente l’homme par les femmes, par l’attouchement, la vue & l’ouïe ; au bal par l’attouchement des mains, le regard de la beauté, la douceur du chant. […] Mensonge & folie dans les paroles & chansons ; ivresse, sinon de vin, du moins de chant, de danse & de plaisir, &c. […] Parmi tous ces ennemis qui nous font une cruelle guerre pour nous amuser, disent-ils, ils devroient dire pour nous perdre, la passion de l’amour est la plus dangereuse, par le penchant violent qu’y donne la concupiscence, par les crimes sans nombre qu’elle fait commettre, par l’empire souverain qu’elle exerce sur le théatre, ses attraits, ses dangers, ses objets, toutes les batteries qu’elle y dresse contre un cœur déjà demi vaincu, & qui aime sa défaite par les erreurs qui lui ouvrent toutes les avenues ; que c’est la foiblesse des Héros, l’amusement de la jeunesse, que la sévérité de la vertu est un ridicule ; par la réunion de mille autre ennemis, le chant, la danse, la pompe avec ses vanités, ses charmes & ses immodesties, par l’assemblage des deux sexes, avec tout ce qu’ils ont de séduisant, & de tous les libertins, avec tout ce que leur compagnie a de pernicieux.
Chant 3.
Si vous vous plaisez donc aux chants et aux vers ; prenez plaisir à chanter, et à entendre chanter les louanges de Dieu : Le véritable plaisir est celui qui est accompagné de la vertu, c'est un plaisir qui n'est point périssable, et passager comme les autres que recherchent ceux qui suivent les passions de leur corps, ainsi que les animaux ; mais il est continuel, et toujours agréable.
Par ce moyen ils introduisirent en France le goût de la comédie et du chant.
y avait, dit Plutarque, chez les Lacédémoniens toujours trois danses en autant de bandes, selon la différence des âges, et ces danses se faisaient au chant de chaque bande ; celle des vieillards commençait la première en chantant le couplet suivant.
N’est ce pas autoriser les fourbes et les violences, dresser encore des Autels à Mars, et lui offrir le sang humain en sacrifice avec des chants d’allégresse ; N’est ce pas éluder toutes les clameurs du peuple et des consciences, de faire un spectacle d’honneur et de joie des crimes publics ?
il permet la peinture, la sculpture, le chant : donc les tableaux, les statues, les chansons obscènes ? […] L’action, le mélange des sexes, les passions vivantes, les gestes efféminés, les chants, les danses, n’est-ce qu’une lecture ?
) Tout ce qui flatte les sens, n’est pas mauvais ; les viandes permises, et celles qui sont offertes aux Idoles, le chant des psaumes, les chansons des Comédiens, les spectacles de la nature et ceux du théâtre, tout cela plaît ; l’un est permis, et l’autre défendu : « Delectant spectacula naturæ et spectacula theatrorum, psalmus, laus et cantica Histrionum ; hæc licita, illa illicita. » (Serm. 332. […] de la Musique) après avoir montré que dans la plupart des Comédiens qui plaisent le plus par leur chant, il y a très peu de science, même de la musique, parce que ce n’est ordinairement que la beauté naturelle de la voix, une routine, un exercice, qui n’est qu’un pur mécanisme, où l’esprit a très peu de part, ce qui est très vrai, de même que dans la danse, les instruments et tous les arts, où l’on voit tous les jours que le plus grand Musicien chante désagréablement, le plus grand Poète débite mal, le plus savant Architecte ne taillerait pas une pierre, qu’ainsi quelque honneur qu’on veuille faire à la poésie, à la musique, les exécuteurs, c’est-à-dire les Comédiens, ne sont que de purs artisans, S.
Mais une pièce dramatique régulière, partagée en scènes et en actes, formant un dessein, un nœud, un dénouement, accompagnée de chant, de danses, de machines, où l’on ne parle qu’en chantant, où l’on ne marche qu’en dansant, un spectacle où tout est réuni pour flatter le cœur, l’esprit, les yeux, les oreilles, que l’histoire de l’Opéra appelle « le spectacle universel, le triomphe de l’esprit humain, le grand œuvre par excellence », et qui en effet bien mieux que celui des Chimistes, fait couler des fleuves d’or dans la main des Acteurs, et une pluie d’or dans le sein des Danaé qui habitent ce pays des Fées ; on ne le connaissait qu’en Italie, il avait été ébauché en faveur de la maison de Médicis, à qui on doit en Europe la naissance des arts et du luxe. […] L’on a rassemblé à l’opéra tout ce qu’il y a de plus capable de flatter les passions ; la vue, par des décorations superbes ; l’oreille, par une musique harmonieuse ; le cœur, par les vers et les chants les plus tendres.
Des propos licencieux, des chants de Syrene, qui vous attirent pour vous dévorer.
Mais nos conquêtes ayant étendu notre domaine, agrandi notre ville, augmenté nos richesses, la vertu disparut, le libertinage regna ; & par une suite nécessaire, la licence s’empara du théatre, de la poësie, de la musique, accessit numerisque, modisque, licentia major ; tout prit le goût & le ton de la débauche : des chants rendres, un langage efféminé, des gestes lascifs, des habits traînans, l’art dramatique ne fut plus que l’art de la corruption, sic prisca motumque & luxuriam addidit arti tibicen, traxitque vagus per pulpita vestem eloquium insolitam, &c.
Il y a même bien de la différence entre jouer et lire des comédies ; les décorations, les danses, le chant, les gestes, le ton de la voix, la parure des Actrices, la compagnie, en un mot cette multitude de dangers qu’on y rassemble, contre lesquels la plus ferme vertu ne tient pas, ne se trouve point dans la lecture ; on lit les livres des Médecins et des Casuistes, voudrait-on en voir la représentation ?
Est-il bien généreux à vous de déprimer des gens qui, par leur habileté particulière, ont fait valoir un de vos ouvrages beaucoup plus que vous ne deviez naturellement l’espérer, qui, par les charmes de leur action et la délicatesse de leur chant, ont fait monter aux nues un petit Poème très froid, une musique pleine de traits communs, qui peut-être eût été reléguée promptement du Théâtre au Pont neuf, si les Jélyotte et les Felbf n’avaient su les embellir d’ornements tirés de leur propre fond ? […] Des Chanteurs habitués à voir le Public en larmes quand ils peignent par leur chant la tendresse ou le désespoir dans les Tragédies, qui, par la naïveté, le goût et la légèreté de leurs sons portent la joie la plus vive ou la délicatesse la plus pure du sentiment dans l’âme des spectateurs, lorsqu’ils chantent des Pastorales ou des Poèmes comiques, ont-ils pu lire avec plaisir un gros livre pour prouver qu’ils n’étaient capables de rien, et que le Public était imbécile de se laisser toucher ? […] [NDE] Virgile, Enéide, Chant VI, v. 129 : « hoc opus, hic labor est. […] » [ trad. […] Thierry, 1674, Chant III, p. 130.
Ces deux solennités si différentes, pour faire mieux sentir l’esprit qui les anime, sont quelquefois mises en contraste dans le même jour et le même lieu ; car dans bien des villes, sans aucun égard pour la décence, on a bâti les théâtres auprès des Eglises : les deux foules, dont l’une va prier et l’autre offenser Dieu, se croisent et s’embarrassent ; et si l’office est un peu prolongé, comme il arrive certains grands jours, le chant des psaumes et les violons de l’orchestre se troublent mutuellement, et dans un concert très irréligieux, forment des dissonances plus insupportables à un cœur chrétien qu’à une oreille délicate. […] Qui oserait comparer la morale du théâtre avec un sermon, les décorations avec les tableaux d’une Eglise, les chants, les danses, avec des exercices de piété, les actrices, les coulisses, les loges, le parterre, avec des assemblées de religion ?
Les lazzis et niaiseries de ce personnage, que le peuple nommait grimpe sur l’air, faisaient rire tous les assistants, qui confondaient leurs exclamations avec le chant de la messe. […] La longueur des nuits rendait la chose facile, et d’ailleurs cet usage donnait un caractère plus singulier et plus particulier à cette fête ; à chaque nocturne on faisait une invitation ; du reste l’office entier était une véritable rapsodie de tout ce qui se chantait pendant le cours de l’année ; on y retrouve toutes les pièces des autres offices, celles des fêtes des saints, des mystères, les chants de Pâques, ceux du carême ; des fragments de psaumes : les morceaux tristes sont mêlés avec les morceaux joyeux, c’est l’assemblage le plus bizarre qu’on puisse imaginer. […] Dans l’intervalle des leçons on faisait manger et boire l’âne ; enfin, après les trois nocturnes, on le menait dans la nef, où tout le peuple, mêlé au clergé, dansait autour de lui : on tâchait d’imiter son chant. […] Le chant et la danse étaient terminés par des seaux d’eau que l’on jetait sur le corps du préchantre. […] On les appelait les rois des fous, parce qu’on les revêtait des habits de leur dignité, qu’on les conduisait en cortège à la place de l’officiant, où ils siégeaient accompagnés d’officiers ; là on leur rendait des hommages bouffons, ils donnaient des bénédictions, et l’on célébrait leur élévation par un chant bizarre et ridicule.
Augustin s’accuse aussi d’avoir trop pris de plaisir aux chants de l’église ; est-ce à dire qu’il ne faut plus aller à l’Eglise ?
Sur-tout cette fatale passion de l’amour, qui regne sur le théatre, cette passion si naturelle, si commune, si violente ; quel désordre ne cause-t-elle pas, lorsqu’armée des attraits & de la parure des actrices, de la licence des discours & des gestes, d’une danse voluptueuse, des chants efféminés d’une société libertine, elle livrera les plus dangereux assauts ?
David en fit autant devant l’Arche, lors qu’elle fut recouvrée des mains des Philistins ; mais ces danses, ces chants se faisoient, par des motifs, & pour des sujets bien differens de ceux des mondains, que l’Eglise a souvent condamnez avec juste raison : c’estoit alors chanter les Victoires que Dieu remportoit sur les ennemis ; c’estoit pour marquer la joye qu’ils avoient de voir le Seigneur exalté, & glorifié, au lieu que les mondains y cherchent leur plaisir, & leur divertissement, & que la vanité, l’immodestie, la licence, & l’impureté sont presque inseparables des bals, des danses, & des cercles de compagnies enjoüées.
C’est de là que naît dans les âmes pieuses, par la consolation du Saint-Esprit, l’effusion d’une joie divine ; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens ; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir ; s’il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs ; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs ; que les flèches dont il les perce ; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des âmes qu’il a gagnées, et qui courent après ses parfums ?
L’Opéra adopteroit aussi peu un tel ouvrage, on n’y parle jamais en prose ; la prose est peu faite pour le chant ; &, à l’exception des chants d’Eglise, où, par respect pour les paroles de l’Ecriture, on y emploie la prose, tout ce qui se chante est ordinairement en vers : la mesure, la rime, l’harmonie sont un chant commencé auquel la musique se lie plus naturellement & plus agréablement. […] Des amours romanesques, des nôces, des chants de joie, dans le temps d’une bataille qui doit décider du sort de l’Etat, des ariettes dans les horreurs d’un combat, des sentimens outrés d’héroïsme, dans les momens les plus précieux, destinés aux conseils de la politique, aux efforts des armes, à l’action, n’est-ce pas tout dénaturer, tout avilir, & nous rendre ridicules ?
Les autres Danseuses ses compagnes, & celles qui l’ont suivie, en savent bien autant qu’elle pour la danse proprement dire ; elles ont autant de force, d’agilité, de finesse, mais il y en a bien peu qui sachent si bien réussir & accommoder, varier & proportionner ses mouvemens à l’action & au chant, qu’elles fassent en dansant une scene pittoresque, sans dire mot, qui soit aussi vive, & peut-être même plus vive que les paroles, & sur-tout comme elle composer, créer des pas, des gestes, des attitudes, des mouvemens, des figures, & danser de génie, & toujours d’accord avec l’orchestre & la scene. […] Tout ce monde étoit partagé en differentes bandes ; chaque bande avoit à sa tête deux habiles Danseurs & Chanteurs qui donnoient le branle ; toute l’atrention & l’habileté consistoient à les imiter ; & la beauté du spectacle si bien d’accord, que tous rendissent en même temps les mêmes figures, les mêmes gestes, les mêmes chants, les mêmes paroles, comme si ce n’étoti qu’une même personne. […] Telle étoit l’histoire des anciens Gaulois, dont les Druides chantoient les exploits, & chez qui ces poësies étoient les monumens, chants sérieux & peu amusans.
2 Il est inutile de répondre qu’on n’est occupé que du chant et du spectacle, sans songer au sens des paroles ni aux sentiments qu’elles expriment et inspirent : car, comme dit encore Bossuet, « c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense et plaisent sans être aperçus ; mais il n’est pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes ; et si vous dites que la seule représentation des passions agréables dans les tragédies d’un Corneille et d’un Racine, n’est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier, qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu’elle vient la première à mon esprit ».
Le Prélat s’éleve contre les chants passionnés de Lulli, contre les dangers de représenter, même l’amour légitime à cause des circonstances qui l’accompagnent, contre les scandales mêlés aux représentations du Théâtre ; il ramene à son opinion les Peres, les Philosophes anciens, Platon, & même le Philosophe Grec ; enfin il combat la Comédie par la vie sérieuse que commande l’esprit de la Religion.
Ceux-ci mêlèrent au chant et aux danses les récits d’actions héroïques, tirés de l’Histoire ou de la Fable : tout cela se fit d’abord sans beaucoup d’appareil et sans qu’aucun lieu y fut singulièrement destiné.
A Abélard savait allier les Vers amoureux avec le chant, 184 Acteurs, leurs différents noms, 38. 41 Adrien Empereur bâtit un Théâtre à Antioche, 62 Agobard s’élève contre ceux qui donnaient de l’argent aux Comédiens, 132 Alès (Alexandre) condamne les Jeux de Théâtre, 188 S.
Sa musique tendre & touchante va au cœur par la douceur & la mélodie, & plait aux amateurs par la variété, les saillies, le naturel de son chant, & l’art assez rare, avec lequel il ajuste les sons aux paroles Latines & Françoises, & par une espece de langage énergique en exprime le sens avec justesse. […] Moins profond que Rameau qui l’a suivi, plus abondant que Lulli qui l’a précédé, & dont il n’a rien emprunté, étant assez riche de son fonds, s’il ne surpasse ni l’un ni l’autre, il en a approché de fort près, surtout de Lulli, par la douceur touchante de son chant.
Mais saint Augustin s’accuse aussi d’avoir pris trop de plaisir au chant de l’Eglise, est-ce à dire qu’il ne faut point aller à l’Eglise ? […] On ne peut pas en douter après cela, mais on doutera peut-être si vous êtes Chrétien, puisque vous osez comparer le chant de l’Eglise avec les déclamations du Théâtre.
La joie la plus vive s'y déploie par toute sorte de ris, de chants et de danses. […] Notre âme y déploie les décorations, fait jouer les machines, lie les scènes, prononce les paroles, dirige les gestes, trace les danses, compose les chants, habille, exerce, fait agir les Acteurs.
Est-ce pour autoriser les chants lascifs de l’Opéra ? […] Son chant est sinistre, ses paroles sont le langage de l’amour, sa voix celle de la molesse, sa musique celle de la volupté. […] Point de chant pour lui plus abondant & plus sur.
Le même Auteur dans l’Art Poëtiq. chant 3, Vers 394.
Voici comme il s’èxprime : « Les Grecs distinguaient les Actes par le chant du chœur ; & comme je trouve lieu de croire qu’en quelques-uns de leurs Poèmes ils le fesaient chanter plus de quatre fois, je ne voudrais pas répondre qu’ils ne le poussâssent jamais au-delà de cinq. » Celui qui parle de la sorte est le plus grand Poète dramatique que nous ayons ; c’est le grand Corneille, en un mot.
Nous lisons aussi dans un Concile de Carthage, qu’on ne doit point tolérer en aucune manière ces spectacles, ni le jour du Dimanche, ni les autres Fêtes ; parce que comme nous apprenons encore du sixième Concile, les fidèles doivent passer ces jours dans les lieux saints, et ne vaquer qu’à la prière et au chant des Psaumes, des Hymnes et des Cantiques spirituels, afin que leur joie soit toute en Dieu, et en Jésus-Christ, et que n’appliquant leur esprit qu’à la lecture des choses saintes et divines, ils se nourrissent de la parole de Dieu et du fruit des divins mystères.
[NDE] Muse du chant, de l'harmonie musicale et de la tragédie.
Mais Saint Augustin s’accuse aussi d’avoir pris trop de plaisir aux chants de l’Égliseg.
Et pendant le sacrifice, le Peuple & les Prêtres chantoient en chœur des hymnes qui, relativement à la qualité de la victime, furent nommées Tragédies ou Chants de bouc, suivant l’étymologie Τράγος, & ἀδὴ. […] quels chants pouvoit-on attendre de Thalie ; Lorsque d’Aristophane épousant la folie, Et, par son impudence, assurant ses succès, Elle s’abandonnoit aux plus honteux excès ? […] On voit dans le Chapitre de l’Exode, que ce fut par des chants & par des danses que les Israélites rendirent graces à Dieu après le passage de la Mer rouge. […] On y met en chant les choses les moins faites pour être chantées, le dépit, la colere, la fureur, le désespoir, même les sentimens d’une mort prochaine.
Tertullien va plus loin : quelque gracieux, dit-il, quelque simples, quelque honnêtes que paroissent ces chants, ces accords, ces jeux de Théâtre, les impressions agréables qui en dérivent ne sont que les gouttes d’un miel qui coule d’une liqueur empoisonnée4.
quand ce ne serait que par tant de regards qu’elles attirent, et par tous ceux qu’elles jettent, elles que leur sexe avait consacrées à la modestie, dont l’infirmité naturelle demandait la sûre retraite d’une maison bien réglée : et voilà qu’elles s’étalent elles-mêmes en plein théâtre avec tout l’attirail de la volupté, comme ces sirènes dont parle Isaïe, qui font leur demeure dans le temple de la volupté ; dont les regards sont mortels, et qui reçoivent de tous côtés, par les applaudissements qu’on leur renvoie, le poison qu’elles répandent par leur chant. » Elles s’immolent à l’incontinence publique d’une manière plus dangereuse qu’on ne ferait dans les lieux qu’on n’ose nommer.
Cet Art d’aimer est divisé en trois chants : l’art de choisir son objet (une maîtresse), l’art de lui plaire, de l’enflammer (de la séduire), l’art d’en jouir. […] Il détaille tous les préceptes de la toilette, tous les moyens de plaire, les vers, le chant, la danse, la parure, la fourberie, les sermens, les présens, les honneurs ; il n’oublie pas les obstacles prudemment ménagés, la jalousie, les refus, les froideurs affectées, les caresses, les prévenances, & c. […] Il dédie ses chants à sa maîtresse : c’est la seule divinité qu’il invoque ; c’est l’amour ou plutôt la débauche qui l’inspire.
Les femmes qui dansent se servent elles-mêmes de tabourins flûteurs & menétriers, ce qui est encore pis, puisque leur bouche est polluée par les chansons dissolues ; elles mêmes s’en excitent davantage au péché, & les hommes semblablement par le son de ces airs tendres & lubriques & dangereux ; combien l’est-il davantage quand ces notes sont jointes au chant ? […] Cette idée est une belle chimère que les femmes ont intérêt d’accréditer pour couvrir leur passion d’un voile, & faire croiré qu’aussi respectables que belles, elles sont de ces Venus admirables, qui renfermées dans cette métaphisique de sentimens, joignent aux grâces & à la beauté dont elles se croyent toujours richement pourvues, une vertu sublime, inaccessible aux tentations de la volupté grossière, que quoique tout passe par le corps avant d’arriver à l’esprit, leur esprit & leur cœur ne s’y arrêtent jamais ; que quoique leur toilette ne produise & ne puisse produire que des tentations charnelles, ce n’est pourtant que pour l’esprit qu’elles offrent des nudités, & mettent du rouge ; que ce n’est qu’à l’esprit qu’on adresse la tendresse du chant, le feu des regards, les attitudes, la danse, le langage du geste.
Mais il prétend, ajoutez-vous, que « cela n’excuse point les Chrétiens qui assistent à des danses lascives et à des chants impurs », c’est ce que nous prétendons aussi bien que vous. Doù, poursuivez-vous, il vous est facile de juger que « ce saint Docteur ne condamne pas absolument les Danses, les Chants, les Opéra, et les Comédies » : et moi je trouve plus de facilité à juger tout le contraire, et à dire que puisque Saint Cyprien condamne les Danses et les chants des Spectacles des Gentils, à cause de ce qu’il y avait de lascif, il condamne en même temps les Danses et les chants des Opéra et des Comédies, puisque l’amour profane et lascif y règne et domine presque partout, comme tout autre que vous en demeurera d’accord sans peine. […] Le premier que l’on doit aimer, est, dit-il, celui dont la dévotion est le principe, comme les chants de l’Eglise, les danses de David, de Michol et des autres dont il est parlé dans l’Ecriture. […] Après avoir donc dit à son ami que la femme qu’il doit prendre, dont il lui vante la vertu, ne sera pas sans doute à l’épreuve de toutes les attaques qu’on lui donnera dans le monde, qu’il ne l’aura pas plutôt menée lui-même à l’Opéra, qu’elle sera touchée de ces Spectacles, des Danses, des Chants, des Discours qui ne roulent que sur l’amour, et qu’enfin elle apprendra des Renaud et des Rolland : « ...Qu’à l’amour, comme au seul Dieu suprême, On doit immoler tout, jusqu’à la vertu même, Qu'on ne saurait trop tôt se laisser enflammer Qu’on n’a reçu du Ciel un cœur que pour aimer, Et tous ces lieux communs de Morale lubrique, Que Lully réchauffa des sons de sa Musique. […] On ne peut pas dire non plus que ce portrait ne convienne qu’à l’Opéra, et qu’on n’est pas si sensible à la Comédie : car il y en a qui prétendent qu’on l’est davantage, et qu’une passion bien exprimée et bien poussée par un bon Comédien, fait plus d’effet dans un cœur que toutes les danses et les chants de l’Opéra.
ou Lutteurs, bien qu'ils combattissent tous nus sur l'Arène, ni les Thyméliques ou Musiciens, bien qu'ils joignissent leur voix et l'adresse de leurs mains aux Danses des Mimes et des Bouffons ; ni les Conducteurs des Chariots au Cirque, ni même les Palefreniers qui servaient auprès des chevaux employés aux Courses sacrées, bien qu'ils fussent de la plus méprisable condition, d'où l'on peut aisément juger, et certainement, que les Acteurs des Poèmes Dramatiques n'ont jamais souffert cette tache ; ils ne paraissaient point sur le Théâtre que modestement vêtus, bien que ce fut quelquefois plaisamment ; ils n'occupaient les Musiciens qu'aux Danses et aux Chants de leurs Chœurs, ou de quelques vers insérés dans le corps de leurs Poèmes, comme ceux de nos Stances que l'on récite mal à propos, au lieu de les chanter, étant Lyriques.
Ces choses portent leur condamnation avec elles, c’est contre cette dissipation, cette perte de temps prodigieuse, tout ce jeu de passions qui en produisent de pareilles, à ces larmes arrachées par leur vive image, cette impression contagieuse de nos maladies, ces parures, ces chants efféminés, ces yeux pleins d’adultères, cet enchantement du spectacle, cette agitation violente d’un cœur qui doit être le sanctuaire de sa paix, ces éclats de rire si peu convenables à des Chrétiens qui sont captifs sur le bord des fleuves de Babylone, et doivent attendre à tout moment la décision de leur sort éternel, en un mot tout cet amas de périls que les théâtres réunissent dont un seul est suffisant pour perdre une âme dans l’état de faiblesse où le péché de notre premier Père nous a réduits.
Tout ce qu’on voit, tout ce qu’on entend sur le théâtre ne s’adresse qu’aux sens, à la cupidité ; parures, décorations, chants, harmonies, assemblées, tout tente ; et à force de goûter ce qui enchante, on trouve des charmes dans les pièges, et on se sait bon gré d’être tenté.
Saint Basile au commencement de son Homélie quatrième sur l’Hexaméron, parle des chants de Musique, dont on se servait dans les Spectacles qu’il dit être fort dangereux29. « Ils vont, dit-il, avec tant d’ardeur écouter certaines chansons qui ne respirent que la mollesse, et qui ne tendent qu’à corrompre les mœurs, et qui font naître dans l’esprit des auditeurs, déjà assez effrénés d’eux-mêmes, toute sorte d’impudicités ; de telle manière qu’ils ne peuvent jamais se rassasier de ces chansons. […] Chrysostome 33 expliquant ces paroles du Chapitre onzième de saint Matthieu : « Celui qui voyant une femme, concevra un mauvais désir envers elle, a déjà commis le péché dans son cœur » ; ce Père parle du danger qu’il y a d’assister à la Comédie, par rapport aux femmes qui paraissent sur le Théâtre. « Si une femme négligemment parée, dit-il, qui passe par hasard par la place publique blesse souvent par la seule vue de son visage celui qui la regarde avec trop de curiosité ; ceux qui vont aux Spectacles et non par hasard, mais de propos délibéré et avec tant d’ardeur qu’ils passent un temps considérable à regarder des femmes infâmes, auront-ils l’impudence de dire qu’ils ne les voient pas pour les désirer, lorsque leurs paroles dissolues et lascives, leurs voix et leurs chants impudiques, les portent à la volupté ? […] Si la chaussure de Judith fut capable de ravir les yeux et le cœur d’un homme guerrier, que fera le visage, la taille, la bonne grâce, la danse, le chant d’une femme qui n’a point d’autre dessein que de paraître belle et de plaire pour attirer plus de monde à la Comédie. […] Il y a longtemps que Saint Chrysostome dans son Homélie 38 sur le 11e Chapitre de Saint Matthieu a répondu à la première Partie de cette objection101 : « Lorsque, dit-il, vous voudrez vous relâcher l’esprit, vous pourrez prendre beaucoup d’autres divertissements que ceux des Spectacles : vous pourrez vous aller promener dans des jardins, ou sur le bord des ruisseaux et des rivières, vous pourrez réjouir votre vue par la beauté de la campagne, vos oreilles par le chant des cigales, vous pourrez visiter les Temples des Martyrs ; tout cela contribuera à votre santé, et ce qui servira à vous divertir bien agréablement, vous sera d’un grand avantage pour l’âme : car vous n’en souffrirez aucun dommage, vous n’en aurez aucun chagrin, ni aucune tristesse.
A l’harmonie de la Versification se joignoit chez les Grecs, celle d’une Déclamation qui, sans être un chant Musical (comme je tâcherai de le prouver dans la suite) étoit une espece de Musique continuelle, par l’attention des Acteurs à observer dans les lenteurs & les vîtesses dans les élévations & les abbaissemens de la voix, la quantité des syllabes & des accens, & à observer outre cela une modulation composée par le Poëte même.
Avec ces sentiments, on voit bien qu’il ne pouvait pas être partisan du théâtre, où l’on enseigne une morale toute opposée, où le célibat est un ridicule, le nom de virginité inconnu, où l’amour est le bien suprême, l’union avec ce qu’on aime, le comble du bonheur, où tout ce qui peut inspirer la volupté est étalé avec toutes ses grâces, beauté, nudité, danse, chant, parures, attitudes, vers, sentiments, intrigue, etc.
Cette these qui pourroit fournir la matiere d’une farce sur le théatre de la foire, avoit été préparée par le projet, & le premier chant d’un immense poëme sur la galanterie, qui devoit contenir cent livres, comme la these contenoit cent conclusions, dont chacune devoit être développée dans un livre exprès, heureusement pour le public & pour lui-même, l’auteur n’a publié que le projet, & le premier chant ; on voit par-là dans quels ridicules font tomber la galanterie & le goût du théatre, ils ne connoissent point de frein, & apprennent à n’en plus connoître.
Si courir, sauter, bondir, s’appelle danser, la danse est plus ancienne que le chant, & en est très indépendante. […] Si on parle des pas mesurés en cadence sur un air, elle est bien postérieure au chant.
Poëme de la Déclamation, chant II. […] Mais que le chant a de force & des charmes, Où du tenare égayant le tableau, Tu peins les ris dans le sejour des larmes, Et les plaisirs dans le sein du tombeau.
Le mouvement des pieds, la mollesse du chant, le mélange des scènes ; voilà les ennemis de la pudeur, les amis du crime, les attraits de l’impudicité, les sceaux de la licence : Hestes pudicitiæ, amici libidinum, stimuli scelerum, sacramenta licentiæ. […] Le bruit, le tumulte, les chants efféminés, les discours licentieux, les mauvaises chansons, sont bien plus insupportables à son oreille que les injures des bourreaux : Rursùm erucifigentes in semetipsis filium Dei, & ostentui habentes.
« Pour toute ambition, pour vertu singulière, Il excelle à conduire un char dans la carrière ; A disputer des prix indignes de ses mains ; A se donner lui-même en spectacle aux Romains ; A venir prodiguer sa voix sur un théâtre ; A réciter des chants qu’il veut qu’on idolâtre, Tandis que des soldats, de moments en moments, Vont arracher pour lui des applaudissementss. » Dans quelle chaire la majesté de Dieu a-t-elle été présentée avec plus d’éclat et de grandeur que dans ces vers prononcés sur le théâtre, et que le poète a mis dans la bouche d’Esther, parlant à Assuérus. […] Nous, toutes les fois que les voix de ces hommes et de ces femmes (comme ils les appellent) viennent religieusement, spontanément s’unir à nos cantiques, nous nous en félicitons, et nous croyons qu’accompagnés de leurs chants mélodieux, ces hymnes s’élèvent vers l’Eternel comme un encens plus agréable.
Les danses, les chants, le mélange des sexes, les discours libres, les parures indécentes, les postures, les gestes, les mœurs des spectateurs et des auteurs, d’un exercice de religion firent un scandale. […] Il s’étend beaucoup sur la gravité convenable au chant de l’Eglise, la manière respectueuse dont on doit l’exécuter, et les dangers d’une musique molle, efféminée, trop vive et légère, ordinaire à la musique profane, qu’il traite de nouvelle, c’est-à-dire peu connue de son temps.
Leur chant n'est pas moins harmonieux, leurs caresses moins séduisantes, leurs gorges moins découvertes.
Elle était donc de bien mauvaise foi, lorsque, pour arrêter les progrès de la véritable morale, elle semait partout les soupçons et la défiance contre les ministres les plus dignes de vénération, et mêlait astucieusement ses cris d’alarmes à leurs premiers chants de victoire. […] Qui jamais aurait osé dire à nos pères qu’un jour viendrait où l’indigent serait forcé de spéculer sur le vice ou la frivolité de ses concitoyens ; que ce serait aux jeux brillants de Melpomène et de Thalie, dans le délire et du chant et des danses les plus voluptueuses, pour ne pas dire au sein même quelquefois de la débauche ou de la prostitution, qu’on s’occuperait en France du soin si important de soulager la misère publique ? […] L’expression du chant y est toujours agréable et facile ; et, quoiqu’on en puisse dire, elle paraît si près de la nature, et si conforme à ses lois, que sans effort, sans application, et, pour ainsi dire, malgré soi-même, on le retrouve toujours tracé dans sa mémoire. […] Théodose est en pleurs, Ambroise en est la cause : J’admire également Ambroise et Théodose. » (Chant 6.) […] Sujets, obéissez : le murmure est un crime, En vain contre un pouvoir cruel, mais légitime, Des peuples révoltés s’arment de toutes parts, Les Chrétiens sont toujours fidèles aux Césars. » (Poème de la Religion, Chant 4.)
La Marquise de P. qui y jouoit, & devoit beaucoup au théâtre par les agrémens de sa voix, de son chant & de son action, faisoit l’ornement de ses fêtes : elle fit Lagarde son Bibliothécaire, avec 2000 liv. d’appointement ; lui en procura autant sur le Mercure, & 1200 l. de viagere. […] Mais Eschile a de beaux vers, des pensées sublimes, des scénes brillantes, des chants qui valent les Odes de Pindare, &c. : sans doute, il y a des beautés, & quel est l’auteur de réputation, qui n’en a point.