Quelque vifs que soient ces portraits, ils ne rendent que faiblement les Actrices de tous nos théâtres, et les Spectatrices, qui se font un mérite et une étude de les imiter.
Ce raisonnement est faux incontestablement, ou pour l’un ou pour l’autre, il n’en résulte pas que parce que chez moi les Femmes y sont vives & coquettes, les Hommes ne devraient pas y être mélancoliques & naturellement un peu bourus. « Pour connoître les Hommes, dit-il, il faut étudier les Femmes. » Système absurde ! […] Calvin, jaloux de Servet, le fait condamner à être brûlé vif, sous prétexte qu’il blasphémait, & fait à cette occasion un Traité, prouvant qu’on peut faire mourir les Hérétiques, tandis qu’il était lui-même dans le cas. […] Les esprits de ceux qui sont du dernier ordre & des plus basses conditions d’un état, ont si peu de commerce avec les belles connaissances, que les maximes les plus générales de la morale leur sont absolument inutiles ; c’est en vain qu’on les veut porter à la Vertu par un discours soûtenu de raisons & d’autorités ; ils ne peuvent comprendre les unes, & ne veulent pas déférer aux autres, &c.… Toutes ces vérités de la sagesse sont des lumières trop vives pour la faiblesse de leurs yeux.
Convenez, Monsieur, d’après cette légere esquisse des différentes Scenes de nos Remparts, qu’elles renferment un intérêt bien vif, bien pressant, bien digne d’émouvoir l’ame d’un galant homme : de mon côté, je vous vanterai, avec ma franchise ordinaire, les services importans que l’on retire des Trétaux. […] Toutes les fois qu’on donne le Spectacle gratis, la populace qui compose la chambrée, prouve, par les applaudissemens qu’elle prodigue aux plus beaux endroits des Pieces, aux talens des bons Acteurs qu’elle distingue ; cette populace, dis-je, prouve qu’elle n’est point aussi bornée, aussi imbécille qu’on veut nous le faire accroire ; elle prouve, enfin, que la nature, notre commune mere, a gravé dans tous les cœurs un sentiment profond du Beau & du Bon, dont l’impression a pareillement lieu, quoique d’une maniere plus ou moins vive, sur l’ame du Villageois & sur celle du Monarque, sur l’esprit de l’ignorant & sur celui de l’homme le plus éclairé, le plus instruit. […] J’apprens dans l’instant, avec la plus vive satisfaction, qu’un Ministre aussi distingué par ses qualités personnelles, que par ses talens supérieurs, & une modestie que je craindrais de blesser en le nommant, s’occupe serieusement de cette réforme, & qu’il va faire rendre aux Auteurs toute la justice qu’il avaient lieu d’attendre de lui.
Et vous ajoutez page 28, que « vous ne trouvez rien que de fort bon dans le premier dessein de la Comédie, où l’on doit peindre le vice avec les plus noires, mais les plus vives couleurs pour le faire craindre ; où l’on doit mettre la vertu dans le plus beau jour, et l’élever par les plus grands éloges, pour la faire pratiquer ». […] Mais parce que je vous ai fait voir ailleurs qu’on devait expliquer et entendre les saints Pères dans ce sens, que les Gentils représentaient d’une manière peu honnête des crimes qui avaient été commis autrefois, ou dans un autre temps, « quod aliquando commissum est » ; je puis dire qu’on voit encore dans un sens la même chose sur notre Théâtre, puisqu’on n’y fait pas de moins vives peintures de l’inceste, de l’adultère, du parjure, et de tous les autres crimes qui à la vérité y sont un peu mieux marqués et déguisés, de manière pourtant qu’on ne laisse pas de les reconnaître ; et si on les fait passer pour des vertus, ce n’est que pour rendre plus agréables les passions et les mouvements déréglés du cœur qu’on les revêt du nom de vertus. […] L’expression ou la peinture qu’une personne considérable faisait de quelque cérémonie, frappait davantage leur imagination que l’instruction qu’ils eussent pu recevoir d’une autre manière plus simple et moins vive. […] Le désir, et le dessein de plaire, est ce qui conduit l’Auteur et qui anime l’Acteur, celui d’être touché, est ce qui attire le spectateur : ce qui ne pouvant s’exécuter sans que les passions soient excitées, il est évident que tout le but de notre Comédie est de les exciter, que ce n’est pas par hasard qu’elle les excite, et quoiqu’elle ne les excite pas toujours, c’est contre sa véritable fin et son principal dessein ; qu’il est toujours vrai de dire qu’elle les excite dans un grand nombre, qu’elle peut les exciter dans tous, et qu’elle le doit même faire plus ordinairement, si on considère de bonne foi, quel est l’empire naturel d’une représentation vive, jointe à une expression passionnée sur le tempérament des hommes.
Savez-vous ce que vous faites, dit ce saint Docteur, quand vous donnez tant d’applaudissemens à ces jeux profanes, où le vice est dépeint avec tant de vives & d’agréables couleurs ?
après ce sacrifice dont le parfum flattoit l’odorat de la nouvelle Divinité ; elle lui met de sa main charmante, accoutumée à porter tant de sceptres, une couronne de laurier sur la tête, alors tous les violons, violes, violoncelles, flutes, haubois, flageolet, fifres, trompettes, timballes font rétentir les airs, tous se prosterne aux pieds de la statue, & de toute part on s’écrie vive le grand, l’immortel, le divin Voltaire.
Il falloit qu’il se fit violence pour prêter des passions vives à ses personnages.