Non, rien ne dégrade plus l’homme, & ne rend plus incapable des actions de vertu d’un sage gouvernement, des fonctions importantes de la royauté, du sacerdoce, de la magistratere, que ce goût efféminé de luxe, de parure, de frivolité : fruit & principe trop ordinaire des plus grands vices, qui énerve l’ame, amollit le cœur, blase le corps, dissipe les biens, fait perdre la confiance, l’estime, le respect de tout le monde, ruine les familles, & porte les plus funestes coups à l’Etat, faisant de l’homme public, du pasteur des ames, du père de famille, une espece de baladin & d’Actrice. […] Ils sont les martyrs du public, & quel public ? […] Sur les pieces même qui sont restées au théatre, & qui reparoissent quelquefois quinze ou vingt ans après, l’Auteur a la glorieuse & consolante satisfaction de se dire : J’ai travaillé toute ma vie pour faire gagner de l’argent à une troupe de misérables corrupteurs du public, & à faire commettre bien des péchés à une troupe de spectateurs ; étoit-ce la peine de prendre la plume ? […] Quand une fois la vieillesse, la maladie, la mort, le dégoût du public, ont moissonné ces belles fleurs, on ne peut plus, comme les pieces du vieux Corneille, les remettre sur la scene.
Le Spectacle des Colléges est bien différent du vôtre, Mademoiselle, selon l’Ordonnance de Blois1 & la déclaration de la Faculté de Paris2, on a soin d’en retrancher toute espéce de saleté & le langage de la tendresse, les Regens qui en ont la direction, avant de mettre les Rolles entre les mains des Ecoliers, en ôtent tout ce qui pourroit souiller le cœur & blesser les oreilles : c’est un exercice que l’on croit utile à ceux qui se destinent à parler en public, & l’on ne se propose pas d’intéresser les Spectateurs, on a porté la réforme jusqu’à défendre par une nouvelle Ordonnance1 les danses dans les intermèdes ; quoiqu’un semblable amusement qui se passeroit entre les jeunes gens d’un même sexe, ne suppose aucune sorte de danger, mais une simple indécence. […] Je ne vous ai jamais vû, Mademoiselle, ni aucunes de vos compagnes, je n’en juge que par le bruit public ; toute la France rétentit du bruit de leurs exploits, les grands Seigneurs vont brûler leurs aisles dans vos coulisses, les Financiers y portent les dépouilles de tout le Royaume ; l’entretien d’une Comédienne excéde souvent le revenu d’une Province entiere. […] Il vous répondra : c’est1 le consistoire de l’impureté, un lieu où l’on approuve des libertés qu’on n’oseroit se promettre ailleurs ; où l’on voit des femmes se produire en public avec moins de honte qu’elles ne feroient dans le sécret de leur maison, & avec une contenance dont elles rougiroient en tout autre endroit que sur un Théâtre.
N’osant toucher à la loi qui établissait l’infamie, ce qui aurait révolté tout l’Empire, il déclara qu’il fallait distinguer ceux qui jouent quelque rôle pour leur plaisir, et ceux qui font le métier de Comédien par intérêt ; que ceux-ci sont couverts d’infamie, et les autres en sont exempts : loi fort inutile, et au public à qui cette distinction ne fut jamais inconnue, et à lui-même que toutes les lois du monde ne pouvaient jamais garantir du souverain mépris que sa conduite inspirait pour lui à tous les honnêtes gens, dont même il réveillait l’attention et aiguisait la censure par des précautions si frivoles. […] Son palais était rempli de Comédiens, il en était sans cesse environné jusque dans les rues, dans les temples, dans les cérémonies et les assemblées publiques. […] Ils ne sont pas fréquents sur le théâtre public ; sont-ils rares sur les théâtres particuliers ?
Les Opéras-Bouffons, ou les Comédies-mêlées d’Ariettes, sont devenus à la mode ; je servirai le Public selon son goût. — Votre raison est valable ; écoutez-moi bien pourtant. […] Le plaisir qu’il envisage à se faire combler d’applaudissemens, à se voir accueillir du Public avec enthousiasme, le fait bientôt se décider.
De la beauté ; des grâces plus touchantes que la beauté ; des talens applaudis… un culte public ? […] On devait donner dans quelques jours, une des Pièces que j’avais apprises : Mademoiselle *** proposa de m’y faire débuter, de l’annoncer au Public le jour même ; & ce fut une chose décidée.
Cet Abrégé des Conciles, des Synodes et des Rituels, doit convaincre que l’Eglise a toujours condamné et condamne encore à présent les Comédies de ce siècle, comme celles des siècles passés ; qu’elle des regarde comme de très grands désordres, puisqu’elle emploie contre les Comédiens, les peines les plus rigoureuses, savoir, l’excommunication, la privation de l’usage des Sacrements, même à la mort, et ensuite de la sépulture Ecclésiastique : en quoi elle renouvelle la plus grande sévérité des premiers siècles, puisqu’elle met les Comédiens au rang des blasphémateurs, des concubinaires et des usuriers publics. […] Je ne vous déclarerai pas leur crime par mes discours ; mais par les propres paroles de celui qui doit juger toutes les actions des hommes : Celui, dit-il, qui verra une femme avec un mauvais désir, a déjà commis l’adultère dans son cœur. » Si une femme négligemment parée, qui passe par hasard dans la place publique, blesse souvent par la seule vue de son visage celui qui la regarde avec trop de curiosité ; ceux qui vont aux Spectacles non par hasard, mais de propos délibéré, et avec tant d’ardeur, qu’ils abandonnent l’Eglise par un mépris insupportable pour y aller ; ceux qui regardent ces femmes infâmes, auront-ils l’impudence de dire qu’ils ne les voient pas pour les désirer, lorsque les paroles, les voix, les chants impudiques et tendres les portent à la volupté ?
Bossuet), à l’incontinence publique, d’une maniére plus dangereuse qu’on ne feroit dans des lieux qu’on n’ose nommer ?