Mandement De Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Evêque d’Arras au sujet des Tragédies qui se représentent dans les Collèges de son Diocèse. […] Nous croyons pouvoir tolérer l’ancien usage de faire à la fin des Classes des Tragédies, pour apprendre aux Enfants à déclamer et leur inspirer une hardiesse honnête. […] Nous défendons de joindre à la représentation de ces Tragédies, des Comédies et des Opéra avec des danses qui ne peuvent être qu’une semence de corruption pour une jeunesse capable dans cet âge tendre de toute sorte d’impressions. […] Nous exhortons tous les Recteurs et Supérieurs des Collèges de notre Diocèse qui y feront représenter des Tragédies, d’y mettre toute la différence qu’ils pourront d’avec celles qui se représentent par des Comédiens sur les Théâtres, et pour lesquelles l’Eglise a toujours témoigné tant d’horreur. […] Nous n’empêchons pas non plus que l’on ne puisse mettre dans les entr’actes de ces Tragédies une Symphonie honnête et modeste : mais nous ne voulons pas que l’on y emploie des personnes consacrées à Dieu ou par l’Etat Ecclésiastique qu’ils ont embrassé, ou par les fonctions Ecclésiastiques qu’ils exercent dans des Eglises particulières où on les voit revêtus de Surplis.
Elle préféroit, il est vrai les tragédies, où l’amour conduit à de grands malheurs. […] C’est le pere de la Tragédie, & un génie sublime. […] On ne peut donner le nom de Tragédies à son Prométhée. […] Il n’y a qu’à aller aux Tragédies de la Greve, on y entendra des blasphêmes plus énergiques que ceux d’Eschile. […] Sujets, incidents, épisodes, tout dans nos pieces n’est qu’amour, l’amour est le Dieu de nos tragédies.
De Belloi se montre un grand Maître dans la pratique du Théâtre ; il n’ignore point que le sujet fait souvent le principal mérite d’une Tragédie. […] Avant d’assister à la représentation d’une Tragédie, il est aisé de savoir quels en seront les Personnages. […] La Tragédie jouit encore d’un autre avantage qui nous assure qu’elle n’épuisera guères ses sujets. […] La Tragédie est donc plus séconde que sa Rivale, & par conséquent moins difficile, puisque les sujets sérieux viennent s’offrir sans peine. […] Ignore-t-on qu’il ne doit point perdre la vie, puisque ce n’est point une Tragédie qu’on nous représente ?
Il jouoit plus souvent dans les Comédies que dans les Tragédies, soit qu’il fût mécontent des Tragédies Romaines, soit qu’il lui fût plus aisé dans la Comédie de cacher le défaut de ses yeux, qui étoient de travers. […] Ciceron se mocque de ces six cent mulets, qu’on voyoit passer dans la Tragédie de Clytemnestre : c’étoient sans doute les équipages d’Agamemnon revenant du siége de Troye. Dans la Tragédie d’Andronicus intitulée, le Cheval de Troye, on voyoit passer trois mille Vases, & toutes sortes d’Armes d’Infanterie & de Cavalerie ; ces ornemens d’une Tragédie, la faisoient goûter au Peuple Romain. […] Néron qui exécutoit sous le masque, des rôles de Tragédies, institua les jeux Neroniens : & Domitien, qui se disoit Fils de Minerve, institua les jeux Capitolins. […] Augustin, que les plus tolérables de ces jeux, étoient les Tragédies & les Comédies.
Et tant s'en faut qu'il ait inventé et joué des Comédies, nous trouvons au contraire que tous les sujets qu'il a dansés étaient tragiques, comme nous l'apprenons des fragments qui nous en restent ; Ce qui montre que c'étaient des Mimes, dont les sujets étaient presque toujours les mêmes que ceux des Tragédies, ainsi que nous l'avons montré. Et comment eût-il été possible qu'il eût pu jouer seul, c'est-à-dire chanter et danser une Comédie ou une Tragédie toute entière ? […] et de toucher des instruments, il jouait excellemment ses Fables sans parler ; Car je demanderais volontiers à ceux qui ont commencé, et qui ont continué cette faute, comment Andronicus pouvait jouer seul une Comédie ou une Tragédie, et comment il la pouvait jouer sans prononcer une parole ? […] Cette équivoque a fait son erreur, et son faux raisonnement, et je ne pense pas que l'on trouve chez les Anciens ces noms Latins, Comœda ou Tragœda, pour signifier une femme qui jouait la Comédie ou la Tragédie, il n'y en a point, ou du moins puis-je assurer que je n'en ai jamais rien trouvé. […] majore cachinno concutitur. » une nation Comédienne, il veut dire seulement qu'ils étaient naturellement propres à la Comédie, à la Tragédie, et aux autres représentations Théâtrales, et non pas que les femmes aient joué les Comédies et les Tragédies sur le Théâtre.
On répondra, peut-être, que l’amour dans les Tragédies, qui est presque toujours malheureux, pourra donc être admis au Théâtre, pour fournir à la correction des mœurs, et qu’ainsi il n’y aura que l’amour de la Comédie à réformer. Je ne répondrai pas à cette objection pour le présent ; parce que, m’étant proposé dans ma seconde partie d’examiner en détail les Tragédies, surtout par rapport à l’amour, c’est là que je me réserve à prouver que cette passion n’est pas plus excusable dans les Tragédies que dans les Comédies. […] J’avoue que, dans leurs Tragédies, les Grecs ne l’ont montré que par ses fureurs et ses emportements ; et, par là, cette passion n’a jamais manqué d’inspirer aux Spectateurs une horreur capable de les corriger. […] Les pères traversés dans leur passion par leurs enfants, prennent contre eux des sentiments de haine : les fils, de leur côté, deviennent ennemis de leurs propres pères, en devenant leurs rivaux : et, dans quelques Tragédies même, on voit des Princes qui ne veulent pas régner aux dépens de leur amour. […] On pourrait regarder comme une espèce de nouveauté l’amour que les Modernes ont introduit dans la Tragédie ; puisque, suivant ce qui a déjà été dit, on ne le trouve que très rarement dans les Tragédies Grecques ; mais, pour ce qui regarde la Comédie, nous ne savons que trop combien est ancienne la méthode de la faire rouler sur l’amour.
Vous voudriez, Monsieur, bannir cette Tragédie de notre Théâtre ? […] Si dans quelques Tragédies on a voulu nous intéresser pour des scélérats, ces Tragédies ont manqué leur objet ; c’est la faute du Poète et non du genre ; vous trouverez des Historiens même qui ne sont pas exempts de ce reproche ; en accuserez-vous l’histoire ? […] L’amour, si on en croit la multitude, est l’âme de nos Tragédies ; pour moi, il m’y paraît presque aussi rare que dans le monde. […] [NDE] Manlius Capitolinus (repr. 1698., publ.1718), tragédie d’Antoine d’Aubigny de La Fosse. […] [NDE] Rome sauvée ou Catilina (repr. 1752, publ. 1753), tragédie de Voltaire.