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40. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « [Introduction] » pp. 1-9

Je dis encore que toute la France est enthousiasmée des spectacles : « Totam hodie Romam circus capit, et fragor aurem percutit. » Les théâtres publics, quoique innombrables, ne suffisent pas, on en construit dans les bourgades, dans les armées, dans les couvents, dans les maisons particulières ; on y court, on y monte, on y joue, on y passe la vie ; il se forme des troupes brillantes de citoyens distingués, dont les biens, les travaux, les talents, la mémoire, sont utilement employés à apprendre et à représenter des pièces de théâtre. […] Il y a cinquante ans que le seul soupçon d’une fortune si éclatante eût été pris pour une injure ; on rendait encore justice au métier de Comédien, on le méprisait ; aujourd’hui c’est un état brillant dans le monde : un Acteur est un homme de conséquence, ses talents sont précieux, ses fonctions glorieuses, son ton imposant, son air avantageux ; on est trop heureux de l’avoir, on se l’arrache.

41. (1731) Discours sur la comédie « a tres-haut et tres-puissant seigneur, monseigneur louis-auguste d'albert d'ally, duc de chaulnes, pair de france. » pp. -

On ne sera point étonné de voir, MONSEIGNEUR, votre illustre nom à la tête d’un Livre contre les Spectacles ; il y a longtemps qu’on vous voit allier les talents militaires avec les vertus Chrétiennes ; le même Seigneur, qui dans les Batailles d’Oudenarde et de Malplaquet, signala sa valeur, est compté pour un Héros du Christianisme.

42. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Gacon, ex-Oratorien, mort Prieur de Baillon, trop fameux par son esprit caustique, qui lui valut plusieurs mois de prison, sans le corriger, Gacon ne composa point de drame, ni de farce, quoiqu’il eût du talent pour la grosse plaisanterie, il n’avoit pas assez de génie pour faire un tout régulier, une bonne piéce de théatre ; dans le nombre infini de satyres, épigrammes, sonnets, rondeaux, chansons qu’il a fait, il a donné un recueil intitulé le Poëte sans fard, où sous prétexte de candeur & de sincérité, il satyrise tout le monde, tout cela nous est étranger, & d’ailleurs fort peu intéressant. […] Guyot de Pitaval, qui rapporte ce trait, ajoute plaisamment : c’est un bonheur que Gacon ne se soit pas avisé d’être Avocat, il auroit eu le talent de perdre les meilleures causes ; son éloquence auroit été plus utile à ses adversaires, qu’à ses cliens, les mauvais logiciens comme lui sont la terreur du bon sens, & le fleau de la raison. […] Mais grace à la philosophie & à la dépravation des mœurs, le théatre aujourd’hui est le souverain bien, le talent du théatre est le souverain mérite de l’homme. […] Les païsages, les marines, les foires, les grotesques, les amours, les fables, les histoires, ne sont-ils pas de vrais tableaux quoique de divers genres, & le fruit de divers talents ? […] L’homme doit combattre ses passions, & non se faire un criminel divertissement de les exciter, une volupté de les sentir ; la Loi lui défend de s’y complaire ; à plus forte raison des passions, extrêmes, affreuses, inhumaines ; mais le théatre ne vit que de vice, & tout vice lui est bon : c’est chez lui un mérite, une gloire, un talent de l’inventer, le multiplier & le repandre.

43. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Suite de Mêlanges. » pp. 84-120

P ierre Mignard, Peintre célebre qui a fait une infinité de tableaux, prostituoit son talent à toutes les indécences que le libertinage lui demandoit. […] Mignard avoit sur-tout le précieux talent de flatter les portraits des femmes. […] L’engouement du Théatre fait ainsi tourner la tête dans tous les états, même à des gens qui ont d’ailleurs de l’esprit & du talent dans leur profession. […] C’est un talent suprême ; il cesse d’être soumis à la discussion. […] Moliere comme un autre a été critiqué, & mérite de l’être, avec son talent suprême & son caractere frappant.

44. (1758) Lettre à M. Rousseau pp. 1-42

Celui de les fuir dans la solitude, ou d’écrire constamment contre eux, doit avoir les suites les plus fâcheuses, et peut coûter jusqu’à l’estime des plus grands talents. […] Combien, en effet, n’en est-il pas, quoi que vous puissiez dire, qui ont les qualités, les talents, le génie, l’âme des plus grands hommes ! […] Vous faites plus ; vous voulez nous convaincre que nous sommes intérieurement persuadés qu’étant ainsi, elles sont comme elles doivent être ; et vous prétendez y avoir bien réussi, en disant, que chez nous la femme la plus estimée, est celle qui fait le plus de bruit, de qui l’on parle le plus, qu’on voit le plus dans le monde, chez qui l’on dîne le plus souvent, qui donne le plus impérieusement le ton, qui juge, tranche, décide, prononce, assigne aux talents, au mérite, aux vertus, leurs degrés et leurs places, et dont les humbles savants mendient le plus bassement la protection. […] Elles peuvent acquérir de la science, de l’érudition, des talents, et tout ce qui s’acquiert à force de travail.

45. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre X. Les spectacles ne sont propres qu’à rendre romanesques ceux qui les fréquentent. » pp. 102-104

Elles abandonnent aux femmes du peuple la connaissance des détails que les mœurs réservaient aux mères de famille ; elles aiment mieux exercer ces talents séducteurs dont Salluste faisait un reproche à Simpronia, comme de savoir danser et chanter mieux qu’il ne convient à une honnête femme.

46. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE V. En quoi consiste le Plaisir de la Comédie, & de ce Sel qui assaisonnoit les Comédies Grecques. » pp. 131-144

On peut juger par ses bons mots, dit Quintilien, que le talent de la plaisanterie ne lui avoit pas déplu, mais que la Nature le lui avoit refusé, non displicuisse illi jocos, sed non contigisse : à quoi il ajoute qu’il est aisé de se méprendre en fait de plaisanterie, parce que de la bonne à la mauvaise le pas est glissant & que le rire est très-voisin du ridicule, à derisu non procul abest risus. […] Rousseau qui possédoit le talent de l’Epigramme, a travaillé dans le genre Comique, dont il avoit beaucoup étudié la Théorie.

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