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103. (1845) Des spectacles ou des représentations scéniques [Moechialogie, I, II, 7] pp. 246-276

2 Il est inutile de répondre qu’on n’est occupé que du chant et du spectacle, sans songer au sens des paroles ni aux sentiments qu’elles expriment et inspirent : car, comme dit encore Bossuet, « c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense et plaisent sans être aperçus ; mais il n’est pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes ; et si vous dites que la seule représentation des passions agréables dans les tragédies d’un Corneille et d’un Racine, n’est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier, qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu’elle vient la première à mon esprit ». […] Collet parle dans le même sens : « Comœdiorum actioni, quæ grave est peccatum, indubiè cooperantur (assistentes) ; tolle enim spectatores, sustuleris et actores ». […] Il est vrai, ces saints docteurs parlent sur la comédie, comme saint Thomas, et dans le même sens et aux mêmes conditions que saint Thomas ; mais ils ne parlent que de la comédie et non des comédiens, et par conséquent ils ne disent pas s’ils sont excommuniés ou non ; ou, s’ils parlent des comédiens, c’est pour déclarer, avec tous les théologiens et conséquemment avec Mgr Gousset lui-même, qu’on ne peut absoudre un comédien même à l’article de la mort, s’il ne renonce à sa profession. […] Ce qu’on a semé dans la corruption ne produit que des fruits de mort et de corruption, c’est-à-dire la démoralisation, le règne impérieux des sens avec des passions inassouvissables.

104. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Sixième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 40-72

Aussi de tous nos sens, n’y en a-t-il point de si vif, & qui nous enrichisse d’idées plus que la vue. Mais plus ce sens est actif, plus il a besoin de changer d’objet ; aussitôt qu’il a transmis à l’esprit l’image de ceux qui l’ont frappé, son activité le porté à en chercher de nouveaux, & s’il en trouve, il ne manque point de les saisir avidement. […] Tu verras, dans la suite, chère Ursule, par qui le plaisir de la Représentation doit nous être procuré : si des maximes saines sont efficaces dans une bouche impure : quel serait le moyen de parer à cet inconvénient, & de rendre en tout sens notre Théâtre une école de vertu. […] Que sera ce, si elle laisse échapper, quoique sans intention mauvaise, quelqu’une de ces expressions dont le double sens prête à l’obscénité ?

105. (1590) De l’institution de la république « SIXIEME TITRE. Des Poètes, et de leurs vertus, item quels Poètes on peut lire et quels on doit rejeter des Théâtres. » pp. 117-127

Au contraire, quand il s’adonnait tellement à paillardise, qu’à peine avait-il le sens rassis, et qu’il se dédiait au service d’une femme, lors on le disait être hors du sens. […] Ecoute les vers d’Euripide translatés en Latin par Cicéron en son second de la nature des Dieux, desquels tel est le sens : « Vois-tu pas ce beau ciel épars,Cic[éron] li. 2. […] ils apprennent ce qu’ils ne sauraient autrement pour penser, et les mettent fort aisément en leur mémoire : et par le sens et interprétation d’icelles, ils sont plus commodément et plus facilement dressés.

106. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « Préambule » pp. -

Préambule J e sens bien qu’il y a à peu près autant d’imprudence, pour ne pas dire de ridicule, à écrire aujourd’hui contre les spectacles, qu’il y en aurait à blâmer l’usage du vin en présence de convives tout remplis de ses fumées ; mais je sais aussi que toute ivresse a des intervalles pendant lesquels on permet à l’homme de sang-froid, de s’efforcer d’en diminuer les trop grands excès. […] Je prie d’observer aussi que je ne me suis permis cette discussion tardive ou réchauffée sur cet auteur respectable, dont on ne peut lire les principaux ouvrages sans admiration, qu’enhardi par la pensée que malgré tout ce qui en a été dit, on pourra encore le discuter sous quelque rapport, même dans des siècles, comme nous le faisons tous les jours des anciens auteurs grecs et latins les plus fameux ; et me sentant d’ailleurs soutenu, quant au fond, par de grandes autorités, par celles de Labruyère, de Racine, du président de Lamoignon, de Bourdaloue, des savants de Port-Royal et d’autres, qui en ont parlé dans le même sens, qui ont combattu la comédie en question à sa naissance, et l’ont jugée dangereuse unanimement, par des présomptions, par des calculs de probabilité seulement, et sur qui j’ai donc l’avantage du temps, de plus longues observations, des faits, ou de raisons positives, en un mot, de l’expérience.

107. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

Tout ce qui est dépourvu de sens est approuvé par ces Messieurs ; les adulations basses & rampantes sont protégées ; les farces même les plus indécentes sont représentées sans obstacle ; les vérités fortes & hardies sont impitoyablement proscrites. […] J’ai opposé à cette Cour de conspirateurs, la fière & intrépide loyauté de l’Amiral de Coligni, la noble candeur de son élève, le jeune Roi de Navarre, depuis notre bon Roi Henri IV, & le grand sens du Chancelier de l’Hôpital, ce Ministre ami des loix & de la tolérance. […] Elle est égale, en tout sens, â celle où Tartuffe veut séduire la femme de son bienfaiteur ; &, ce qui doit plus étonner, Machiavel a écrit sa Comédie cent cinquante ans avant celle de Molière. […] Je les sens, & je veux des limites, puisque je veux des loix. […] C’est d’employer encore le galimathias inintelligible des défenseurs de l’autorité arbitraire ; c’est de proposer, comme le modèle d’une bonne constitution, ce monstrueux ordre de choses, ou des gens en place ordonnoient, défendoient ce qu’ils vouloient, sans alléguer d’autre motif de leur volonté ; que leur volonté ; ou dans leurs décisions, tous les agens subalternes de l’autorité, copioient, au moins pour le sens, la formule inhumaine & dérisoire, qui termine les Edits des Rois de France : Car tel est notre plaisir.

108. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VII. Autre suite de diversités curieuses. » pp. 173-202

Il est généralement vrai qu’un homme qui ne jouit que de l’un de ses sens, est beaucoup plus recueilli & plus attentif aux objets de l’autre, & en juge bien mieux. […] On fixe l’attention, on exalte l’imagination, on va droit au cœur, on pénetre par tous les sens, parce qu’alors on paroît soi-même plus persuadé, plus animé. […] On a raison en ce sens de dire après Démosthene & Quintilien : la premiere qualité d’un Orateur est la prononciation, la seconde est la prononciation, la troisieme est la prononciation ; sans elle tout languit, & semble mort. […] On assujettit aux sens les plus grandes ames, on y représente comme doux & invincible l’ascendant de la beauté, on ne songe qu’à s’en rendre la servitude aimable. […] On saisit tous les sens par les objets de la volupté, l’esprit y est occupé de folies, le cœur rempli de sentimens ; & on se flatte que Dieu fera des miracles pour nous sauver, que nous n’aimons que Dieu, que nous lui plairons, le servirons, obtiendrons ses récompenses : Stultorum infinitus est numerus.

109. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VII. Du Père Porée. » pp. 149-177

Le spectacle, dit-il, n’est plus un amusement oisif ; c’est un assemblage séduisant de tout ce qui peut plaire, pour charmer l’esprit & les sens par tout ce que la passion a de plus insinuant & de plus vif. […] Mais on se trompe, l’Evangile défend par-tout ces divertissemens : la pureté du cœur, la mortification des sens, la foiblesse de la chair, la légèreté de l’esprit, la force des passions, la malice du démon, la suite des occasions, la haine du monde, &c. […] Ce fracas de décorations, d’instrumens, de voix de machines, saisit d’abord tous les sens ; le charme de l’harmonie attendrit toute l’ame ; la magnificence du spectacle amuse, le dénouement de l’intrigue enchante. […] La satisfaction des sens étouffe la délicatesse de la conscience, les remords s’émoussent à force de piquer inutilement ; leur voix peut-elle se faire entendre dans le tumulte des spectacles ? […] Ce mot est d’une simplicité admirable & du sens le plus profond.

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