Balaam fut celui qu’il choisit pour cette cérémonie, mais Dieu conduisit sa langue ; il lui fit bénir Israël, laissant les troupes de Balac dans la malédiction ; et il a conduit encore aujourd’hui la plume du Prêtre consulté par des Comédiens pour lui faire énoncer fort clairement que l’Eglise n’a jamais cessé d’anathématiser les spectacles.
Ses obscénités, sou libertinage, son effronterie, son irréligion, sa causticité, sa présomption avec les connoissances les plus superficielles, la bassesse de ses sentimens & de sa conduite, lui donneroient incontestablement le droit de filiation dans toutes les troupes de comédiens. […] Ni l’un, ni l’autre ne doit s’exclure dans une troupe de comédiens.
Il y a vingt-quatre ans qu’il y a eu une troupe de Comédiens établis à Geneve ; & ces dernieres années, plusieurs troupes ne pouvant y être admises, représenterent à Grange-Canard, aux portes de la ville, & s’y sont très-bien soutenues par l’affluence de vos compatriotes.
Tous les défenseurs du Théâtre ont toujours été étonnés que les Comédiens fussent excommuniés, et que les Spectateurs ne le fussent pas ; et M.F. regarde encore aujourd’hui comme une singularité frappante, que les Comédiens soient en même temps proscrits et autorisés ; et il trouve que c’est une contradiction insoutenable, que de vouloir diffamer une troupe de gens à talents, que l’on reconnaît d’ailleurs être nécessaires, et que ce contraste ne peut pas longtemps subsister dans un Etat, dont le goût et les décisions sont des lois pour toutes les autres Cours de l’Europe. […] Que l’on nomme, dit-il, une ville où jamais la plus petite troupe de campagne ne se soit établie ? […] M.F. s’est bien douté qu’on lui ferait cette question ; et c’est sans doute pour y répondre d’avance, qu’il cite la capitale d’une Province de France du côté du nord, où les bonnes mœurs se font remarquer, où l’on remplit avec la plus grande piété les devoirs du Christianisme ; où les hommes sont laborieux, et les femmes rarement infidèles ; et où cependant l’inclination pour les spectacles est si grande, que dans les temps où ils sont suspendus ailleurs, c’est-à-dire dans les jours saints, ils y subsistent encore, et souvent alors quelques bons Acteurs de Paris s’y sont transportés, pour s’y joindre aux troupes qui y sont fixées.
Les sages maîtres des tréteaux forains sentent bien que la troupe de Nicolet effaceroit bien-tôt la leur, si on lui faissoit quelque liberté.
Roscius, indépendamment de ce qu’on donnoit à sa Troupe, avoit pour lui seul plus de cinquante mille livres par an.
Enfin est-ce pour prendre des leçons de sagesse, que tant de désœuvrés vont journellement courir à des spectacles, où, peu attentifs à la pièce, on les voit perpétuellement voltiger autour d’une troupe de sirènes, qui mettent tout en usage pour entraîner dans leurs pièges ceux dont elles ont irrité les désirs ?