L’homme de Théâtre s’est vu admis dans les plus nobles Sociétés de la Cour & de la Capitale ; ses vains talents lui ont tenu lieu d’aïeux & de mérite.
Un grand Magistrat, lors méme qu’il se relâche, est obligé de garder son Caractere, & de choisir des divertissemens, qui soient conformes au rang, qu’il tient parmi les hommes ; ainsi Chrêtiens, lors même que vous vous divertissez, vous devez le faire en Chrêtien.
circonstance qui prouve ce que j’ai avancé : car outre qu’à cet âge l’imagination est vive, l’esprit dissipé, le cœur volage, les sens ouverts & subtils, dispositions fatales, & propres à donner entré au peché, c’est qu’on est sans experience, sans crainte, sans défiance, sans preservatifs ; faute d’experience tout plaît, tout touche, toute attache : faute de crainte on ne sçait ce que c’est que de se menager, que de s’arrêter a propos, que de reculer ; on envisage avec joye le precipice, où l’on va se perdre, on cherche même a se perdre : faute de défiance loin de tenir sur ses gardes, & de se mettre en disposition de repousser l’ennemi du salut, on se dépouille (si j’ose parler de la sorte) de ses armes, & sent-on la tentation, on est hors d’état de se defendre.
Car comme ceux qui se trouvent dans ces assemblées veulent tenir le haut bout, et précéder les autres, par cet amour de propre excellence dont le cœur humain est empoisonné, et qui fait la principale partie de l’esprit du monde, soit en dansant actuellement, soit pour se placer, soit encore pour prier ou inviter les femmes ou filles à danser ; il se rencontre mille occasions de contestation, dans lesquelles on s’emporte souvent à dire des paroles aigres, offensantes et injurieuses ; on se pique d’honneur ; on entre dans le ressentiment ; on conçoit de la haine et des désirs de vengeance ; on en forme le dessein, et on en vient même aux mains et aux armes.
L’an 364. sous le Pape Sylvestre dans un Concile tenu à Laodicée, elle les défendit même aux noces.
Lettre d'un théologiena Monsieur, Je m’étais toujours défendu de vous donner par écrit mon sentiment sur la Comédie, et j’avais tâché d’éviter ce coup, en vous apportant pour excuse et la délicatesse de la matière, et le peu de capacité de celui qui la devait traiter ; mais je ne puis plus tenir contre l’obstination et l’importunité de vos prières (si jamais cependant un Ami tel que vous est capable d’importuner) et pour vous guérir de la crainte scrupuleuse où vous estes que votre conscience ne soit intéresséeb dans les Ouvrages de votre esprit, je passe aujourd’hui par dessus ces deux difficultés, voulant bien m’exposer en votre faveur à ne pas répondre à la haute idée que vous avez conçue de mon peu de mérite, et m’engager pour vous tirer de peine, dans une des plus difficiles, mais des plus curieuses Questions qu’un Théologien puisse traiter. […] Thomas veut que ces paroles du grand Chrysostome s’entendent des jeux excessifs peu modérés, et kil ajoute que l’excès dans jeu tient d’une folle joie, appelée par S. […] Ce pieux et savant Cardinal approuva donc les Comédies modestes, et ne condamna que les déshonnêtes et les impies, comme on le voit par le troisième Concile qu’il tint à Milan en 1572. […] semblable, dit un Père de l’Eglise, à un arc qui pour être trop bandé se rompt, au lieu qu’après avoir été un peu relâché il frappe avec plus de force : ce qui a donné lieu à ce Proverbe, « Apollon ne tient pas toujours son arc bandé. » Aristote en rend la raison, lorsqu’il dit qu’il est impossible que l’homme subsiste dans un travail continuel, et qu’il est nécessaire que le repos, les plaisirs et les jeux succèdent à ses soins, à ses travaux et à ses veilles ; ce qui a fait dire à un Ancien« Opsimus laborum medicum », Pyndar.
« La plus belle des Reconnoissances est celle qui étant tirée du sein même de la chose, se forme peu à peu d’une suite vraisemblable des affaires, & excite la terreur ou l’admiration, comme celle qui se fait dans l’Œdipe de Sophocle & dans l’Iphigénie : car qu’y a-t-il de plus vraisemblable à Iphigénie que de vouloir faire tenir une Lettre dans son Pays ? […] Les périls qu’il a courus ont tenu le Spectateur dans de continuelles allarmes : ainsi cette Piéce a pour ame les deux Passions essentielles à la Tragédie, la Crainte & la Pitié. […] Le Poëte le plus parfait de tous nos versificateurs, pensoit de même, puisqu’il disoit que sa Tragédie étoit faite, lorsqu’ayant, après de longues méditations, arrêté la conduite de l’Action, les caracteres, & les discours qu’il devoit faire tenir à ses Personnages, il ne lui restoit plus à faire que les Vers.