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3. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « III. Si la comédie d’aujourd’hui est aussi honnête que le prétend l’auteur de la Dissertation. » pp. 5-9

La première chose que j’y reprends, c’est qu’un homme qui se dit Prêtre ait pu avancer, que la comédie, telle qu’« elle est aujourd’hui », n’a rien de contraire aux bonnes mœurs, et qu’elle est même si « épurée à l’heure qu’il est sur le théâtre français, qu’il n’y a rien que l’oreille la plus chaste ne pût entendre »Pag. 38. 40. […] Il faudra donc que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière, ou qu’on ne veuille pas ranger parmi les pièces d’aujourd’hui, celles d’un auteur qui a expiré pour ainsi dire à nos yeux, et qui remplit encore à présent tous les théâtres des équivoques les plus grossières, dont on ait jamais infecté les oreilles des Chrétiens. […] Si Lulli a excellé dans son art, il a dû proportionner, comme il a fait, les accents de ses chanteurs et de ses chanteuses à leurs récits et à leurs vers : et ses airs tant répétés dans le monde, ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant les plus agréables et les plus vives qu’on peut par le charme d’une musique, qui ne demeure si facilement imprimée dans la mémoire, qu’à cause qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur.

4. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre IV. Si la Musique Française est plus agréable que la Musique Italienne. » pp. 287-291

Les oreilles sont enchantées par la mélodie qui règne dans les compositions de plusieurs Musiciens Français, sans qu’elles soient dirigées par les règles de la musique. […] L’oreille se lasse enfin d’une mélodie trop continue ; trois heures de chant la fatiguent & l’éxcèdent. […] Les Auteurs du Spectacle moderne craindraient d’ennuier à force de charmer les oreilles par des sons harmonieux ; ils leurs ménagent des repos ; l’âme enchantée par une mélodie agréable a le tems de respirer.

5. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE VIII. Sentimens de S. Chrisostome. » pp. 180-195

n’êtes vous pas saisi d’horreur & de crainte de regarder le Saint des Saints des mêmes yeux dont vous venez de voir le crime, d’entendre des mêmes oreilles les infamies de la scène & les divines Ecritures, & de recevoir l’hostie adorable dans le même cœur qui vient de boire à longs traits un poison mortel ? […] De même que les ordures souillent & bouchent les oreilles du corps, les discours, les chansons, les vers licentieux souillent & bouchent celles de l’ame. […] Vous courez en foule au théatre, comme vous iriez à l’entrée de quelque Ambassadeur ou de quelque Général d’armée, pour remplir vos cœurs & vos oreilles d’infamie. […] Quand vous entendez des blasphemes, vous en frémissez, vous bouchez vos oreilles, parce que vous n’aimez pas le blasphème. […] Vous portez du théatre dans vos maisons ces ordures empestées dont par les yeux & les oreilles vous avez rempli vos ames, & qui s’y sont comme établies.

6. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques. » pp. 52-57

C’est-à-dire, Toutes les choses où se trouvent les attraits des yeux et des oreilles, par où l’on croit que la vigueur de l’âme puisse être amollie, comme on le peut ressentir dans certaines sortes de musique et autres choses semblables, doivent être évitées par les ministres de Dieu : parce que par tous ces attraits des oreilles et des yeux, une multitude de vices, turba vitiorum, a coutume d’entrer dans l’âme.  » Ce canon ne suppose pas dans les spectacles qu’il blâme, des discours ou des actions licencieuses, ni aucune incontinence marquée : il s’attache seulement à ce qui accompagne naturellement « ces attraits, ces plaisirs des yeux et des oreilles : oculorum et aurium illecebras » ; qui est une mollesse dans les chants, et je ne sais quoi pour les yeux qui affaiblit insensiblement la vigueur de l’âme.

7. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De la Musique Française & Italienne. » pp. 252-286

La langue des Italiens offre toujours à l’oreille les mêmes terminaisons. […] On se rebute enfin de n’entendre sonner à ses oreilles que les finales i, o, a. […] Leur e, i, o, ou, détruisent l’harmonie, parce que l’oreille délicate ne saurait entendre long-tems des terminaisons trop fréquentes, sans être rebutée. […] Chaque membre de nos périodes, en contentant l’esprit, charme l’oreille par les diverses infléxions & consonnances qu’il lui fait entendre. […] Je m’en rapporte à tous ceux dont l’oreille est tant soit peu délicate.

8. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIII. L’Opéra est le plus dangereux de tous les spectacles. » pp. 111-117

Le caractère de l’opéra, dit La Bruyèreaw, est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal enchantement. […] Comme on met dans les opéras bouffons, dans les comédies à ariettes l’indécence en action ; comme tout conspire à faire perdre la pudeur, d’abord par le sujet qui est contre la décence, ensuite par l’intrigue et l’action qui forment des images séduisantes, par des détails qui respirent la passion même ; comme enfin tout peint et célèbre la volupté, ou la fait pénétrer par les yeux et par les oreilles jusque dans le fond de l’âme ; l’harmonie d’une musique voluptueuse achève de porter l’ivresse dans les sens des spectateurs. […] Et ces airs tant répétés dans le monde ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant plus agréables et plus vives par les charmes d’une musique, qui ne demeure si facilement imprimée dans la mémoire que parce qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur.

9. (1590) De l’institution de la république « QUATORZIEME TITRE. Du Théâtre et Scène. » pp. 507-508

Car afin que la voix des joueurs se pût dilater et épandre, et être ouïe clairement, il fut premièrement nécessaire, que l’Architecte ayant égard tant à la raison de la Musique, qu’à la dimension de Géométrie, il choisît un lieu propre, afin que de l’échafaud la voix pût distinctement et harmonieusement parvenir jusques aux oreilles des spectateurs. […] Car la voix étant enfoncée en une partie, demeurait quelque peu de temps, avant que elle fût épandue parmi l’air, comme étant retenue du larmier des murailles : et par ainsi parvenait plus doucement aux oreilles des écoutants, et plus clairement, et était beaucoup mieux entendue.

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