On n’y oublie point les morts entassés, les ruisseaux de sang, les enfans expirans dans les bras de leurs meres ; les Soldats assouvis de meurtres & de pillage.
On y aindresse un jeu de Gladiateurs et escrimeurs, pour donner récréation et du passetemps au peuple, en répandant le sang humain.
Mais s’il faut estimer les effets par la cause, juger l’action selon le dessein, combien celui d’Isabelle est-il recommandable, qui n’a eu autre désir de venir en France, que pour voir ce grand arbitre du monde, ce bien universel admiré de toute l’Italie, ce Roi reconnu de toutes les nations pour le plus grand de la terre, appelé et conduit de Dieu par la voix de ses merveilles, qui lui a donné cette couronne par son sang, de qui la valeur acquise par son bras, qui la conserve par sa bonté, la régit par ses lois, et par sa renommée possède le monde : les Antipodes ne voient point nos étoiles du Nord, mais ils ont vu la clarté de ce Soleil, qui nous a donné la lumière et la vie, qui d’une main a déployé le sceptre, de l’autre le pardon, étouffant la cause et la vengeance ensemble ; qui emportant une victoire, a toujours triomphé de deux, donnant le salut aux vaincus après avoir dompté les rebelles ; et ainsi que l’âme, qui n’est qu’une au corps, a plusieurs puissances en ce Roi, qui n’est qu’un, elle a vu les perfections de tous les Rois ensemble ; elle a vu l’aimant qui attire toutes les belles âmes, qui de ses sujects est autant revéré, comme Sauveur du pays, qu’honoré en Roi nécessaire ; et plus salüé en père qu’en Seigneur ; qui règne sur nous comme les intelligences au Ciel, et le Soleil sur la terre, d’où il me faudroit élever pour chercher dans les cieux des paroles célestes à une vertu divine. […] Les nations plus farouches se sont accoutumées en la douceur de cette joie, aux biens de la paix, encore que leur inclination fût à ne respirer que le sang et la guerre : ils nommaient les jeux humanité.
Quiconque assiste à leurs représentations, contribue donc, pour sa part, à les retenir dans un état habituel de péché, et coopère à la perte éternelle de ces âmes rachetées du Sang de Jésus-Christ. […] L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang froid, de dire autre chose que ce qu’on pense, aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place, à force de prendre celle d’autrui. […] L’un tue son père, et épouse sa mère ; un autre force son fils d’égorger son père ; un troisième fait boire à son père le sang de son fils. […] On voyait couler du sang, il est vrai ; mais on ne souillait pas son imagination de crimes qui font frémir la nature.
C. nous a acheté au prix de son Sang. […] Cependant il n’en demeure pas là, il travaille, il prie, il fuit les occasions, et dans ses retraites il fait de très austères pénitences, il afflige son corps par les jeûnes et par les veilles, il lève la main sur lui, et le châtiant jusqu’a l’effusion du sang, il le réduit à vivre selon les lois de l’esprit, de peur, dit-il, qu’en l’épargnant, je ne me trouve dans le nombre des Réprouvés. […] J’avoue que vous sentirez des peines par les respects humains, et par la contradiction, que vos inclinations y apporteront : mais la liberté des Enfants de Dieu mérite bien que vous souffriez cette peine pour l’obtenir : le Ciel ne se donne pas pour rien, il faut l’acheter bien cher ; les pénitents l’ont acheté aux dépens de leurs larmes, et les Martyrs l’ont payé de leur vie et de leur sang.
Jésus-Christ a donné jusqu’à la dernière goutte de son sang, pour laver les âmes de ses Elus de toutes leurs souillures, et pour procurer leur salut ; et vous vous donnez toutes vos sueurs et vos peines pour les souiller de plus en plus, et pour procurer leur damnation. […] Jésus-Christ a-t-il donc répandu son Sang pour des hommes, qui sont honorés de son nom, afin qu’ils employassent ainsi leur vie, qui en est le prix, à faire rire, et à divertir les autres ? […] Car si c’est une fille ; n’est-ce pas offenser la pudeur du sexe, et blesser l’honneur de la virginité, rachetée du Sang de Jésus-Christ, que de voir sur un Théâtre une Chrétienne se produire, pour faire le personnage d’une femme passionnée, coquette, effrontée, emportée ou furieuse, selon les diverses passions qu’exige son rôlet.
« Va contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs, ou tue. » Ils sont certainement trop conformes à la corruption du cœur humain, pour y être reçus avec indifference. […] Et voilà ce qui a inondé la France d’un déluge de sang. […] Et si Rome, et le temps m’en ont ôté le rang ; Il m’en demeure au moins le courage et le sang.