Caffaro, « Lettre d’un théologien, illustre par sa qualité et son mérite, consulté par l’auteur pour savoir si la Comédie peut être permise, ou doit être absolument défendu », in Pièces de théâtre de Boursault, Paris : Jean Guignard, 1694, pages 38, 40 etc. Il faudra donc que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière, ou qu’on ne veuille pas ranger parmi les pièces d’aujourd’hui, celles d’un auteur qui a expiré pour ainsi dire à nos yeux, et qui remplit encore à présent tous les théâtres des équivoques les plus grossières, dont on ait jamais infecté les oreilles des Chrétiens. […] Pour moi, je l’ai vu cent fois déplorer ces égarements : mais aujourd’hui on autorise ce qui a fait la matière de sa pénitence et de ses justes regrets, quand il a songé sérieusement à son salut, et si le théâtre Français est aussi honnête que le prétend la dissertation, il faudra encore approuver que ces sentiments dont la nature corrompue est si dangereusement flattée, soient animés d’un chant qui ne respire que la mollesse. […] Caffaro, « Lettre d’un théologien, illustre par sa qualité et son mérite, consulté par l’auteur pour savoir si la Comédie peut être permise, ou doit être absolument défendu », in Pièces de théâtre de Boursault, Paris : Jean Guignard, 1694, pages 38, 40 etc. […] Urbain, Levesque, L’Eglise et le théâtre, Bossuet, Maximes et réflexions sur la Comédie, précédées d’une introduction historique et accompagnées de documents contemporains et de notes critiques, Bernard Grasset, 1930.]
Plus de six cents personnes étaient alors renfermées dans la salle du spectacle ; la comédie n’était encore qu’au troisième acte, lorsque le tonnerre tomba sur le théâtre par une grande ouverture qui se fit au comble du bâtiment. […] Cette flamme légère monta rapidement dans le centre où la ficelle aboutissait, et embrasa dans le moment les toiles et toute la partie supérieure du théâtre. […] On célébrait le jour anniversaire de la conspiration des poudres : pendant qu’on jouait la comédie dans la salle du bal, le feu prit à de la poudre qu’un épicier avait imprudemment mise sous le théâtre. L’explosion fit sauter le plancher et une chambre qui était au-dessus, et mit le feu à la couverture, qui, en tombant, renversa une partie des murs et embrasa le théâtre ; la plupart des spectateurs sautèrent en l’air avec l’édifice, ou furent ensevelis sous ses ruines embrasées. […] Nous ne pourrions nous empêcher de regarder comme un terrible châtiment une mort soudaine arrivée au milieu d’un spectacle, et nous regarderions comme une marque de réprobation de mourir sur un théâtre : ne passons donc pas une partie de notre vie où nous aurions horreur de mourir.
Q uel que soit le nombre des Ouvrages que l’on a publiés sur nos Spectacles, cette vaste matière paraît encore inépuisée ; les Partisans du Théâtre & les Misomimes, ne l’ayant chacun envisagée que dans le point-de-vue favorable à leurs préjugés, l’Auteur de la Mimographe, qui en a recherché les avantages & les inconvéniens, aurait voulu tout embrasser ; mais la tâche était au-dessus de ses forces ; elle s’est vue elle-même dans la nécessité de ne faire que l’effleurer. […] De répondre aux Misomimes ; de prévenir les Objections ; de donner un Précis de l’Histoire des Théâtres : trois objets qu’embrassera la Note [A]. […] Dans [G], des Théâtres des Anciens. […] Dans [L], des Habits de Théâtre, XIII. […] Dans [N], des Théâtres où l’on a fait jouer des Enfans.
Il faut que le nouveau Théâtre se fonde sur la Vérité & sur la Nature. […] En éffet, de nos jours le Beau simple & le naturel ne se trouvent gueres au Théâtre. […] Mais ce n’est pas seulement des Théâtres que l’image de la Vérité est bannie ; le reste de la Littérature semble avoir conjuré contre elle. […] Dernières raisons des succès du nouveau Théâtre. […] Il est plus séant d’aller au Spectacle que dans la boutique d’un vil Artisan ; & puis d’ailleurs, les Bucherons, les Maréchaux, les Cordonniers qu’on nous représente sur le Théâtre, chantent un peu mieux que ceux qui sont par le monde.
Ces sortes de comédies étaient pour la plupart représentées dans les églises mêmes, ou sur des théâtres construits dans des couvents de moines ; c’est là que des ecclésiastiques de tous grades intervenaient comme acteurs dans ces représentations religieuses, ainsi que dans ces fameuses processions trop souvent licencieuses, quelquefois obscènes et n’offrant que des farces du plus mauvais goût. […] Les prêtres et les évêques voudraient-ils aujourd’hui appeler l’opprobre et l’excommunication sur ceux auxquels ils donnèrent l’existence, et, nous le répétons, sur ceux avec lesquels ils fraternisèrent au point de monter avec eux sur les théâtres ? […] sans faire attention que les théâtres sont protégés par les gouvernements, et que la profession de comédien est approuvée par les souverains et par le pape, des prêtres rigoristes par ignorance, et entêtés par fanatisme, fulmineraient contre les acteurs une excommunication injuste en les privant des prières et des honneurs de l’église, et en leur refusant la sépulture en terre sainte ! […] On se convaincra facilement de ce que je viens de dire, en observant que le théâtre est maintenant épuré et qu’il est en outre protégé, autorisé, soldé et honoré par tous les gouvernements séculiers, et que cette autorisation est sanctionnée par la manière dont le gouvernement papal en use envers les comédiens à Rome et dans toute l’Italie. […] L’autorité séculière se crut enfin obligée de mettre un terme à tant de désordres scandaleux, et, d’accord avec les lois canoniques, elle régla le sujet des pièces de théâtre, et ordonna que la scène théâtrale serait transportée hors des églises et placée dans des salles construites pour cet objet.
Il est vrai qu’il faut une grande précaution et beaucoup de discernement pour faire le choix des passions et des vices dont on peut faire usage sur le Théâtre ; mais je ne conviens pas qu’on doive en bannir sans distinction toutes ces passions et tous ces vices qui peuvent être dangereux sur la Scène. […] A l’égard de la passion d’amour, pour la rendre instructive sur le Théâtre, on trouvera plus de difficulté dans la Comédie que dans la Tragédie. […] Si tout le monde est esclave de l’amour, il ne faut pas que le Théâtre contribue à rendre cet esclavage encore plus rude et plus général ; il faut au contraire qu’il fournisse aux hommes des secours pour leur en faire connaître tout le poid, toute la faiblesse et même l’indignité. […] Par ce motif, dans mes Règlements de Réformation, j’exclus la passion d’amour du Théâtre, excepté les cas où elle est instructive et où elle corrige ; parce que j’ai senti que les hommes sur cet article ont du moins besoin de correction, autant que sur celui de l’avarice, de la vanité, de la jalousie, et de toutes les autres passions. Suivant ce principe on croira que je vais rejeter tout le Théâtre comique de nos jours ; je serais assez porté à prendre ce parti : cependant je veux examiner si parmi les Pièces qui subsistent il y en a quelques-unes qui méritent d’être conservées, et si, dans la corruption générale du Théâtre, on peut trouver quelque Comédie où la passion d’amour soit traitée d’une manière instructive comme je viens de le proposer.
Enfin on donna les Moissonneurs : tout Paris courut s’attendrir à son Spectacle favori, & pour la première fois, la pudeur timide put lever les yeux sur le Théâtre Italien. On dit que les Arietteurs craignent que des Pièces comme les Moissonneurs ne fassent tomber leur Théâtre. […] Ce qui fit tomber le Théâtre, avant que Mlle Favart le relevât, c’était le mauvais Jeu des Acteurs : & malgré la fureur du Public pour les Ariettes, le Théâtre Italien cessera bientôt d’avoir la foule, si (comme on a déja lieu de le présumer) on ne voit plus les Pièces favorites rendues que par de médiocres Chanteurs. […] L’Opéra-comique en Vaudevilles, la Parodie, & des Comédies-Italiennes occupent le même Théâtre que l’Ariette. […] En demandant qu’on épure le Théâtre, je n’entendrai pas en bannir la gaîté, & moins encore la variété.