M. l’Abbé de Besplas, dans son Traité du bonheur public, parle beaucoup de la réforme du théatre, qu’il désire extrêmement. […] Les autres Ecrivains, le Mercure, les Journaux, les Almanachs, l’Histoire du Théatre Italien, en ont parlé très-froidement, & se contentent de dire que ses idées singulieres n’ont pas été goûtées du public. […] Le public doit fournir les fonds nécessaires à ces dépenses, & acheter les habits & décorations jusqu’à ce que la caisse de la recette puisse y pourvoir. […] L’approbation des sages nous dédommagera de leur désertion, & comme tout dans l’Etat doit se mouvoir par la même impulsion, l’éducation publique & particuliere s’arrangera sur ce plan de vertu. […] Sans être soutenu par l’autorité publique, le théatre s’est rétabli de lui-même par le goût du plaisir.
Cette idée d’élevation des sentimens dans Moliere, & celle du sublime de ses productions, figureroit mieux dans quelque farce que dans le Traité du Bonheur public. […] Si Moliere devoit être étonné de quelque chose, c’est de l’immense progrès que la comédie a fait faire aux désordres publics. […] C’est sans doute réparer l’injustice de près d’un siècle de mépris ; mais est-ce bien observer les loix de l’Académie, & celles de l’édification publique ? […] Corneille & Racine auroient moins surpris, quoiqu’un dramatique ne puisse décement être offert à l’admiration publique par un arbitre aussi respectable. […] Un Médecin qui dans la crise d’une contagion publique offriroit un remede contre les vapeurs, tel le Pantomime qui fait rire.
Vous faites des questions au Public mais vous lui dictez ses réponses ; elles sont trop subtiles, on n’y reconnaît pas son ton. Je vais m’emparer à mon tour du Tribunal, interroger le Public, et le laisser répondre avec toute la naïveté qui lui est propre. Public : répondez-moi ; qu’est-ce que M. […] Le Public rit de leur chagrin, et n’a-t-il pas raison ? […] Celui de Molière est donc bien comme il est, c’est mon avis et celui, j’en suis sûr, de la plus grande partie du Public ; en tout cas, ce n’est là qu’une dispute de mot, qui ne fait rien au fond de la question.
Une femme qui se livre au public, qui fait métier de séduire, peut-elle se dire séduite ? […] Les Comédiens en France se prêtaient autrefois aux plaisirs du public, et allaient de maison en maison, comme les femmes de Golconde. […] Se donner pour de l’argent en spectacle et aux plaisirs du public, prabere suum corpus, copiam facere sui corporis, fut toujours le métier le plus méprisable. […] Marc Aurèle y était si opposé, que le bruit courut qu’il voulait abolir tous les divertissements publics, et obliger tout le monde à mener la vie philosophique. […] Quand Auguste édifia les murs de Rome, il tira plus des Truands qui furent noyés dans le Tibre, que ce qu’il tira du trésor public, etc. » Guevara (vie de Marc-Aurèle, C.
la vertu tend-elle des pieges, donne-t-elle des scandales, séduit-elle le public ? […] Depuis la mort de Panard il est arrivé au théatre une aventure réjouissante, qui en peint les mœurs & l’idée qu’en a le public. […] Germain des Prés, où l’air est bon, & où pendant ne mois ils ont donné au public une espèce de farce deux sois la semaine. […] Mais la fille de Dubois est restée au théatre pour remplacer la Clairon, qui ne voit pas de trop bon œil cette jeune Actrice consoler le public d’une perte que ses infirmités & ses rides font regarder comme prochaine. […] Je demande pardon au public, au nom de ma troupe, de ce qui s’est passé lundi dernier ; nous sommes au désespoir de lui avoir manqué si essentiellement.
Déjà l’Auteur voit en idée le public qui justifie les éloges de ces juges sçavans ; déjà accueilli des grands, & sur-tout de la Finance, qui par la protection qu’elle offre aux jeunes Poëtes, cherche à remplir l’intervale qu’il y a entre elle & les premiers ; & ce n’est pas ce qu’elle fait de pis ; déjà, dis-je, il est enyvré & jouit d’avance des graces & des honneurs qu’il se voit prodiguer. […] Le public a l’injustice de ne pas applaudir. Aussi ce public n’a-t-il jamais été moins connoisseur qu’aujourd’hui ! […] Ne seroit-ce pas pour vous le plus grand honneur, que le public sçût qu’il doit à vos égards & à vos complaisances, des ouvrages que l’Auteur découragé ou rebuté par les difficultés, pouvoit abandonner, ou dont même il ne seroit jamais devenu capable ?
Quant à la manière de leur former un Actricisme parfait, celle que je vais proposer ne sera pas goûtée des Acteurs des grands Théâtres : mais ici ce ne sont pas nos Comédiens qu’il faut consulter : ils sont faits comme tous les autres hommes ; un Etablissement nouveau, du même genre que le leur les révolte, excite leur jalousie, & leur fait desirer de l’anéantir : l’utilité publique est un motif faible pour quiconque fait corps à part. […] Le moyen que je viens de proposer, pour rendre utile le Théâtre-Ephébique, n’est pas le seul ; il en est un autre, peut-être moins avantageux pour les jeunes Acteurs, mais dont l’effet serait plus présent pour le Public : Qu’on abandonne tout-à-fait le mauvais genre de Pièces, adopté, faute de pouvoir mieux par le Néomime soumis au caprice des Grands-Comédiens : au lieu d’intrigues communes & triviales, de passions froides, dont l’expression est aussi gauche que messéante dans la bouche des Enfans-acteurs, qu’ils jouent de petites Pièces plus proportionnées à leur âge ; par exemple, que ces nouvelles Atellanes peignent les passions, les goûts, les défauts de l’Enfance : qu’on prenne encore des sujets naïfs dans les Fables de Lafontaine de Lamotte &c. […] Cette nouvelle forme, qu’il s’agirait de donner au Théâtre-Ephébique, exigerait à la vérité plus de dépenses & une Troupe nombreuse : néanmoins des raisons assez fortes, & que je dirai plus bas, empêchent qu’on ne permette au Néomime d’aggrandir sa Salle : le même motif me porte à croire qu’il serait à propos que l’Ambigu-comique ne pût avoir ni Machines, ni un Orquestre complet : on le priverait de tout ce qui ne serait pas essenciel pour former la Jeunesse : j’opinerais même encore à ce que son Orquestre fût composé, comme son Théâtre, de jeunes Sujets, distingués par des talens déja supérieurs, qui de-là passeraient aux autres Spectacles, afin que tout le nouveau Théâtre devînt un Ecole, dont le Public serait le Professeur : ainsi lorsque la Représentation serait achevée, les jeunes Acteurs rangés dans la Salle de Répétition, seraient obligés d’écouter durant une demi-heure, les avis que les Spectateurs éclairés jugeraient à propos d’aller leur donner, & de recevoir également bien le blâme & la louange : & pour fournir au surcroît de dépense, les Places seraient à 3 l ; I. 1.16 f ; I 1.4 f ; & 12 f. […] Je concluerai donc en disant, que loin d’interdire au Néomime les Pièces suivies & intriguées, & de le laisser sous la tyrannie des Comédiens des grands Théâtres, il faudrait l’y soustraire, & le rendre utile, en dépit d’eux-mêmes, à ces Comédiens, qui trop souvent tourmentent le Public par des Débutans que Melpomène & Thalie ne peuvent avouer.