Le Beau-frère plus pleinement confirmé dans son opinion qu’auparavant, prend occasion sur ce sujet de faire des réflexions très solides sur les différences qui se rencontrent entre la véritable et la fausse vertu : ce qu’il fait toujours d’une manière nouvelle. […] Et c’est ici, concluent enfin ces Messieurs, où il faut remarquer l’injustice de la grande objection qu’on a toujours faite contre cette pièce ; qui est que décriant les apparences de la vertu, on rend suspects ceux qui outre cela en ont le fond aussi bien que ceux qui ne l’ont pas ; comme si ces apparences étaient les mêmes dans les uns que dans les autres ; que les véritables dévots fussent capables des affectations que cette pièce reprend dans les hypocrites, et que la vertu n’eût pas un dehors reconnaissable de même que le vice. […] Conclusion, à ce que disent ceux que les bigots font passer pour athées, digne d’un ouvrage si saint, qui n’étant qu’une instruction très chrétienne de la véritable dévotion, ne devait pas finir autrement que par l’exemple le plus parfait qu’on ait peut-être jamais proposé, de la plus sublime de toutes les Vertus évangéliques, qui est le pardon des ennemis. […] Tel est le privilège de la Vérité produite par cette Vertu, le fondement et l’âme de toutes les autres Vertus. […] Or ce plaisir, quand il vient des choses raisonnables, n’est autre que cette complaisance délicieuse, qui est excitée dans notre esprit par la connaissance de la Vérité et de la Vertu : et quand il vient de la vue de l’ignorance et de l’erreur, c’est-à-dire de ce qui manque de Raison, c’est proprement le sentiment par lequel nous jugeons quelque chose ridicule.
Arrachez-lui le masque, entrez dans sa conscience ; qu’il est pauvre en vertu ! […] Ainsi quand la mort a terminé la piece & abattu la toile, il n’est plus question de titres & de parure, de petit & de grand ; il n’est de richesse que celle des œuvres, de grandeur que celle des vertus. […] Il seroit facile de conserver la chasteté en s’éloignant des occasions ; en nous y exposant, nous nous rendrons presque impossible la vertu, & nous tomberons dans les plus grands crimes. […] Le feu le plus dévorant n’est pas celui qui consume les corps, c’est celui qui détruit l’innocence & la vertu de nos ames ; & par le malheur le plus déplorable, ceux qui en sont consumés ne le sentent pas. […] On aura de la peine à me croire ; mais ce n’est que par défaut de vertu que cette vérité paroît nouvelle & peu croyable.
Les parens de l’Actrice, qui veillent comme des dragons sur cette perle de vertu, en sont au mourir. […] Les héros de la morale naturelle n’ont jamais eu qu’une vertu apparente, dont les passions étoient le principe & le ressort. […] Tu serois bien sot de croire à la vertu d’une fille d’opéra ; elle joue la fille honnête, & fait son métier ; elle fait à quel filet se prennent les bonnes gens. […] Ce seul titre l’annonce, son état ne laisse pas même l’idée de la vertu. […] Le contraste des vertus que je vois pratiquer avec les vices où j’étois plongée, &c.
Mais il faut que la galanterie profane tout ; au milieu des plus grandes vertus d’un martyr illustre, on trouve les scandaleuses amours de Pauline, sa femme, avec Sévère, à qui à travers toutes les façons de la pruderie, ou, si l’on veut, de la vertu, elle fait pourtant l’aveu de sa tendresse, quoiqu’elle se fasse un devoir de la combattre. […] contra Marcionem), que Dieu soit loué par le Démon, la vérité par le mensonge, la vertu par le vice, comme il serait honteux pour un Catholique de l’être par un Hérétique, pour un sujet fidèle par un révolté, pour une honnête femme par une Comédienne : « Virgines à Meretricibus commendari non decet. » Leurs censures, leurs malédictions, feraient plus d’honneur ; leurs éloges rendent la vertu suspecte. […] Quelle liaison peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres, l’idole de Dagon et l’Arche d’alliance, la vertu et le théâtre ? […] 5.° Le Démon ne croyait pas ce qu’il disait, il n’osait combattre ouvertement un homme que la doctrine, les vertus, les miracles faisaient admirer. […] L’ânesse de Balaam était plus raisonnable, elle refusait de marcher contre l’Ange qui barrait son chemin ; l’Acteur franchit toutes les barrières que la religion et la vertu lui opposent.
des gens qui traînant une existence affoiblie par un libertinage forcené, flétrie par toutes les espèces d’épidémies qui marchent à sa suite ; constituant au milieu de l’état une société particulière sans liens fixes, sans domicile et sans patrie, déchue des honneurs et des avantages de la société générale, vagabonde comme les Zigeiners et les Tartares, aussi indépendante de toute législation que les Algonquins et les Ubiquas ; des gens, dis-je, qui ne peuvent prêcher la vertu autrement que par le spectacle des tristes fruits de son rival… Vertu prêchée par des histrions ! […] « Ces bouches, disoit madame de Sevigné, ne sont pas faites pour prêcher la vertu, elles sont trop infectes, trop contagieuses pour ne souiller point la pureté et ternir l’éclat de cette précieuse et délicate qualité de l’ame humaine…. » Quel est l’homme assez lâche pour céder à l’impression de la vertu, lorsqu’elle se montre sous de tels dehors, lorsqu’elle s’annonce par de tels organes ; qui avant de se laisser toucher par des propos emphatiques d’une morale romanesque, ne reconnoîtra point l’illusion de ce fantôme, en jetant, suivant l’expression d’un ancien, un coup d’œil sur la vie et les mœurs des farceurs qui l’annoncent ? […] L’énergie des vertus éteinte depuis long-temps, ne promet plus rien d’utile ou d’honorable à la société. […] Il peut s’élever un Suger, un Amboise, un Ximenès, qui parleront aux rois avec cette fermeté que donne la vertu unie à l’attachement le plus vif aux intérêts de la chose publique ; il peut naître un Théodose, un Louis IX qui ne prêteront point à leurs discours une attention stérile. […] X. 27.) mêmes n’étoient pas une place propre à parler en faveur de la vérité et de la vertu.
Le Mercure d’avril 1768 en donne un très-long extrait dont il regrette qu’il n’y ait que deux tomes, tandis que la vertu gémit d’en voir un. […] La comédie accoutume au vice, & n’en guérit pas ; désaccoutume de la vertu, & ne l’inspire pas : Assue factio morbi non libertatio. […] La vertu peu désirée s’enfuit, le vice peu redouté triomphe ; on lui prête même des armes, on lui suggère des prétextes : le vice n’est qu’une foiblesse, la vertu qu’un travail. […] Que de traits nous allons voir de toutes les vertus, & sur-tout de la chasteté ! […] Ce seroit un miracle de transformer le vice en vertu, la dissolution en sagesse, la galanterie en décence.
Le théatre fut toujours coupable de ces excès, il étale le plus grand faste, il en entretient le goût ; la simplicité & la modestie y sont des vertus inconnues, & y passent pour des vices chez les amateurs. […] Sa raison s’égare, elle tombe dans l’ivresse, la vertu la plus ferme succombe sous la douceur du plaisir, on est sans défense & criminel sans presque s’en être apperçu ; se posséde-t-on, se connoît-on dans ce moment de délire ? […] Voilà les Dieux & les Déesses du théatre, couverts de tout ce qu’il y a de plus riche, & qui n’ont ni religion ni vertu, non est spiritus in visceribus ejus . […] Vient-on à se relâcher dans la vertu, on recherche la parure, & cette parure est le présage du relâchement entier, & bientôt du vice. […] Voilà qui fait voler les talonières du Messager des Dieux, & annoncer toutes les vertus du fard.