Outre que ces comédiennes coûtaient peu, le peuple assistait au spectacle en plein air ; et, puisque la santé ainsi que l’économie contribuent au maintien des mœurs, on conçoit cette exclamation de plusieurs sages publicistes : Qui nous rendra la morale du bon temps ! […] Au seizième siècle on jouait le dimanche, après diner, de saintes historiettes, avec la farce au bout ; le peuple de Lyon appelait ce théâtre le Paradis, et François Ier y prit un grand plaisir.
Feroit on une si grande dépense, si le peuple étoit miserable & l’Etat endetté ? Sans doute la sagesse du gouvernement préféreroit le nécessaire au frivole, & le soulagement des peuples à l’opulence des Comédiens. […] Le peuple sait à peine son nom. […] Le peuple avoit la fienne qui ne se mêloit point avec la premiere. […] N’étoit-ce pas même un aveu de foiblesse d’apprendre au peuple qu’on le craignoit ?
Depuis que la corruption des mœurs eut perdu les peuples long-temps vertueux, on en répandit sur tout le corps, & il y en avoit particulier pour chaque partie, les pieds, les mains, les cheveux, le visage, le sein, &c. […] Licurgue chassa de Sparte, & Solon d’Athenes les marchands de parfums, pour ôter l’occasion d’amollir & de corrompre un peuple qu’ils vouloient rendre vertueux. […] Ce peuple étoit toujours plongé dans les odeurs : Unguentis semper gaudet universa gens Sardianorum . […] Les odeurs répandues dans l’Eglise ne sont rien moins parmi le peuple que la bonne odeur de J. […] Le nom de l’impie tomberaen pourriture, & empoisonnera le peuple : Nomen impiorum putrescet .
Une badine ou un gros bâton, un chapeau de forme bizarre, des bottines, une cravate énorme, un juste-au-corps étroit ou bien une redingotte immense, quelquefois des boucles d’oreilles, ainsi qu’en portoient les Perses, le peuple le plus efféminé de l’antiquité, voilà la manière de s’habiller de ces hommes perdus ; vous vous attendez bien que celle des femmes qui leur ressemblent n’est pas plus décente. […] On objecte encore que ces spectacles sont faits pour le peuple seul, que le peuple seul y va. […] Je n’aime pas d’ailleurs qu’en parlant du peuple, on paroisse supposer qu’il importe peu qu’ils soit perverti ou non. […] Il n’est qu’un plaisir, il n’est que deux besoins pour tout ce peuple d’oisifs volontaires ; ils s’écrient aussi : du pain et le Cirque. […] S’ils ne faisoient que corrompre le langage en le remplissant de calambourgs, en augmentant sans cesse le dictionnaire de nos expressions basses ; s’il n’y avoit à déplorer que cette manie des pointes et des jeux de mots, qui a subjugué tous les états sans en excepter les plus distingués ; si les suites de ce vertige se bornoient à un excès d’admiration pour des platitudes, à la décadence de la Tragédie et de la Comédie ; à des innovations malheureuses dans les arts, on plaindroit une nation chez qui tout devient peuple.
vous donnez des spectacles au peuple, vous estimez l’art du théâtre, vous payez, vous recherchez ceux qui l’exercent, et vous les méprisez, vous les déposez, vous changez leur état civil, vous les condamnez à l’infamie, les chassez de la Cour, du Barreau, du Sénat, de l’Ordre des Chevaliers, vous les privez de tous les honneurs civils. […] Comme les troupes de Comédiens ne sont composées que de gens de la lie du peuple, que la misère ou le vice y ont fait entrer, personne n’a intérêt ni de refuser ni de poursuivre de pareils héritages. […] Quel peuple ! […] ), Auguste affermi sur le trône, n’ayant plus tant à ménager le goût du peuple, maintint l’ordre et la décence. […] Enfin il chassa de Rome et de l’Italie l’Acteur Batille, le plus habile et le plus célèbre de tous, à qui pourtant il pardonna dans la suite, à la prière du peuple.
» Les sottises que dit le peuple ne sont pas des injures, le lieu même l’excuse : « Quidquid illuc agaudente populo dicitur injuria non putatur, locus defendit excessum. » Le commerce des Comédiens est regardé par les lois comme si dangereux, qu’il est défendu de laisser aux enfants et aux femmes la liberté de les fréquenter ; ce serait exposer au plus grand danger leur religion et leurs mœurs. […] Qu’on parcoure dans les histoires du théâtre les anecdotes de ce peuple célèbre, dont on a daigné enrichir nos bibliothèques avec autant de soin que des vies des grands hommes ; on n’en trouvera point dont il n’ait éclaté quelque aventure galante, sans compter les désordres obscurs dont on ne parle pas, tant on y est accoutumé. […] Les continuelles bénédictions qu’il plaît à Dieu répandre sur notre règne, nous obligeant de plus en plus à faire tout ce qui dépend de nous pour retrancher tous les dérèglements par lesquels il peut être offensé ; la crainte que nous avons que les comédies qui se représentent utilement pour le divertissement des peuples, ne soient quelquefois accompagnées de représentations peu honnêtes, qui laissent de mauvaises impressions sur les esprits, fait que nous sommes résolus de donner les ordres requis pour éviter tels inconvénients. […] Régistrées pour être exécutées selon leur forme et teneur, à Paris en Parlement le 24 avril 1641. » Cette déclaration ne fut pas envoyée aux autres Parlements ; elle y était fort inutile, on ne connaissait encore dans les provinces que quelques Tabarins qui couraient de ville en ville, et amusaient le peuple au coin des rues, et il suffisait au Cardinal de faire justifier sa conduite à Paris et à la Cour, théâtre de sa faiblesse. […] Quant aux deux mots qui semblent faire l’éloge de la profession des Comédiens, innocemment et utilement pour divertir le peuple des mauvaises occupations, on voit bien qu’ils ne sont mis là que pour le Cardinal qui prétendait pouvoir être innocemment et utilement Comédien pour divertir la Cour et le peuple des occupations très mauvaises des cabales et des révoltes.
Pierre, où l’on célébrait l’anniversaire de la délivrance de Rome, dont on était redevable aux vertus, au zèle, à l’éloquence de ce grand Pontife, l’un des plus illustres qui se soient assis sur le siège du Prince des Apôtres, se plaint de l’ingratitude du Peuple Romain, qui oubliait une si grande grâce. […] Paul, nous enseigner à renoncer à l’impiété, aux désirs du siècle, à vivre dans la tempérance, la piété, la justice, pour se former un peuple chaste, agréable à ses yeux par ses bonnes œuvres. Le trouverez-vous au théâtre ce peuple fidèle à l’imiter et à lui obéir ? […] A Mayence, à Marseille, à Cologne, à Trèves, les spectacles n’ont cessé que depuis l’invasion des barbares, et ils n’ont cessé dans les autres villes que par la misère des peuples, qui les met hors d’état d’en faire les frais. […] Nous volons au théâtre, nous nous repaissons de ses folies, le peuple en est enivré, il s’y répand en foule : « Ad ludos curritur, ad insanias convolatur, in theatris populus diffunditur. » Puisque les plus violents remèdes sont inutiles, et semblent même augmenter le mal, quelle espérance nous reste-t-il de notre salut, et à quel terme devons-nous nous attendre qu’à la réprobation éternelle ?