Que les Acteurs des Poèmes Dramatiques n'étaient point infâmes parmi les Romains, mais seulement les Histrions ou Bateleurs. […] Et ce qui conserva des personnes dignes d'un si grand mépris dans les avantages publics, où les gens d'honneur seulement devaient prétendre, fut à mon avis que la souveraine puissance était entre les mains du peuple, et que ces Farceurs ou Technites de Bacchus ayant tous leurs intérêts, toutes leurs liaisons, et toutes leurs cabales parmi la plus vile populace où ils étaient nés, eurent aisément les suffrages et la protection de leurs semblables, sous prétexte même de Religion, pour jouir avec eux de tous les privilèges de leur République. […] J'ai demandé compte à ma mémoire de tout ce que j'avais lu ; j'ai rappelé toutes mes vieilles idées, et j'ai cherché dans tous les Livres qui me sont tombés sous la main, et je n'ai rien trouvé qui ne m'ait fait connaître clairement que les Acteurs du Poème Dramatique ont toujours été maintenus dans tous les droits et les honneurs de la République Romaine, et que les Scéniques seulement, les Histrions, les Mimes et les Bateleurs exerçant l'art de bouffonner, ont été marqués de cette infamie, qui fait soulever tant de gens par ignorance ou par scrupule contre le Théâtre. […] explique assez clairement, lorsqu'il parle de Valens que cet Empereur avait au commencement contraint de bouffonner en ces Jeux ; car il dit qu'il y joua des Mimes ce qui fait voir que ce n'était point une représentation de Comédies ni de Tragédies, mais seulement un Jeu de postures et de danses malhonnêtes « Partim infamia, partim humilia, partim ab honestate remota. » Æmil. […] Les Poèmes qu'ils récitaient se sont perdus dans les ruines de Rome, et nous n'en avons pas seulement des fragments « Histriones non inter turpes habitos Cicero testimonio est quem nullus ignorat Roscio et Æsopo Histrionibus tam familiariter Usum ut res rationesque eorum sua solertia tueretur quod cum aliis multis tum ex Epistolis quoque eius declaratur. » Macrob, Satur. l. 3.
Après l'éclaircissement de ces vérités, touchant les choses qui se pratiquaient dans le Théâtre des Romains, il sera facile de montrer que la juste censure des premiers Docteurs de l'Eglise, ne regardait point les Acteurs des Comédies et des Tragédies, mais seulement les Scéniques, Histrions, ou Bateleurs, qui par la turpitude de leurs discours et de leurs actions avaient encouru l'indignation et de tous les gens de bien, l'infamie des Lois, et l'anathème du Christianisme ; Il ne faut qu'examiner les paroles qu'ils ont employées en cette occasion, et qui nous en peuvent aisément donner toute assurance. […] les Histrions ne gagnent pas seulement leur vie avec leurs mains, mais avec leurs corps, il fait bien connaître qu'il n'entend pas parler des Comédiens et des Tragédiens, qui agissent plus de la langue que de tout le reste de leurs personnes ; mais seulement des Mimes, Pantomimes, et autres Bateleurs de la Scène et du Théâtre, dont l'art était de s'expliquer bien plus par les postures que par le discours : et nous pouvons découvrir son sentiment, quand il écritDe Spect. […] des plus rigides en ces occasions, mais il parle seulement contre les assemblées du Théâtre, où l'on introduisait des troupes de femmes débauchées, et des sujets d'autres crimes, qui faisaient horreur à la nature, des Danseurs et des Mimes qu'il appelle tous infâmesHom. 8. de pœnit.
Mais pour voir si le mal qu’on y remarque est seulement pour les ecclésiastiques, ou en général pour tout le peuple, il faut peser les raisons qu’on y emploie. […] C’est-à-dire, Toutes les choses où se trouvent les attraits des yeux et des oreilles, par où l’on croit que la vigueur de l’âme puisse être amollie, comme on le peut ressentir dans certaines sortes de musique et autres choses semblables, doivent être évitées par les ministres de Dieu : parce que par tous ces attraits des oreilles et des yeux, une multitude de vices, turba vitiorum, a coutume d’entrer dans l’âme. » Ce canon ne suppose pas dans les spectacles qu’il blâme, des discours ou des actions licencieuses, ni aucune incontinence marquée : il s’attache seulement à ce qui accompagne naturellement « ces attraits, ces plaisirs des yeux et des oreilles : oculorum et aurium illecebras » ; qui est une mollesse dans les chants, et je ne sais quoi pour les yeux qui affaiblit insensiblement la vigueur de l’âme. […] Cette disposition est mauvaise dans tous les hommes ; l’attention qu’on doit avoir à s’en préserver ne regarde pas seulement les ecclésiastiques ; et l’Eglise instruit tous les chrétiens en leurs personnes.
Ce qui fait voir qu'il perfectionna seulement ce que les autres avaient commencé, et que ces bouffonneries mêlées de Poésie, de Musique et de Danse, qui firent partie des Jeux Scéniques, étaient demeurés dans une grande rusticité, jusqu'au siècle d'Andronicus, plus excellent que les Versificateurs qui l'avaient précédé, et qui fit ses Mimes sur l'exemple des Poètes Grecs qu'il savait, comme Plaute et Nevius composèrent incontinent après les Poèmes Dramatiques sur le même exemple. […] Unde sit Embolaria mulier, id est Scenica. » nues avec des postures indécentes, et que le moindre sentiment de pudeur ne pouvait souffrir ; il ne faut que lire le grand Pline, qui lui donne cette qualité en termes exprès ; et Galéria était un Embolaire ou Bouffonne, c'est-à-dire du nombre de ces femmes Scéniques, qui venaient sur le Théâtre dans les intervalles des Actes, sauter et danser en bouffonnant, ce qu'on nommait Embola ou Intermèdes ; et si cet Apologiste eût pris la peine de lire les termes de Pline, ou qu'il en eût cherché la signification dans son Calepin, ou qu'il eût seulement jeté les yeux sur le commentaire, il n'aurait pas fait cette faute ; et bien loin de croire ces femmes fort honnêtes, comme il se l'est imaginé, il doit savoir qu'elles étaient l'opprobre du Théâtre, prostituées et louées à prix d'argent pour ce honteux exercice. […] majore cachinno concutitur. » une nation Comédienne, il veut dire seulement qu'ils étaient naturellement propres à la Comédie, à la Tragédie, et aux autres représentations Théâtrales, et non pas que les femmes aient joué les Comédies et les Tragédies sur le Théâtre. […] Cette Apologie est pleine d'une infinité d'autres bévues qui ne sont pas seulement dignes de la peine qu'on prendrait à les censurer. […] Aussi l'Auteur ne dit pas que les Mimes furent chassés de Marseille, et moins encore la Comédie, mais seulement que l'on ne permit point aux Mimes de monter sur le Théâtre.
Les fêtes de l’Eglise qui avaient été premièrement bien et saintement ordonnées et instituées pour vaquer en icelles seulement au service divin, ou pour faire commémoration des saints afin d’imiter la bonne vie d’iceux en cessant des œuvres séculières, ont été employées à celles-là qui ne sont bonnes à jour quelconque. […] Comme sont les marchés, et les foires qui s’y font, auxquelles plusieurs vont plutôt porter ou acheter de la marchandise, que pour prière et dévotion à quoi ils ne songent pas seulement. Autres qui n’y vont pour vendre, ni pour acheter y vont toutefois, par curiosité pour y voir seulement la Foire et l’assemblée pour y manger, boire, danser, rager et faire joyeuse chère, et pour y attraper ou décevoir quelques pauvres filles qui y vont aussi bien souvent pour se faire regarder et rechercher afin d’y avoir quelque chose. […] Comme il y a èsdites processions des maisons et des lieux dédiés, selon le plaisir et commodité d’un chacun, où il s’en fait aussi lesquels ne seraient mauvais, sinon que plusieurs y vont seulement pour cela, et aiment mieux y avoir perdu la Messe, et tout le service qu’un déjeuner. […] Lesquelles fêtes et le Sabbat (au lieu duquel nous avons aujourd’hui le Dimanche) n’ont été commandées de Dieu comme il est là dit pour nous donner occasion de ne faire rien, mais seulement de piété : savoir est, pour connaître et penser à la puissance de Dieu, et à éviter le mal.
Car le I. défend seulement les bouffonneries, « les railleries, et les discours immodestes et indiscrets, et veut que les Clercs qui sous prétexte de divertissement usent de ces paroles impertinentes, soient déposés et éloignés de l’exercice de leurs fonctions ». […] Si les Canons ne permettent pas seulement aux Ecclésiastiques de se trouver aux lieux, et dans les occasions, où se font les Danses ; Comment pourrait-on prétendre, qu’ils pussent eux-mêmes danser sans péché. […] Et si quelqu’un nous oppose pour éluder la force du Canon du Concile d’Agde, que le Concile ne parle que des Danses, et des jeux qui sont immodestes et déshonnêtes, et qu’ainsi ces sortes d’exercices ne sont pas illicites à l’égard des Clercs, lorsqu’il ne s’y mêle rien de contraire à l’honnêteté, et à la modestie ; cette objection se détruit aisément par la considération sérieuse et attentive du vrai sens du Canon, qui ne comprend pas seulement les déshonnêtetés qui sont évidemment mortelles ; mais toute sorte d’actions, de gestes, et de mouvements trop libres, qui ne s’accordent point avec la retenue, et avec la sainteté des enfants de Dieu.
Les Comedies n’excitent pas seulement le feu de l’amour, elles enseignent aussi la maniére de l’exprimer. […] Il n’allume pas seulement en nous un amour déreglé des plaisirs des sens, il jette aussi dans nos cœurs la semence de tous les autres vices. […] On ne doit pas croire que les mauvaises maximes dont les Comedies & les Romans sont remplis, ne nous nuisent point, parce que nous n’avons pas intention de former nos sentimens sur ceux qu’on nous represente, mais seulement de nous divertir. […] Or les Comedies & les Romans ne rendent pas seulement nos esprits mal disposez pour de saintes occupations, mais elles nous donnent du dégoût pour les actions serieuses. […] Ceux qui se sont occupez à des ouvrages exterieurs, n’ont pas besoin de divertissemens pour réparer leurs forces, ils ont besoin seulement de cesser leur travail pendant un temps.