Pourquoi ce sang répandu sur la croix pour nos péchés, si la satisfaction de nos besoins physiques, si nos fonctions intellectuelles, si l’entraînement des passions qui constituent notre être peuvent à chaque instant nous faire tomber dans le péché, et nous précipiter dans l’abîme ?… Pourquoi Jésus, s’il ne s’était chargé de nos péchés, aurait-il dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, et je vous soulagerai » ?
. « Si quelqu’un entretenait des Comédiens qui jouassent d’une manière scandaleuse et illicite, je ne doute point qu’il ne péchât comme s’il les entretenait dans le péché ». […] Premièrement, « il s’en est informé à des personnes lesquelles avec l’horreur qu’elles ont du péché, ne laissent pas d’assister aux Spectacles. […] » C’est apparemment une horreur qui ne les rend pas fort délicats : c’est même une horreur merveilleuse ; car elle fait ce qu’on n’aurait jamais pensé, elle rend compatible la crainte du péché avec une volonté constante et positive de contenter ses sens.
Avouez donc, Monsieur, que vous avez péché vous-même contre les régles de critique que vous avez établies ; avouez, que votre jugement a été trop précipité ; avouez enfin que, quand même un Théologien de Genève vous auroit donné dans ses écrits l’occasion la plus forte pour le soupçonner de Socinianisme, vous ne seriez pas plus en droit d’imputer ce sentiment à tout le corps des Pasteurs, que ne seroit ce même corps à soutenir que la doctrine des Escobars & des Busembaums est celle de l’Eglise Catholique.
L’Ange des ténébres prévoyant, ajoute ce Saint Pere1, que les cruautés du Cirque devoient bientôt prendre fin, qu’on se lasseroit du combat des Gladiateurs, a inventé un nouveau genre de Spectacles non moins à craindre ; on n’attente plus aujourd’hui sur le Théâtre à la vie naturelle de l’homme, c’est à la vie de l’ame que l’on en veut ; les Auteurs dramatiques s’en prennent à l’innocence des mœurs, ils jettent dans tous les quartiers d’une grande Ville des semences de péché qui germent, poussent des racines, multiplient leurs branches, & dont les fruits causeront bientôt une corruption générale.
Ce grand Théologien se fait cette objection : « Si l’excès dans le jeu est un péché, les Histrions, dont toute la vie se rapporte au jeu, seront donc dans un état de péché ; & il faudra (remarquez la conséquence) condamner de même ceux qui se servent de leur ministere, ou qui leur donnent quelque secours. […] Il décide que le divertissement étant quelquefois nécessaire, il n’est pas défendu qu’il y ait des hommes qui puissent nous divertir en jouant de quelque instrument, ou en nous récitant divers contes agréables ; & qu’ainsi ils ne peuvent être en état de péché : mais voici les conditions : « Pourvu, dit-il, qu’ils ne disent & ne fassent rien d’illicite ; que le jeu soit modéré ; qu’il ne dérange pas les affaires, & qu’il ne se rencontre point dans des temps défendus137 ». […] Il compare ces divertissemens aux champignons, dont les meilleurs ne sont pas salubres. « Toutes ces assemblées, dit-il, attirent ordinairement les vices & les péchés qui regnent en une Ville, les jalousies, les bouffonneries, les railleries, les querelles, les folles amours, parce que leur appareil, leur tumulte, & la liberté qui y dominent, échauffent l’imagination, agitent les sens & occupent le cœur au plaisir. […] C’est pourquoi l’on ne doit jamais se les permettre, dans la nécessité même, qu’avec de grandes précautions, & sans avoir ensuite recours à quelques considérations saintes & fort vives, qui préviennent les dangereuses impressions que les plaisirs pourroient faire sur l’esprit ; & voici celles que je vous conseille : En même temps que vous étiez à ces divertissemens, que je suppose avoir été bien réglés dans toutes leurs circonstances pour la bonne intention, pour la modestie, pour la dignité & la bienséance, pensez, dis-je, qu’en même temps que vous y étiez, plusieurs ames brûloient dans l’enfer pour des péchés commis dans ces divertissemens, ou par leurs mauvaises suites. […] D’ailleurs notre Religion nous représente cette action de désespoir, comme le plus grand & le plus funeste des péchés qu’un Chrétien puisse commettre.
Cependant ils murmurent par un secret dépit de voir qu’ils n’ont part qu’à la malédiction du péché, et qu’ils n’en recueillent point le fruit. […] Il semble qu’ils soient en communauté de péchés, et qu’en faisant le procès au premier qui se présente, on le fait à tous.
Germain parla de nouveau ; il prouva à la Reine que ce divertissement était un péché mortel, et lui rapporta son avis, signé de sept Docteurs de Sorbonne qui étaient de son sentiment. […] Quant à ce qu’on leur fait dire que le Prince n’a pas le même Evangile à suivre que les particuliers, que l’Eglise d’aujourd’hui n’est pas aussi sévère que celle des premiers siècles sur la condamnation du vice et les occasions du péché, c’est une morale de courtisan que la Sorbonne n’a jamais enseignée et autorisée par ses décisions.