Philippe la fit sortir de prison, lui ménagea son pardon, les bonnes grâces, les bons traitemens de la Cour, & en usa avec elle si poliment, que les romans l’en font amoureux, & que Marie, dit-on, en fut jalouse. […] Fontenelle rend ingénieusement cette raison : Les mariages de votre père vous apprirent à ne pas vous marier, comme les courses perpétuelles de Charles Quint aprirent à Philippe son fils à ne pas sortir de Madrid. […] Ses habitans paîtris comme lui de fictions & de chimères, sont obligés pour les bien rendre, d’en être pénétrés, sont tous ce qu’ils jouent, ils ont toutes sortes de sentimens & de religions sur la scène ; ils n’en ont réellement aucun quand ils en sortent, tout est chez eux théatral & de pure décoration, conduite, personne, langage, sentimens. […] Mais que ces fautes personnelles dont les Sujets ne sont pas responsables, fussent-elles vraies, ne doivent pas décider du sort de la Religion & de l’Etat. […] ô qu’il est doux de plaindre le sort d’un ennemi lorsqu’il n’est plus à craindre !
C’est donc le goût du public qui fait le sors des pièces & des Acteurs.
Tout conspire pour le faire sortir de la voie étroite qui conduit à la vie, ou pour lui en fermer l’entrée.
c’est un sort tel que le vôtre que vous m’aviez fait espérer : hélas !
… Quel sort que celui d’une nouvelle Épouse, s’il était durable !
» Le Comédien ne doit jamais exprimer la tendresse d’un amant, ni par paroles ni par gestes, non pas même pour faire voir le sort infortuné de l’impureté ; le moindre haleine se communique, les esprits dissipés n’entendent pas en sûreté l’histoire des passions d’autrui : qu’aucune femme ne monte sur le Théâtre, que son habit même n’y paraisse pas. […] Corneille de parler en ces termes : « Si mon âme à mes sens était abandonnée, Et se laissait conduire à ces impressions Que forment en naissant les belles passions. » Et l’humilité de Théâtre souffre aussi qu’elle réponde de cette sorte en un autre endroit : « Cette haute puissance à ses vertus rendue, Et si Rome et le temps m’en ont ôté le rang, Il m’en demeure encore le courage et le sang, Dans mon sort ravalé je sais vivre en Princesse Je fuis l’ambition, mais je hais la faiblesse. » Il fait voir ensuite que les passions qui ne pourraient causer que de l’horreur, si elles étaient représentées telles qu’elles sont, deviennent aimables par la manière dont elles sont exprimées. […] « Oui je lui ferai voir par d’infaillibles marques, Qu’un véritable amour brave la main des Parques, Et ne prend point de loi de ces cruels tyrans, Qu’un sort injurieux nous donne pour parents.
Quoique en arrière des auteurs dramatiques de nos jours dans la carrière licencieuse ouverte par Cratinus, ils y furent arrêtés par les deux derniers décrets, et par le sort d’Anexandride condamné à mourir de faim pour les avoir transgressés en parodiant au théâtre ces paroles d’une pièce d’Euripide : « La nature donne ses ordres, et s’inquiète peu de nos lois », substituant au mot de nature celui de ville. […] Plus d’une grisette sans doute en quittant le théâtre du Palais-Royal aura envié le sort de Frétillon, et soupiré après le moment où elle pourra aussi s’élancer dans une vie de volupté. […] Ainsi que cette réunion distinguée d’hommes célèbres en tout genre, ainsi que tous les hommes jaloux de la gloire nationale, je répudie une scène qui calomnie nos mœurs, flétrit notre littérature, repousse l’ami des hommes, la femme qui sait encore rougir, d’où la jeune fille ne peut sortir sans tache, et le jeune homme sans ressentir moins d’horreur pour le crime.