Mais il y a encore une autre raison plus grave et plus chrétienne, qui ne permet pas d’étaler la passion de l’amour, même par rapport au licite ; c’est, comme l’a remarqué, en traitant la question de la comédie, un habile homme de nos jourse ; c’est dis-je, que le mariage présuppose la concupiscence, qui selon les règles de la foi est un mal auquel il faut résister : contre lequel par conséquent il faut armer le chrétien. […] Ces doux et invincibles penchants de l’inclination, ainsi qu’on les représente, c’est ce qu’on veut faire sentir et ce qu’on veut rendre aimable ; c’est-à-dire, qu’on veut rendre aimable une servitude qui est l’effet du péché, qui porte au péché ; et on flatte une passion qu’on ne peut mettre sous le joug que par des combats, qui font gémir les fidèles, même au milieu des remèdes. […] Ce qu’on y veut, c’en est le mal : ce qu’on y appelle les belles passions, sontf la honte de la nature raisonnable : l’empire d’une fragile et fausse beauté et cette tyrannie qu’on y étale sous les plus belles couleurs flatte la vanité d’un sexe, dégrade la dignité de l’autre, et asservit l’un et l’autre au règne des sens.
On ne voit plus rien de honteux dans les passions dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’on les voit toujours déguisées sur la scène, embellies par l’art, justifiées pas l’esprit du poète, et mises à dessein avec les vertus et les mérites dans les personnes qui y sont représentées comme des héros. Ces passions que le théâtre excite sont d’autant plus dangereuses, que le plaisir qu’elles causent n’est point mêlé de ces peines et de ces chagrins qui suivent les autres passions, et qui servent quelquefois à en corriger : car ce qu’on voit dans les autres touche assez pour faire plaisir, et ne touche pas assez pour tourmenter.
Telle est la Comédie sur le papier : on y voit le corps des passions sans âme mais il y a beaucoup de personnes d’un tempérament si tendre, que la lecture des Comédies et des Romans les enflamme facilement : c’est pourquoi ces lectures sont défendues. […] Ces Comédies divertissent les personnes dont elle critiquent les passions. […] Il conclut avec saint Ambroise, qu’il faut que les Prédicateurs prêchent, que les Confesseurs disent, et que les Auteurs écrivent contre les passions, quoiqu’ils connaissent l’opiniâtreté des hommes. […] Beltrame dit, en vain qu’on parle d’amour dans les Comédies, afin d’en découvrir les effets : car il est certain, dit le Père Ottonelli, qu’on y parle longtemps et avec plaisir de cette passion, et qu’on y parle très peu du remède, et toujours inutilement. […] » Il n’y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin et quel agrément les hommes et les femmes y sont parées : les expressions même de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou désapprouver les choses dont ils s’entretiennent, ne servent qu’à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées.
La vraie piété comdamne les passions : on la décrie sous le nom de la fausse, on la tourne en ridicule, voilà Tartuffe. […] Cyr, non plus qu’Esther ; on veut des passions violentes, & on ne veut pas de dévotion, ou si l’on goûte des sentimens de religion, ce n’est pas par esprit de piété. […] La jeune Sara avoit épousé successivement sept maris qui tous libertins, & ne cherchant dans le mariage qu’à satisfaire leur passion, avoient mérité d’être mis à mort le jour de leurs noces par le démon Asmodée. […] Vous savez, mon Dieu, que je n’ai pas pris cette épouse pour satisfaire ma passion, non luxuriæ causa, mais pour avoir une postérité qui vous bénisse dans tous les siecles des siecles : Solâ posteritatis dilectione, in qua benedicetur nomen tuum. […] Le mariage chez lui n’est qu’une union de plaisir, un lien de passion.
Vous avez bien de la peine, ajoutez-vous, à concevoir cette règle de la Poétique des anciens, que le Théâtre purge les passions en les excitant. […] Les passions dont le Théâtre tend à nous garantir ne sont pas celles qu’il excite ; mais il nous en garantit en excitant en nous les passions contraires ; j’entends ici par passion, avec la plupart des Ecrivains de morale, toute affection vive et profonde, qui nous attache fortement à son objet. […] Mais si avec quelques Philosophes on n’attache l’idée de passion qu’aux affections criminelles, il faudra pour lors se borner à dire, que le Théâtre les corrige en nous rappelant aux affections naturelles ou vertueuses, que le créateur nous a données pour combattre ces mêmes passions. […] Un retour affligeant sur le malheur de la condition humaine, qui nous oblige presque toujours de faire céder nos passions à nos devoirs. […] La plupart des personnages de Racine même ont à mes yeux moins de passion que de métaphysique, moins de chaleur que de galanterie.
Elle vient d’une Confrérie de la Passion qui fut fondée avant l’année 1402. en l’Eglise de la Trinité à Paris, rue Saint Denis. […] En 1545. la salle de la Passion fut ôtée aux Confrères ; et il fut ordonné par un Arrêt du Parlement qu’elle servirait à loger des pauvres. […] L’Opéra est d’autant plus dangereux, que l’âme y est plus susceptible des passions qu’on y veut exciter à la faveur de la musique. […] Esprit, en ce qu’ils excitent le trouble des passions de l’âme Ibid. […] Personne, continue-t-il, ne veut jouir du plaisir qui s’y trouve sans quelque passion, et cette passion ne se fait point ressentir sans quelques chutes.
Faites réflexion aux funestes suites des passions. […] de Fontenelle à ce sujet, la purgation des passions par le moyen des passions mêmes ». […] quel empire sur ses passions ! […] Tout est capable dans le monde, dit-on, d’exciter les passions. […] On y voit le corps des passions sans ame.