On opposera vainement que non seulement un Ecclésiastique mais même un simple particulier ne peut jamais assister au spectacle parce que le vice au Théâtre est toujours en opposition avec la vertu et que l’image du vice est toujours scandaleuse ; je réponds à cela qu’il faudrait donc bannir de l’éloquence sacrée ces peintures énergiques et frappantes du crime qui semblent le mettre sous les yeux des Auditeurs, dont on veut que l’imagination soit puissamment affectée par les images oratoires. […] Or la scène s’est purgée des reproches qui l’avaient fait condamner, il est donc permis d’y monter et je ne sais si je ne puis pas à mon tour reprocher un scrupule indiscret, un orgueil très peu chrétien ou même de l’inhumanité à ceux qui par leurs décisions particulières, donnent aux décrets de l’Eglise une extension qu’ils n’ont pas. […] J’ai prouvé qu’elle était utile et même nécessaire, et si selon quelques particuliers la Comédie est condamnable et qu’ils exigent qu’on s’en rapporte à leur décision particulière, ne peut-on pas leur opposer d’autres décisions particulières qui l’approuvent et qui par conséquent infirment les leurs, ou du moins autorisent à ne pas s’y soumettre sans examen ? […] Il me suffit qu’elle ne scandalise pas et qu’elle sait à cet égard au niveau de toutes les professions : il en est de beaucoup plus utiles, il en est dont l’objet est sacré, tous ceux qui sont à portée d’exercer celles-ci, qui en ont la capacité, pechéraient selon moi mortellement, puisqu’ils n’useraient pas des dons de la Providence, ils manqueraient tout à la fois à la reconnaissance envers Dieu et à la charité envers le Prochain, en ne faisant pas le mieux dont ils sont capables ; mais un particulier comme moi, qui n’a pas lieu de prétendre à ce degré sublime d’utilité, et de capacité, un honnête homme indigent sans autres ressources que ses talents appuyés de quelque éducation, n’a-t-il pas raison de préférer le bien qu’il peut faire au mal qu’il était contraint de faire essuyer à tout le monde et très souvent contre sa conscience.
Car souvent le discours s’adresse tellement à des particuliers, qu’il regarde en même temps tout le monde. […] De même quand parlant des spectacles, il les appelle du nom d’assemblée des impies : il passe du général au particulier. […] Parmi ces jeux arbitraires on peut compter encore ceux que les particuliers célèbrent à l’honneur de leur parents défunts : comme pour s’acquitter d’un devoir de piété envers eux ; coutume ancienne. […] Il y a d’autres semblables courses consacrées à Neptune, que les Grecs appellent d’un nom particulier ἵππιος le cavalier. […] Mais voici ce que le théâtre a de particulier, et ce qui le distingue du cirque : voyons d’abord combien le lieu en est infâme.
Lisez et relisez l’Ecriture, vous n’y trouverez point de précepte formel et particulier contre la Comédie. […] Qu’y a-t’il de plus propre et de plus particulier à la Comédie, qui ne consiste qu’en des paroles et en des actions risibles et ingénieuses qui font plaisir et qui délassent l’esprit ? […] On en trouve des Homélies tout entières dans saint Chrysostome : on en voit un détail particulier dans le Pédagogue de saint Clément d’Alexandrie Clément d’Alexandrie, Le peédagogue, livre 2 et 3. […] On défend bien de lire la Bible en langue vulgaire, de peur que toute sainte qu’elle est, elle ne soit une occasion de scandale à quelques particuliers : à plus forte raison devrait-on pb n="49"/>interdire la Comédie, puisqu’elle cause des effets si dangereux sur quelques-uns, quand même ce ne serait que par accident. […] Ce n’est point mon sentiment ni ma doctrine particulière ; mais la doctrine« Doctrina mea non est mea. » et le sentiment des Saints Pères, que j’ai lus et relus, et dont j’ai tiré ce qu’il pouvait y avoir de favorable ou de contraire aux Spectacles.
Chaque chanson avoit son ton particulier qui exprimoit les sentimens de l’ame. […] Chaque famille, chaque particulier avoit son idole. […] Il n’est pas nécessaire d’avertir que Paris, le théatre & les Actrices sont l’original de ce portrait fidèle, Les Persans ont un esprit vif, un penchant enjoué ; ils aiment la poësie pour laquelle ils ont un genie particulier, & sont naturellement Acteurs. Ils se plaisent & réussissent à représenter des drames à leur maniere sur des théatres particuliers qu’ils dressent promptement, & sans beaucoup d’appareil, dans leurs maisons. […] Il peut y avoir quelque chose de vrai dans ces réflexions ; mais il il n’y a rien de particulier pour les gens enjoués, plus que pour les autres : peut être même en ont ils moins besoin que les gens sérieux.
Enfin on se rend à des salles (les foyers) où l’on joue une comédie particulière. […] devrait-on souffrir qu’ils montent sur le théâtre pendant le pièce, se mêlent avec les Acteurs, se croient tout permis, causent souvent bien du désordre, et présentent au parterre le spectacle d’un Magistrat Comédien, qu’ils aient dans leurs maisons des théâtres particuliers, qu’ils y jouent des comédies, où il serait difficile de décider quel est le plus comique, du rôle qu’ils jouent, ou de leur position sur la scène ? […] Toutes ces décisions peu honorables au spectacle sont moins utiles en France, parce que le Prince le tolérant par des raisons particulières, les Magistrats ne peuvent l’abolir.
Les Magistrats étaient séparés du Peuple, & le lieu qu’ils occupaient, s’appelait Bouleutikés : les Jeunes-gens y étaient aussi placés dans un endroit particulier, qu’on nommait Ephêbikós ; & les femmes y voyaient le Spectacle, du troisième Portique, où seules elles étaient admises. Il y avait en outre des Places marquées où il n’était pas permis à tout le monde de s’asseoir ; ces Places étaient héréditaires dans les familles, & ne s’accordaient qu’aux Particuliers qui avaient rendu de grands services à l’Etat : les Grecs les nommaient Proedrias (premières Places), parce qu’elles étaient les plus apparentes, & les plus proches de l’Orquestre, La Scène, chez les Grecs & les Romains, se divisait en trois parties : la première & la plus considérable était proprement la Scène : c’était une grande façade de bâtiment, qui s’étendait d’un côté du Théâtre à l’autre, & sur laquelle se plaçaient les Décorations.
Saint Charles Borromée a fait composer un Livre particulier contre la Comédie, où l’Auteur dit que les Comédies sont mauvaises, au moins à cause des circonstances qui les accompagnent, et de leurs effets ; c’est pour cela qu’elles sont défendues. […] Il y a des Rituels particuliers, qui excommunient ceux qui assistent aux Spectacles les jours de Fêtes et de Dimanches, pendant le Service divin ; c’est ce qu’on publie au Prône de tous les Dimanches, dans toutes les Paroisses de Paris, pour faire souvenir les peuples, que c’est encore un plus grand péché d’assister aux Spectacles les jours de Fêtes, pendant le Service divin.