Le Diable amoureux est un mauvais roman, où sous le vieux cadre de sorcier & de revenant, on dit bien des choses plates, triviales, sans goût, sans esprit ; tout son mérite est une multitude de caricatures, de figures grotesques, de démons, de sorciers qui peuvent un moment amuser les enfans & le peuple ; il ne vaut pas le diable boiteux du sieur le Sages, où il y a du sel & de l’esprit. Gacon, ex-Oratorien, mort Prieur de Baillon, trop fameux par son esprit caustique, qui lui valut plusieurs mois de prison, sans le corriger, Gacon ne composa point de drame, ni de farce, quoiqu’il eût du talent pour la grosse plaisanterie, il n’avoit pas assez de génie pour faire un tout régulier, une bonne piéce de théatre ; dans le nombre infini de satyres, épigrammes, sonnets, rondeaux, chansons qu’il a fait, il a donné un recueil intitulé le Poëte sans fard, où sous prétexte de candeur & de sincérité, il satyrise tout le monde, tout cela nous est étranger, & d’ailleurs fort peu intéressant.
Celles de Solon, de Licurgue, de Numa, les valent bien, & ont formé plus de gens honnêtes ; mais il avoit peu l’esprit de la philosophie, qui consiste à favoriser la population. […] Jamais charlatan ne fit mieux valoir leur vertu.
Après sa mort, les victorins ses confreres ont fait son apologie : je loue leur zele & leur charité, & je crois sans peine qu’il y a des choses vraies, qu’on a beaucoup exagéré les torts de ce Religieux ; mais voici un mot qui n’est pas douteux, qui vaut mieux lui seul plus que toutes les bouffonneries vraies ou fausses qu’on lui attribue, & qu’on appelle bons mots, parce qu’elles sont indécentes ; il fit une mort chrétienne & religieuse. […] On a beaucoup ri, la farce a réussi parfaitement ; le pour & contre sont bien reçus dans les Etats de Thalie ; après tout, c’est rendre justice à Arlequin, il mérite bien des jeux séculaires, il vaut bien en son genre les plus grands poëtes ; son nom est beaucoup connu ; une infinité de piece toute sur Arlequin, & il regne sur tous les Théatres de l’Europe, il faut bien du génie, de souplesse, d’adresse, de finesse pour être un parfait Arlequin ; son nom a passé en proverbe : honneur que n’ont pas reçu les plus grands maîtres.
C’est ici la maison à deux portes : de l’une ils sortent en furieux, & vont aux tribunaux ordinaires faire valoir leurs priviléges ; ils se réfugient dans l’autre, quand on les attaque, & qu’ils craignent les évenemens. […] Il vaut mieux tarir la source du mal. […] Mais les gens dont la vertu dirige les suffrages, payent à son zele & à ses talens le juste tribut d’éloges qui lui sont dus, & qui valent bien la mauvaise humeur de la Marquise.
Que de graves apologistes, Marmontel, Boursault, Fagan, Laval, &c. ces vénérables Pères de l’Église, viennent nous dire d’après Arlequin, la comédie corrige les mœurs, castigat ridendo mores, le vice y est toûjours puni, c’est une école excellente de vertu, &c. nous les prierons d’enchasser ces belles tirades dans la comédie du Menteur, dont elles pourront alonger les scènes, & de compter pour quelque chose Aristote, Horace, Plaute, Térence, dont le grand Corneille emploie l’autorité, & ce père du théatre lui-même, qui les valent bien, ne fût-ce que pour la droiture & la sincérité.
Ie n’adioûteray qu’une chose en faveur de nos Poëtes, que dés ce temps-là, on faisoit si grand cas de leurs travaux, qu’on ne se contentoit pas de leur donner de steriles & infructueux applaudissements, mais que l’on achetoit & payoit liberalement leurs Pieces, jusques là que l’Eunuque de Terence luy a valu huit mil écus de monnoye de Rome.
Je dirai en cet endroit qu’il vaudrait mieux à ceux-ci, n’avoir aucune connaissance des lettres, que de les lire en cette façon.