Enfin tout ce que nous offre le Théâtre est à portée : l’objet, le jeu, l’intérêt, la marche, le dénouement. […] Ne voit-on pas les meilleures Piéces échouer sur les Théâtre de Province, & ne trouver de lustre qu’à Paris. […] Et pourquoi cet effet merveilleux est-il exclusif au Théâtre ? […] Dans le Commerce elles se gâtent & viennent au Théâtre se réformer. […] Il n’y a au contraire qu’à gagner pour nos mœurs à voir l’amour sur le Théâtre.

Cette disposition l’empêche de trouver que l’Ecriture soit contraire au Théâtre ; et que dans le précepte de mortifier ses sens, et de faire violence à la nature, soit compris celui de détester la Comédie. […] Qu’on compare notre Théâtre avec celui des Anciens, nos Acteurs avec ceux de Plaute et de Térence ; et qu’on me dise si pour avoir reçu la lumière de l’Evangile nous en sommes devenus plus sages ? […] Si on ne ferme point le Théâtre, c’est par pure politique ; et si on le condamne, c’est par principe de Religion. […] Ou ce raisonnement ne signifie rien, ou il s’ensuit que les femmes ont droit d’aller à l’Eglise comme des Comédiennes au Théâtre. […] Eux et mille autres assistent au Théâtre sans ressentir la « moindre émotion ».

Quoique Aristote son disciple aimât à le contredire, et qu’une philosophie plus accommodante lui ait fait attribuer à la tragédie une manière qu’il n’explique pas, de purifier les passions en les excitant (du moins la pitié et la crainte) il ne laisse pas de trouver dans le théâtre quelque chose de si dangereuxPolit. 7. 17. […] Ce n’est pas qu’on y jouât alors comme parmi nous, les passions des jeunes gens : nous avons vu à quel rang on les reléguait ; mais c’est en général, que des pièces d’un si grand mouvement remuaient trop les passions, et qu’elles représentaient des meurtres, des vengeances, des trahisons, et d’autres grands crimes dont ce philosophe ne voulait pas que la jeunesse entendît seulement parler, bien loin de les voir si vivement représentés et comme réalisés sur le théâtre. […] , que « l’action suit de près le discours, et qu’on se laisse aisément gagner aux choses dont on aime l’expression »: maxime importante dans la vie, et qui donne l’exclusion aux sentiments agréables qui font maintenant le fond et le sujet favori de nos pièces de théâtre.

Il ne prétend pas qu’on ne doit jamais mettre sur le Théâtre un Personnage souffrant des maux qu’il ne mérite pas. […] Cette Réflexion suffit pour prouver qu’un tel Sujet n’a pu être mis sur le Théâtre, que dans les tems d’ignorance. […] Ce Traité si petit & si obscur, a de tout tems fait regarder son Auteur comme le Législateur du Théâtre. […] Quelle Tragédie cependant offre de plus pernicieux exemples que celle-ci, qui commença la gloire de notre Théâtre ? […] Saverio,5 que le Théâtre puisse être jamais une Ecole publique pour les Peres de Famille, les Enfans & le Peuple.

Ce que je dis ici est pour montrer que le nouveau Théâtre doit posséder des avantages réels, sinon qu’il serait indigne de l’accueil flatteur qu’on daigne lui faire. […] Les Drames des Théâtres ordinaires n’ont besoin que des talens d’un seul Auteur ; la plus-part n’enrichissent la République des Lettres que d’un seul homme de génie. […] Le nouveau Théâtre enrichit ses Acteurs. […] Cet aimable Théâtre sçait donc recompenser les talens ?

e Olympiade lui paraît incontestablement l’Auteur de la Parodie Dramatique, qui était à-peu-près dans le goût de celles qu’on donne aujourd’hui sur nos Théâtres ; comme Agnès-de-Chaillot, Parodie d’Inès-de-Castro ; le Mauvais-Ménage, Parodie de la Mariamne ; les Magots, Parodie de l’Orfelin-de-la-Chine, &c. […] La Parodie est un mauvais genre en lui-même : elle est sur le Théâtre comme la médisance dans la Société, le fléau mesestimable des vices & des défauts. […] Cependant ce genre a son utilité, sur-tout aujourd’hui, & je ne le bannirais pas absolument du Théâtre. […] La manière de parodier qu’on peut laisser sur le Théâtre de la Réforme, sera, ou une imitation fidelle & bien calquée ; ou une critique, dont la plaisanterie sera bonne, vive & courte, & dans laquelle on évitera l’esprit d’aigreur, la bassesse d’expression & d’obscénité.

Origine des Théâtres. […] Lysandre, Général des Lacédémoniens, s’empara d’Athênes, & réprima les dèsordres du Théâtre. […] La protection dont Auguste l’honnora, & le goût qu’il conçut pour les Belles-Lettres, paraissaient devoir immortaliser la gloire du Théâtre. […] La pluspart de nos connaissances, & sur-tout celles du Théâtre, nous viennent d’au-delà des Alpes ; il faut en convenir, malgré notre amour propre. […] C’est ainsi que le Théâtre Français se trouva digne tout-à-coup d’attirer tous les regards.