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16. (1675) Traité de la comédie « XI.  » pp. 288-289

Un Chrétien qui sait ce qu'il doit à Dieu, ne doit point souffrir dans son cœur aucun mouvement, ni aucune attache de cette sorte sans la condamner, sans en gémir, et sans demander à Dieu d'en être délivré ; et il doit avoir une extrême horreur d'être lui-même l'objet de l'attache et de la passion de quelque autre personne, et d'être ainsi en quelque façon son idole; puisque l'amour est un culte qui n'est dû qu'à Dieu, comme Dieu ne peut être honoré que par l'amour. « Nec colitur nisi amando. […] Elles ne prennent plaisir d'être l'objet de leur passion : elles sont bien aises qu'on s'attache à elles, qu'on les regarde avec des sentiments non seulement d'estime, mais de tendresse ; et elles souffrent sans peine qu'on la leur témoigne par ce langage profane que l'on appelle cajolerie.

17. (1661) Le monarque ou les devoirs du souverain « SEPTIEME DISCOURS. De la Magnificence des Princes dans les Habits, dans les Festins et dans les Spectacles publics. » pp. 202-209

Il semble que Dieu même, dont ils ne sont que les ombres, en ait usé de la sorte dans l’ancienne Loi, quand il se montrait aux hommes : Car il paraissait dans une lumière si éclatante, que les yeux avaient peine à le souffrir : Il était porté dans un char de flammes, ou sur les ailes des vents ; Les foudres et les éclairs marchaient devant lui, et faisaient mourir souvent quelques coupables ; pour donner de l’étonnement et de la terreur aux innocents. […] Les Festins ne sont pas plus permis aux Princes que la pompe des habits, et quoi que dans les grandes réjouissances des Mariages ou des Traités la coutume les excuse et les tolère, il faut pourtant se souvenir que les Peuples qui souffrent la faim ne peuvent souffrir la bonne chère du Monarque qui les gouverne.

18. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IX. Sentiments de Saint Augustin sur les Spectacles. » pp. 180-198

Il a fréquenté les spectacles dans un temps où l’idolâtrie détruite par Constantin et ses enfants, ne régnait plus sur le théâtre, et où leurs lois chrétiennes en avait réformé les abus et les scandales ; dans ces temps, où les Magistrats Chrétiens qui donnaient ces jeux ou y présidaient, et par vertu, et par intérêt, pour ne pas déplaire à leur Prince, n’auraient pas souffert ces indécences prétendues, dont on veut se faire une excuse pour sauver nos comédies, et que même les Païens n’y souffraient guère ; dans ces temps en un mot, où le spectacle était tel qu’il est parmi nous. […] J’avais une passion démesurée pour les spectacles du théâtre, plein des images de mes misères, et des aliments du feu de ma concupiscence : « Spectacula theatrica plena imaginibus miseriarum mearum et fomitibus ignis mei. » D’où vient qu’on aime à sentir la douleur que cause la représentation de quelque chose de funeste et de tragique qu’on ne voudrait pas souffrir ? […] « Quid mirum si in arumna, aliena, falsa, sultatoria, eo vehementius alliciebat actio histrionis, quo lacrimæ mihi excutiebantur. » J’étais une brebis égarée et infirme qui ne pouvait souffrir le bercail : « Infelix pecus aberrans à grege suo et impatiens custodiæ suæ. » Etait-ce vivre, ô mon Dieu ! […] » Qu’à la bonne heure elle se joue d’un scélérat de la lie du peuple ; mais qui peut souffrir qu’on s’en prenne à ce qu’il y a de plus distingué, un Périclès, un Caton ! […] (Ajoutons, quels Magistrats qui le souffrent !)

19. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VI. Suite de l’infamie civile. » pp. 126-152

On pourrait de même ne les souffrir qu’aux Comédiens, ce serait peut-être un moyen de corriger les autres, et de mettre une digue au torrent de la folle dépense. […] L’horreur qu’on a pour les Comédiens est si grande, qu’on ne souffre pas même leur portrait ni leur statue dans un lieu public où se trouve l’image du Prince. […] Si on ne doit pas souffrir leur tableau, à plus forte raison l’original. […] « Je soutiens que deux ou trois cents Courtisanes souffertes à Rome sont moins pernicieuses à l’Etat que les filles de l’Opéra. […] Richelieu le sentait, et cependant ne pouvait souffrir d’être blâmé ; il lui fallait partout des admirations et des éloges.

20. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE VI. De la Religion sur le Théâtre. » pp. 120-142

Mais dans le temps de ce concile, les Empereurs chrétiens, qui avaient purgé le théâtre, ne l’auraient pas souffert, les Comédiens ne l’auraient pas osé. […] Mais la religion souffre de ces sottises : en se familiarisant avec l’impiété même Païenne, on s’apprivoise bientôt avec le mépris de la religion et du Dieu véritable. […] Le Roi souffrirait-il qu’on traitât ses sujets de Majesté, qu’on leur rendît les honneurs royaux, qu’ils portassent le sceptre et la couronne ? […] Tout en souffre, on s’accoutume à regarder comme indifférent ce qu’on voit indifféremment attribué à Dieu et aux Idoles ; la religion n’est plus bientôt qu’un amusement et un badinage. […] La ville de Genève, centre du calvinisme, qu’on ne dira pas dirigée par des Moines, a été si fidèle à la discipline établie par les synodes, qu’elle n’a jamais souffert la comédie.

21. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « PRÉFACE » pp. -

« On ne souffre point de Comédie à Genève : ce n’est pas qu’on y désapprouve les spectacles en eux-mêmes ; mais on craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation et de libertinage que les troupes de Comédiens répandent parmi la jeunesse. […] Si les Comédiens étaient non seulement soufferts à Genève, mais contenus d’abord par des règlements sages, protégés ensuite et même considérés dès qu’ils en seraient dignes, enfin absolument placés sur la même ligne que les autres citoyens, cette ville aurait bientôt l’avantage de posséder ce qu’on croit si rare et qui ne l’est que par notre faute : une troupe de Comédiens estimables. […] Les maux du corps épuisent l’âme : à force de souffrir, elle perd son ressort.

22. (1694) Réfutation d’un écrit favorisant la Comédie pp. 1-88

puisqu’on est d’autant plus touché de ces aventures poétiques, que l’on est moins guéri de ses passions ; quoique d’ailleurs on appelle misère le mal qu’on souffre en sa personne, et miséricorde la compassion qu’on a des malheurs des autres ? […] 3. « Tandis que vous avez dansé, plusieurs âmes sont décédées en grande angoisse ; mille milliers d’hommes et de femmes ont souffert de grands travaux en leurs lits dans les Hôpitaux, et ès rues, la goutte, la gravelle, la fièvre ardente : helas ! […] Croyez-moi, si l’on faisait ce que ce grand Saint ordonne à ceux qu’il souffre aller à la Comédie, les Théâtres seraient bientôt fermés. […] Il me semble ici que j’entends les Comédiens Français se récrier, et dire que leur Théâtre ne souffre point de pareilles ordures : Je le veux. […] Ce qui fait voir qu’il n’y a pas un temps où on les doive souffrir approcher des Sacrements, puisqu’on n’aurait pas droit de les leur refuser à la mort, s’ils n’en avaient pas été retranchés pendant leur vie.

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