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20. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXV. Quatrième, cinquième et sixième réflexion : passage exprès de Saint Thomas, et conciliation de ses sentiments. » pp. 88-92

Pour donc prouver quelque chose, et pour satisfaire à la première condition, d’abord il faudrait montrer, ou qu’il ne soit pas nuisible d’exciter les passions les plus dangereuses, ce qui est absurde ; ou qu’elles ne soient pas excitées par les délectables représentations qu’on en fait dans les comédies, ce qui répugne à l’expérience et à la fin même de ces représentations comme on a vu ; ou enfin que Saint Thomas ait été assez peu habile pour ne sentir pas qu’il n’y a rien de plus contagieux pour exciter les passions, particulièrement celle de l’amour, que les discours passionnés : ce qui serait la dernière des absurdités, et la plus aisée à convaincrez par les paroles de ce saint, si la chose pouvait recevoir le moindre doute. […] [NDUL] Convaincre, avec un complément direct de chose, prouver, établir, mettre en évidence.

21. (1759) Lettre d’un professeur en théologie pp. 3-20

Que penseriez-vous enfin d’un Auteur qui vous accuseroit de Matérialisme ; & qui, pour prouver ce qu’il avance, diroit qu’il vous a jugé d’après vos ouvrages & d’après des conversations publiques, où vous ne lui avez pas paru prendre beaucoup d’intérêt à la spiritualité de l’ame, enfin d’après l’opinion de vos concitoyens & de la Sorbonne même ; que ces sentimens sont d’ailleurs une suite nécessaire de votre Philosophie ; & que, si vous ne jugez pas à propos de les adopter ou de les avouer aujourd’hui, la Logique que l’on vous connoît doit naturellement vous y conduire, ou vous laisser à moitié chemin ? […] Ceux qui pensent autrement, nous les comparons à des hommes qui refuseroient de croire que le feu brûle, parce qu’on ne sauroit leur donner une notion exacte de la nature du feu ; qui nieroient l’existence de la boussole, parce que nous ne saurions leur rendre une raison suffisante de l’action de l’aimant ; qui contesteroient que César eut vécu, parce qu’on ne sauroit le prouver par une démonstration géométrique. […] Ceux qui pensent autrement, à notre avis, ressemblent à la Mouche de la fable, qui, grimpant le long d’un magnifique bâtiment, prouve que l’architecte qui l’a construit étoit un ignorant, par les chemins raboteux qu’elle rencontre dans la sculpture des colonnades.

22. (1788) Sermons sur les spectacles (2) « Sermons sur les spectacles (2) » pp. 6-50

Je veux, mes Frères, examiner avec vous cette réforme prétendue des Spectacles, & vous prouver que, dans l’état où ils sont aujourd’hui, ils sont plus capables que jamais de faire sur les cœurs les impressions les plus dangereuses, & les plus incompatibles avec la piété. […] Jusqu’ici, mes Frères, je n’ai considéré le théâtre que du côté de sa morale & de ses maximes, & je crois avoir suffisamment prouvé que sous ce point de vue, il mérite plus que jamais les anathêmes de l’Eglise & l’horreur des véritables Chrétiens. […] & la tranquillité dans laquelle les laissent de tels objets prouve-t-elle autre chose, sinon que leur cœur est déja profondément corrompu, que leur imagination est depuis long-temps accoutumée à ces horreurs, & qu’enfin c’est l’habitude du poison qui en émousse la force à leur égard ? […] Oui ; ce plaisir prouve que vous avez reçu dans votre cœur l’impression de toutes les passions qu’on y représente. […] Cessez donc d’opposer votre expérience à des principes certains & incontestables : votre cœur bien approfondi ne prouve que trop évidemment le danger des Spectacles.

23. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VIII. Du Stile. » pp. 287-319

J’ai dit au commencement de ce Chapitre que le stile était actuellement très-nécessaire au Drame ; & pourtant je prouve que plusieurs de nos Pièces ont réussi sans être bien écrites. […] Je conviendrai encore, que si j’avais voulu soutenir le contraire, on aurait eu sujet de se moquer de moi ; ses plus grands partisans n’auraient pû s’empêcher de rire des éfforts qu’il m’aurait fallu faire, pour prouver que des défauts sont des beautés. […] N’est-il pas prouvé maintenant que les Auteurs de notre Opéra, font bien de ne point se donner la torture, afin d’écrire avec art ? […] Il est donc prouvé que la manière d’écrire des Poètes du nouveau Spectacle, est ordinairement assez peu élégante, & qu’ils employent communément des éxpressions populaires, & quelquefois obscures. […] Voici deux passages de ce prétendu rival de Racine qui prouvent que dans l’autre siècle on choquait quelquefois le bon Sens, ainsi qu’on en accuse le Spectacle moderne.

24. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XIX. Si un Evêque peut défendre qu’on ne danse les jours des Fêtes, ou même en quelque temps de l’année que ce soit. » pp. 146-153

Pour le premier point, il est évident qu’ils peuvent sous des peines Ecclésiastiques défendre la danse les jours des Dimanches et des Fêtes, et pendant tout le temps qui est particulièrement destiné à l’exercice de la pénitence et de la prière, parce que comme nous avons auparavant prouvé, la danse qui ne s’est introduite que par l’instinct de la nature, et pour la satisfaction des sens, est prohibée les jours des Dimanches et des Fêtes, et pendant tout le temps qui est consacré à la mortification et à l’Oraison, par les Canons et par les Lois. […] Et de là il s’ensuit nécessairement qu’ils peuvent défendre la danse en tout temps, parce que comme nous avons prouvé dans tout cet ouvrage, ce divertissement, non seulement est opposé à la piété Chrétienne, mais encore il ne peut être qu’une source de maux et de péchés.

25. (1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « [Lettre] » pp. 4-32

Après ce beau galimatias qui ne conclut rien, ce charitable donneur d’avis veut, par un grand discours fort utile à la religion et fort nécessaire à son sujet, prouver que les pièces de Molière ne valent rien, pource qu’elles sont trop bien jouées et qu’il sait leur donner de la grâce et en faire remarquer toutes les beautés. Mais il ne prend pas garde qu’il augmente sa gloire en même temps qu’il croit la diminuer, puisqu’il avoue qu’il est bon comédien, et que cette qualité n’est pas suffisante pour prouver, comme il le prétend, qu’il est méchant auteur. […] Ces paroles prouvent-elles quelque chose, et en peut-on rien inférer, sinon que Don Juan est athée ? […] Il faut avoir de grandes lumières pour s’en défendre, il dit beaucoup et prouve encore davantage, et comme cet argument est convaincant, il doit avec justice faire douter de la véritable religion.

26. (1754) Considerations sur l’art du théâtre. D*** à M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Geneve « Considérations sur l’art du Théâtre. » pp. 5-82

Je ne vous dirai pas que vous concluez d’une supposition, & non d’un fait prouvé, c’est assez votre ordinaire ; quand les raisons manquent, l’imagination vient au secours. […] L’Avare, le Tartuffe sont des personnages vicieux : je crois qu’il est inutile de le prouver. […] Pour affirmer que l’art Dramatique ne peut s’allier avec les mœurs, il faudroit avoir prouvé que la morale du Theatre est différente de celle du monde, ce que vous n’avez pas fait, ni pû faire. […] Ce qui prouve que les loix les plus sages ne sont pas celles dont la violence brise, mais celles dont l’équité dirige les mouvemens de la nature. […] Les Lacedemoniens ont été aussi souvent vaincus que vainqueurs, & les autres peuples de la Grece, conduits par des loix moins austeres, leur ont prouvé plus d’une fois que le courage n’étoit pas un attribut exclusif de l’âpreté des mœurs.

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