Et ce qui conserva des personnes dignes d'un si grand mépris dans les avantages publics, où les gens d'honneur seulement devaient prétendre, fut à mon avis que la souveraine puissance était entre les mains du peuple, et que ces Farceurs ou Technites de Bacchus ayant tous leurs intérêts, toutes leurs liaisons, et toutes leurs cabales parmi la plus vile populace où ils étaient nés, eurent aisément les suffrages et la protection de leurs semblables, sous prétexte même de Religion, pour jouir avec eux de tous les privilèges de leur République. Mais parmi les Romains, les Patrices, c'est-à-dire, les nobles qui avaient la plus grande autorité ne furent pas si favorables à ces Scéniques, Histrions, Farceurs, Bouffons et Bateleurs que nous avons décrits ; car ils les notèrent d'infamie par les Lois, et les déclarèrent indignes de posséder aucunes Charges publiques, de porter les armes sous leurs Généraux, et d'avoir le droit de suffrage aux Assemblées de leurs Bourgeois, et nous ne voyons point que le peuple qui les regardait comme les Auteurs de tous leurs plaisirs, ait jamais obtenu ni seulement demandé leur rétablissement. […] C'est encore avec moins de raison que l'on pense autoriser cette mauvaise intelligence de l'Antiquité par la Constitution des Empereurs Théodose, Arcadius et Honorius, qui défendent de mettre aucunes figures de ces Joueurs Scéniques dans les lieux publics où leurs statues sont élevées en objets de vénération ; car elle parle en termes exprès des Pantomimes, ou d'un vil Histrion, c'est-à-dire des Danseurs et des Bouffons, et non pas des Acteurs du Poème Dramatique. […] écrit que Néron pour ne se pas diffamer en paraissant sur le Théâtre public, institua les Jeux Juvenaux qui se faisaient en particulier, dans lesquels plusieurs se firent enrôler, et il ne veut pas parler ni de Tragédies ni de Comédies, qui ne notaient point d'infamie ceux qui les jouaient ; mais d'un récit de vers libres et pleins de railleries, avec un mélange de ridicules Bouffonneries, de Danses et Chansons malhonnêtes, qui rendaient les Acteurs infâmes par la Loi. […] Max. l. 2 c. 4 étaient originairement venus d'Etrurie, et leurs Fables tenaient beaucoup des vieilles Satires, mais avec une modération digne de la sévérité Romaine ; et pour cela, dit-il, jamais ils ne furent notés d'infamie ; ils ne perdirent point leur droit de suffrage dans les assemblées publiques, ni le privilège de servir dans les Armée, avec la solde et les avantages de leur milice. » Pouvait-il s'expliquer plus clairement ?
On les passe à la sainte Table comme des pécheurs publics : on les exclud des ordres sacrés comme des persones infâmes : par une suite infaillible la sépulture Ecclésiastique leur est déniée. « Quant à ceux qui fréquentent les Comédies, comme il y en a de moins coupables les uns que les autres, & peut-être quelques-uns qu’il faut plutôt instruire que blâmer, ils ne sont pas répréhensibles en même dégré, & il ne faut pas fulminer également contre tous : mais de-là il ne s’ensuit pas qu’il faille autoriser les périls publics. […] Nous avons maintenant à leur opposer quelque chose de plus fort, puisqu’il y a tant de Décrets publics contre la Comédie, que d’autres que moi ont rapportés.
Si j’avais fait ces Discours pour le public, j’aurais donné au premier une autre forme et pour le second, je ne sais si cette enchaînure des sentiments des Docteurs de l’Eglise, avec l’Histoire du Théâtre qui n’a pas déplu à nos Savants, pourrait plaire aux gens du monde, eux qui voudraient que les questions les plus difficiles fussent terminées en quatre mots. […] Un jugement si avantageux a fait croire à ceux qui avaient cet ouvrage entre les mains qu’ils devaient le donner au Public : On le demandait de toutes parts, et l’on peut dire qu’il était attendu avec quelque sorte d’impatience. […] S’il se plaint de ce que l’ouvrage paraît sans son consentement, on le prie de considérer que le manuscrit n’était plus à lui, puisqu’il l’avait donné à un de ses amis, qu’il s’en était fait plusieurs copies ; et qu’après tout sa répugnance à le faire imprimer, devait céder à l’utilité publique.
Il faut encore représenter aux très-pieux Empereurs qu'on ne doit point contraindre les Chrétiens d'assister aux Spectacles, ou d'en être les acteurs; car il ne faut persécuter personne, pour l'obliger de faire des choses qui sont contraires aux Commandements de Dieu; mais on doit laisser chacun dans la liberté qu'il a reçue de Dieu pour en user comme il faut; surtout on doit considérer le danger où sont ceux qui sont du corps de ces personnes qui sont chargées du soin des Jeux publics, qu'on contraint par la terreur des peines, de se trouver aux Spectacles contre les Commandements de Dieu. […] Il faut aussi supplier les Empereurs, que si quelqu'un des Acteurs des Jeux publics veut recevoir la grâce du Christianisme, et sortir de cet état d'infamieb où il était, que personne ne le puisse obliger, ni contraindre de reprendre son premier métier. […] Que les Prédicateurs reprennent continuellement les plaisirs qui portent au péché, auxquels les personnes qui suivent le dérèglement d'une coutume dépravée se laissent emporter si facilement; que les Prédicateurs s'efforcent de rendre ces choses odieuses; qu'ils représentent au peuple combien est grande l'offense et l'injure que Dieu en reçoit; que c'est de là que viennent tant de maux; que c'est ce qui cause les calamités et les misères publiques, et une infinité de malheurs. Qu'ils représentent sans cesse combien les Spectacles, les Jeux, et les autres divertissements semblables, qui sont des restes du Paganisme sont contraires à la discipline Chrétienne; combien ils sont exécrables, et détestables; combien de maux et d'afflictions publiques ils attirent sur le Peuple chrétien; et pour en persuader leurs auditeurs, ils emploieront les raisons dont se servent ces grands Personnages, Tertullien, Saint Cyprien martyr, Salvien, et Saint Chrysostome, ils n'omettront rien sur ce sujet de ce qui peut contribuer à détruire entièrement ces dérèglements et ces débauches. […] Ce Concile exhorte tous les Chrétiens de se conduire de telle sorte, que leur vie réponde à la dignité, et à l'honneur du nom de Jésus-Christ, et de fuir autant qu'il leur sera possible, les Danses, les Jeux publics, les Comédies, les Masques et les Jeux de hasard.
changer les actions dont l’estime publique est l’objet, il faut auparavant changer les jugements qu’on en porte. […] Il faut qu’il y vive agréablement, afin qu’il en remplisse mieux les devoirs, qu’il se tourmente moins pour en sortir, et que l’ordre public soit mieux établi : les bonnes mœurs tiennent plus qu’on ne pense, à ce que chacun se plaise dans son état. […] Il faut aimer son métier pour le bien faire ; l’assiette de l’État n’est bonne et solide que quand tous se sentant à leur place, les forces particulières se réunissent et concourent au bien public, au lieu de s’user l’une contre l’autre ; comme elles font dans tout État mal constitué. […] Où est la fraternité publique ? […] Non, il n’y a de pure joie que la joie publique !
Les spectacles publiques. […] Aprés cela se faut-il étonner si Jesus-Christ s’est declaré si hautement contre luy, qu’il a fait des protestations publiques. […] La pompe n’est autre chose sinon un certain spectacle, ou ceremonie publique, accompagnée de joye, de jeux, de musique & de réjoüissance : voicy comme un Poëte en a parlé. […] je me laissois entraîner au plaisir des spectacles publiques, parce que je voyois le theatre toûjours rempli des images de mes secrettes miseres, & toûjours embrasé des feux de mon amour lascif. […] ; & l’un des Scipions fit une si puissante harangue dans le Senat contre ces spectacles publiques, qu’il fit abbatre & ruiner theatres, amphitheatres, cirques & arennes, & tous les autres lieux destinez à ces infames divertissemens.
Céte place abominable fume du sang des hommes ; on y épuise les veines de l’innocente victime qu’on sacrifie au plaisir public, on voit sõ sang nager dãs les coupes & les vaisseaux, & on l’offre encor tout chaud à l’idole qui y preside pour le desalterer. […] Comme si ce n’estoit pas assés à l’homme d’estre aucunement porté de son naturel à la barbarie, sans reueiller encore ses humeurs & ses passiõs, & exciter dans son cœur vne funeste rage par céte leçon publique. […] Sacrement qu’il venoit de receuoir, & s’est allé ietter auec ce precieux dépost entre les bras des publiques & prostituées, sans cõsiderer que pour le plaisir criminel d’vn Spectacle, il attire sur soy les vengeances & les chastimens du Ciel. […] L’infamie est estimée en public, chacun y fait estat du des-honneur ; chacun court à céte fameuse eschole des vices, qui triomphe pompeusement de la honte publique. […] Mais icy tous les vices ont quitté le masque, les crimes sont publics, on y passe sous silence, mais bien plustost on y loüe l’impudicité des prostituées, les yeux mesme y sont criminels, car on y estudie les moyens de commettre aussi l’adultere par la vuë.