La Duchesse du Maine, une des Actrices, le Duc du Maine, dont Madame de Maintenon avoit élevé l’enfance, en prirent si bien le goût qu’ils passèrent leur vie en fêtes, en spectacles dans leur maison de Sceaux ; ce qui a fourni la matière d’un recueil de bagatelles, connu sous le nom de divertissement de Sceaux dont nous parlons ailleurs. […] Qui ignore que dans le siècle passé Armand de Bourbon, Prince aussi distingué par ses vertus & ses lumières, que par ses dignités & sa naissance, se déclara hautement contre elle par un ouvrage immortel ; les sentimens héréditaires dans son auguste famille doivent à jamais fermer au spectacle les portes d’une maison où ils ont été si solennellement condamnés. […] Le Maréchal de Brezé, père de la Princesse & Henri de Condé son beau-père s’étoient signalés dans cette guerre, & avoient recueilli autant de myrrhe que de lauriers ; ils s’étoient tous deux retirés de la Cour pour passer dans la volupté le reste de leurs jours ; l’un dans sa terre de Missi en Anjou, l’autre dans la ville de Bourges, capitale de son gouvernement de Berri. […] Cet établissement consiste à former un mont de piété pour entretenir un grenier d’abondance d’où l’on distribueroit aux pauvres, selon l’avis des Curés pour être rendu l’année suivante dans la saison, avec un petit profit pour l’entretien du fonds, & sans profit pour ceux qui seroient hors d’état de rien payer ; cela vaudroit bien la comédie, de l’aveu même de ses plus grands amateurs qui aimèrent mieux s’en passer pour faire des bonnes œuvres. […] Après s’être élevé comme l’aigle, il tombe dans la fange, & rampe comme un vermissau dans tout ce qu’il y a de plus bas & de plus grossier, à peine digne du Pont neuf ; c’est passer du trône à la guinguette, de Roi devenir Arlequin.
Il s’est passé cinquante ans sans que personne ait osé soutenir une si mauvaise cause. […] Se livrer par état, passer sa vie à inspirer la passion à tout le monde, est un plus grand mal que d’y aller quelquefois. […] Peut-on donc permettre aux Comédiens d’y passer leur vie ? […] Peut on rapporter à Dieu la comédie & tout ce qui s’y passe ? […] Par une chûte que les uns regardent comme surprenante, les autres comme naturelle, il avoit passe du théatre du Collège à celui de la comédie Françoise.
Nec ab Histrionibus pollui passa est. […] On fut même longtems sans accorder aux Spectateurs la liberté de s’asseoir : on ne croyoit pas qu’il fût de la dignité de la République de permettre à des Romains de rester longtems occupés d’amusemens qui ne convenoient qu’à des Grecs, & on craignit que la liberté de s’asseoir ne leur fît passer des journées entiéres dans l’oisiveté. […] Ciceron se mocque de ces six cent mulets, qu’on voyoit passer dans la Tragédie de Clytemnestre : c’étoient sans doute les équipages d’Agamemnon revenant du siége de Troye. Dans la Tragédie d’Andronicus intitulée, le Cheval de Troye, on voyoit passer trois mille Vases, & toutes sortes d’Armes d’Infanterie & de Cavalerie ; ces ornemens d’une Tragédie, la faisoient goûter au Peuple Romain. […] On faisoit tout à coup cesser une Piéce pour voir passer Escadrons, Bataillons, Rois enchaînés, Chars, Chariots, Vaisseaux, Villes d’yvoires portées en triomphe, un Chameau, un Leopard.
Ce ne sont pas jeux défendus de représenter quelque histoire dévote, pourvu qu’on n’y mette pas trop de temps ; qu’on n’en fasse que rarement, comme trois ou quatre fois l’année ; qu’on n’y parle point d’amour, sinon de l’amour divin avec l’âme dévote, et ne s’y passe rien contre la modestie ; qu’on laisse l’habit de dessous, sans jamais se revêtir de ceux des hommes, ni rien qui leur ressemble. […] Il les loue à des Marchands pour tenir une foire, et n’est pas plus responsable de ce qui s’y passe de mauvais per accidens, que celui qui loue sa maison à un Aubergiste n’est comptable de l’ivrognerie, des querelles, des friponneries, des débauches qui s’y font. […] Les jeux de théâtre, il est vrai, n’ont pas passé la capitale. […] Leur bonne foi est excusable ; mais ceux qui en Europe donnent si facilement la comédie à la jeunesse, sont-ils pardonnables de ne pas voir ce qui se passe sous leurs yeux ? Cet historien, de la race des Incas, anciens Empereurs du Pérou, ajoute que dans le palais de ses ancêtres on donnait ce divertissement à leur Cour, on y représentait des pièces dramatiques dans le goût du pays, apparemment fort différent du nôtre, comme dans tout le reste, en ceci surtout ; que tout s’y passait avec beaucoup de décence et de modestie ; que les lois de la pudeur y étaient inviolablement observées.
Est-il de la bonne foi de faire passer saint Antonin comme défenseur de la Comédie, quoiqu’il l’ait condamnée si fortement ? […] Les Poètes Provençaux paraissent depuis le treizième jusqu’au quinzième siècle, dans lequel les Italiens qui avaient passé d’Avignon en France, les surpassèrent. […] Mais on demande s’il faut passer pour honnêtes, les impiétés et les infamies, dont sont pleines les Comédies de Molière, qui remplissent encore à présent tous les Théâtres des équivoques les plus grossières. […] » L’Auteur passe au renoncement aux plaisirs du siècle fait dans le Baptême, il s’étend sur plusieurs autres raisons, et principalement sur la discipline des Paroisses de Paris, qui observent exactement leurs Rituels qui ordonnent de refuser le Viatique aux Comédiens, s’ils ne promettent de renoncer au Théâtre. […] Sulpice à la Fête du Saint Sacrement, pour ne pas passer devant le Théâtre des Comédiens Français ; pour apprendre aux Fidèles combien l’Eglise a en horreur ces Théâtres.
Mais si les Ministres de l’Évangile se taisent, en se plaignant peut-être, qu’ils n’ont pas la liberté prophétique de tout dire : La Providence a permis que la liberté comédienne et satirique y ait suppléé ; et que le siècle ne passât point, sans se voir reprocher publiquement sa corruption toute entière. […] Est-il une Église qui ne soit décorée de leurs plus belles nippes, quand la mode en est fort passée, ou quand la bienséance de l’âge n’en permet plus l’usage ? […] Et parce que les Ordonnances et Censures Ecclésiastiques n’ont jamais tant de force, que les Lois Civiles portées sous de certaines peines : J’approuverais fort l’expédient du P.S. qui proposa de faire passer en parti, une certaine amende au profit des pauvres.
N’allez pas tousser au moins, Monsieur, comme si je passais à mon second point : je n’ai garde d’entreprendre sur le métier des Prédicateurs, quoique les Satiriques, au moins de certains, se croient tout permis. […] Nicole avait pris le change sur la fureur de Camille, dans la Tragédie des Horaces : vous prétendez que cette furieuse, en faisant toutes ses imprécations contre son frère et contre son pays par le désespoir d’avoir perdu son amant, est capable de dégoûter les filles dont la tendresse pourrait passer les bornes ordinaires, et qu’elles se ménageront mieux sur une passion qui peut produire de si terribles effets. […] Vous avez trop de piété, Monsieur, pour vouloir en dédire Saint Augustin : mais s’il m’était permis de me citer, profane que je suis, après une autorité sacrée, j’oserais vous rappeler une tirade de ma Satire, où j’ai fait voir qu’on ne va point à la Comédie pour se rendre plus vertueux ; qu’on y va seulement dans la vue d’un délassement agréable ; qu’au contraire notre orgueil se rend quelquefois plus fier par le plaisir malin que nous sentons à détourner sur le prochain la peinture des vices qui sont représentés dans les Comédies ; qu’enfin tout le fruit qu’on en retire, c’est d’apprendre le secret d’être vicieux, sans passer pour ridicule.