C’était peut-être une des raisons du silence des Apôtres, qui accoutumés à la simplicité de leurs pères et de leur pays, n’étaient point sollicités à reprendre en termes exprès dans leurs écrits, des pratiques qu’ils ne connaissaient pas dans leur nation : il leur suffisait d’établir les principes qui en donnaient du dégoût : les chrétiens savaient assez que leur religion était fondée sur la Judaïque, et qu’on ne souffrait point dans l’Eglise les plaisirs qui étaient bannis de la Synagogue : quoi qu’il en soit, c’est un grand exemple pour les chrétiens, que celui qu’on voit dans les Juifs ; et c’est une honte au peuple spirituel, de flatter les sens par des joies que le peuple charnel ne connaissait pas.
Si l’on ne voit pas là dedans l’anéantissement de la foi, et; le principe de l’incrédulité dans le refus de l’intelligence que le Créateur fait à sa créature, c’est qu’on ne voudra pas le voir.
Et après cette clémence, plus que divine, comme l’auteur, par une autre contradiction, le montre lui-même dans son Festin de Pierre, où Dieu engloutit un méchant, recommandée dans le Misantrope envers les agents de tous les désordres de la société, des plus grands maux qui accablent les hommes ; si vous vous rappelez les coups sensibles et redoublés qui ont été portés aux femmes les plus innocentes des malheurs du monde ; si vous réfléchissez à l’extrême rigueur avec laquelle ont été punies par le même auteur dans deux autres pièces fameuses des fautes de grammaire, ou des ridicules, quelques travers à l’égard desquels ses préceptes d’indulgence étaient excellents et obligés ; si vous remarquez encore qu’après avoir ridiculisé les délassements et les plaisirs honnêtes des sociétés les plus décentes de son temps, et avoir renvoyé durement à leurs aiguilles et à leur pot au feu des femmes plus opulentes et plus distinguées que la Dlle de Sotenville, personnage de l’Ecole des Femmes, il donne pour exemple cette dernière qui a des goûts et tient une conduite tout-à-fait opposés à celle qu’il prescrit aux autres ; car c’est bien la proposer de fait pour exemple contraire que de la rendre le personnage aimable de la pièce, et de lui donner raison, la faire applaudir en public lorsqu’elle rejète les remontrances de son époux, qui lui rappelle des préceptes appropriés à celui des aiguilles et du pot au feu, et refuse de se consacrer à son ménage et à sa famille, en déclarant qu’elle ne veut pas s’enterrer, qu’elle n’entend pas renoncer aux plaisirs du monde, qu’elle se moque de ce que disent les maris, qu’elle veut jouir indépendamment d’eux des beaux jours de sa jeunesse, s’entendre dire des douceurs, en un mot voir le monde ; tel est le langage de la maîtresse de cette école (Ariste que Molière rend exemplaire aussi dans l’École des maris est parfaitement de l’avis de donner toutes ces libertés aux femmes ; elles en ont bien joui depuis ces inspirations ; quand on les leur a refusées, elles les ont prises) ; si on fait ces rapprochements ou remarques, dis-je, sans prévention, il est impossible, à la vue de tant de contradictions incontestables et de cette variation de principes et de conduite de ce fameux poète comique, de ne pas soupçonner au moins que son désir d’améliorer les mœurs était aveuglé et dirigé par une verve impérieuse et désordonnée qui le portait à appréhender et fronder à tort et à travers telles classes, telles professions et réunions, ou telles personnes, et de faire rire le public à leurs dépens, et au profit de sa manie et de sa renommée. […] Elle donnait, ainsi que celle de Longueville, l’exemple et le ton d’une vraiment bonne compagnie, ce qui propageait et entretenait les bons principes. […] Je justifierais peut-être suffisamment cette opinion défavorable au critique sous cet autre rapport, si je voulais m’écarter un moment de mon objet principal, pour faire remarquer que ses principes n’ont pu l’empêcher lui-même de composer, peu de temps avant ses leçons, et de nous laisser l’Etourdi et le Dépit amoureux, qui contiennent des fautes grossières contre la morale, contre la bienséance et contre la grammaire ; et plusieurs années après, un ouvrage des plus bizarres, une autre comédie en cinq actes, dans laquelle on a trouvé plus de choses contre le bon goût que les Précieuses et les Savantes n’en avaient jamais conçu ; je veux parler de son Festin de Pierre. […] On voit que ces assemblées postérieures se sont fait remarquer par la morale la plus relâchée, par le mépris de tous les principes qui font les bases des bonnes mœurs : on voit qu’elles ont fini par tirer vanité de leurs excès ; elles avaient pour centre et pour point de ralliement, dit un historien éloquent, un certain nombre de maisons opulentes, rendez-vous habituels de ce que la société avait de plus brillant dans les deux sexes ; elles étaient autant d’écoles de bon ton, de politesse et d’urbanité ; mais on y établissait de fausses bienséances sur les ruines des véritables devoirs. […] Et si je croyais que ce rejeton dût être aussi fécond que sa tige, je n’en excepterais même pas ceux qui ont le moyen de prouver leur bon cœur par de grands sacrifices ; car l’égoïsme, ou la malignité, saurait trouver aussi quelque principe vicieux à leurs bonnes actions ; et les aumônes faites aux pauvres ne prouveraient pas mieux la pure bienfaisance que les offrandes faites à l’église ne prouvent la vraie religion depuis le jeu qu’on a fait du culte extérieur.
C’est le grand principe de l’Evangile ; celui qui regarde une femme avec complaisance, a déjà commis le péché dans son cœur. […] Les Catholiques ne sont que plus coupables, puisque leur Réligion les condamne si sévérement ; non seulement par le principe général, commun à tous les Chrétiens, qui défend les mauvais regards & les scandales, mais en particulier par la doctrine de l’Eglise sur les images. […] Les songes, il est vrai, ne sont pas des actions libres, puisque l’homme est alors plongé dans le sommeil, & par conséquent ils ne sont pas des péchés par eux-mêmes ; mais comme l’esprit s’occupe ordinairement dans le sommeil, des mêmes objets dont il s’occupoit pendant le jour ; les songes sont communément le portrait du cœur, & le fruit des passions, ils les entretiennent même, & il n’est pas rare qu’on se les rappelle pendant le jour, & qu’on se plaise dans l’impression voluptueuse qu’ils ont pu faire ; ils peuvent donc être volontaires dans leur principe, quand on s’est volontairement occupé de l’objet criminel qui les a produit, ou dans leurs suites, lorsqu’on se rappelle volontairement, pour goûter encore les plaisirs criminels qu’ils ont fait goûter en dormant, les songes font alors un très-grand mal ; les rêves sont des peintres qui copient les originaux, les multiplient, les embellissent, les rendent plus piquants ; source féconde de péché, que la peinture & la sculpture ouvrent sans cesse.
« Un Comédien noble, dit-il, n’est plus un prodige ; le plus noble de l’Empire, l’Empereur est Comédien » : « Res haud inira tamen, citharædo Principe, Mimus nobilis. » Après cette plaisanterie il se livre à son indignation, et regarde comme la tache la plus honteuse de la vie de Néron d’avoir paru sur la scène. […] Un traité de politique formé sur les principes qu’on débite, sur les sentiments qu’on inspire, sur la conduite qu’on approuve au théâtre, serait pire que le Prince de Machiavel. […] Ces principes gothiques sont bientôt réfutés, méprisés, rarement suivis ; un Narcisse détruit dans un moment l’ouvrage de Burrus.
On peut aisément deviner la réponse qu’y fait notre Docteur : des principes qu’il vient de nous exposer, il conclut qu’on ne peut ni permettre ni favoriser aucun Spectacle indécent, qu’aucune raison de bien, même plus grand, ne peut l’autoriser, & qu’on est obligé de s’y opposer de tout son pouvoir : en un mot le Théologien Espagnol met ces Spectacles au rang des poisons dont on doit empêcher le débit. […] Des principes si relâchés forment une trop foible défense pour résister à la force des raisons & des grandes maximes que leur oppose D.
On peut aisément deviner la réponse qu’y fait notre Docteur : des principes qu’il vient de nous exposer, il conclut qu’on ne peut ni permettre ni favoriser aucun Spectacle indécent ; qu’aucune raison de bien, même plus grand, ne peut l’autoriser ; & qu’on est obligé de s’y opposer de tout son pouvoir : en un mot le Théologien Espagnol met ces Spectacles au rang des poisons dont on doit empêcher le débit. […] Des principes si relâchés forment une trop foible défense pour résister à la force des raisons & des grandes maximes que leur oppose D.