La faveur du Roi intimidoit les Prédicateurs qui auroient eu envie de lui débiter leur sermon. […] Ils sont si peu capables de satisfaire le cœur de l’homme, qu’un grand Roi a beau les ramasser tous, prodiguer ses richesses & épuiser celle de tous les arts, il ne rend personne, il n’en est pas lui-même plus heureux. […] La piété, la sagesse du Roi très-fidele ne permet pas de croire qu’il se soit abaissé à une si lâche vengeance, & le gazetier à qui on fournit de si mauvais Mémoires, devroit avoir la sagesse de n’en pas faire usage. […] Ajoutons la faveur déclarée d’un Roi jeune, puissant, redouté, aimant le plaisir, livré à la galanterie, prodiguant les fêtes, qui trouve un homme de son goût, dont les bouffonneries l’amusent & favorisent ses foiblesses. […] Aussi est-il bien plus cher ; le Camus, Architecte du Roi, a obtenu le privilège exclusif pour en construire le bâtiment ; nombre d’associés en ont arrêté le plan.
Un de nos Rois, défendant les habits somptueux aux honnêtes femmes, les permit aux femmes publiques, pour les faire distinguer par leurs excès. […] Huerne Avocat la Clairon ose avancer qu’« il faut l’agrément du Roi pour quitter la comédie », et se retirer même à titre de piété, et que « cet agrément n’est pas toujours facile à obtenir ». Jamais dans toutes les Troupes de province, qui sont en grand nombre, ni le Roi, ni le Magistrat, ne s’est embarrassé des Actrices que pour les contenir ou les chasser. Pour la Troupe qui joue à la Cour, il peut se faire que quand quelque Acteur excellent a voulu quitter, on lui ait témoigné du regret, et le Roi lui ait dit quelque parole obligeante pour le retenir. […] Aussi faisait-il éclore à point nommé des mémoires apologétiques, des procédures, des arrêts du Parlement, des ordres du Roi, des édits et déclarations pour autoriser sa conduite.
Cependant il faut décider ; l’Histoire est remplie d’obscurités, lorsqu’elle remonte dans des tems éloignés ; elle ne parle que par conjecture des Rois qui ont gouvernés de grands Peuples, & d’une monarchie entière : comment entreprendrai-je de parler avec certitude de l’origine des Spectacles, dont elle n’a presque rien dit, & qui se perd dans les prémiers âges du monde ? […] Les Rois, les Grands & le Peuple ne respiraient que la mort des infidèles, ou qu’un glorieux martyre. […] A la voix de ce grand Roi, les Arts se raniment, les Belles-Lettres fleurissent de toutes parts : le goût, la politesse viennent embellir la France ; & les Spectacles brillent d’un nouvel éclat. […] Les Rois devraient être persuadés qu’ils peuvent encore plus s’immortaliser en comblant de bienfaits les talens, qu’en conquérant des Provinces entières. […] L’amour qu’il ressentit pour les Lettres lui fit engager Louis XIV. à les chérir ; il sut démêler dans l’âme de ce Prince un penchant qu’on aurait peut-être toujours ignoré : souvent les vices & les vertus des Rois sont l’ouvrage de leurs Ministres.
Ils sont la plupart du temps appelés pour divertir les Rois, les Princes, et les Seigneurs de leurs sérieuses occupations : dont les délices, comme disait un Duc de Florence, sont plus à estimer que le travail de leurs sujects, et dont les plaisirs et divertissements nous doivent être aussi précieux que leur personne nous est chère. De dire que la présence des Rois suspend pour quelque temps leur déshonneur, n’est-ce pas une subtilité trop injuste et calomnieuse ? Car encore que les Rois donnent et ôtent la noblesse quand il leur plait, est-ce pas comme qui dirait qu’une laide femme en présence des Rois et des Princes serait belle, et qu’au sortir de là elle reprendrait sa première laideur ?
Ils sont par conséquent soumis, comme les autres citoyens, à la loi commune ; mais il ne faut pas oublier qu’ils tiennent aussi à un autre chef suprême, au souverain pontife, auquel ils ne doivent obéir que pour le spirituel ; mais combien n’y en a-t-il pas eu parmi les prédécesseurs de ce dernier, qui, éblouis par la nature de leur dignité et par l’éclat de leurs fonctions, comme vicaires de Jésus-Christ, ont abusé de la majesté de la religion pour prétendre mal à propos à une supériorité directe sur les rois ! […] Déjà les journaux sont courbés sous la loi de tendance du 17 mars 1822, qui heureusement n’a pas pris naissance sous le règne de Charles X, de ce roi franc et loyal, qui jamais n’aimera les lois inquisitoriales ; mais si une pareille loi, était dirigée contre les auteurs, elle serait terrible contre eux et pourrait un jour servir à condamner tout écrivain, qui déplairait à l’infâme société de Loyola. […] Il ne cesse d’annoncer aux ignorants, et de faire accroire aux imbéciles que les prêtres, étant les ministres de la Divinité, sont au-dessus des autres hommes, que tous les princes temporels doivent s’humilier devant la puissance spirituelle et temporelle du pape, et qu’ils s’exposent aux plus grands malheurs en lui désobéissant, parce que le sacerdoce, disent-ils, a reçu de Dieu le pouvoir de déposer les rois sur terre, et de mettre sur les trônes de véritables chrétiens. […] M. de Sénancourt, mon implacable adversaire, et j’ai droit de le considérer ainsi, essaiera peut-être de prouver, que mes sentiments et mes raisonnements ont une tendance séditieuse et irréligieuse ; il accusera sans doute d’hypocrisie, la manière franche et loyale avec laquelle je viens de manifester d’immenses vérités utiles au roi, à l’Etat, et à la vraie religion chrétienne et évangélique.
Grégoire demeure constante, comme il n’y a pas lieu d’en douter, que celui qui peut empêcher le crime, et ne l’empêche pas, se rend coupable du même crime : qui pourra exempter Messieurs les Gens du Roi, de tous les péchés que commettent et font commettre dans leur Ville, ces sortes de gens ; vue que non seulement ils le peuvent empêcher, mais de plus qu’ils y sont obligés par leurs Charges ? […] Mais pour faire voir que ce n’est qu’un prétexte de la part des Magistrats ; combien y a-t-il de Juges et autres Gens du Roi, qui ne les ont jamais voulu souffrir dans leur Ville, et qui n’ont pas pu voir qu’à la sortie de la Messe, des Vêpres, ou du Sermon, on trouvât un Théâtre dressé, comme un Autel pour le Diable, contre Jésus-Christ, pour détruire en une heure de temps tous les bons sentiments que les Prédications avaient fait naître dans les âmes pendant toute une semaine. […] Ce que je viens de dire touchant Messieurs les Gens du Roi, qui souffrent les Bateleurs et Comédiens, devrait suffire pour détourner un chacun de ces honteuses assemblées : cependant pour ne rien omettre dans une matière si importante, et où il y va tant du salut, je veux y ajouter quelque chose en faveur de ceux qui peut-être ne connaissent pas assez à quel étrange péril de leur salut ils s’engagent, en assistant à ces spectacles.
Les rois de France sont maîtres chez eux, ils ne sont point soumis à l’autorité ecclésiastique. […] Les actes émanés du souverain, élaborés et proclamés dans les assemblées législatives, et adoptés par le roi, deviennent loi de l’état.