Il ne faut pas épuiser un sujet, quand on en a mis plusieurs sous les yeux.
Les spectacles sont pour eux des écoles de vice, des lieux privilégiés destinés à irriter leurs passions, des écueils où leur innocence, attaquée par leurs yeux, par leurs oreilles, séduite par les maximes d’une morale lubrique et par des danses lascives, s’expose à des naufrages continuels.
A-t-on jamais regardé de plus mauvais œil un honnête homme pour en avoir tué un autre ? […] Un Peintre à portrait crayonne l’objet qu’il a devant les yeux : un amateur qui voit le portrait ressemblant, s’en amuse & loue le peintre. […] Il est revenu en cette capitale, où il opérera des merveilles que l’esprit ne comprendra point, mais qui n’en seront pas moins admirables pour tous ceux qui les considereront avec les yeux de la foi.
Elles portent ordinairement à toutes sortes d’impuretés ; l’habitude de les voir entraîne à la licence, les yeux et les oreilles des gens sages les ont toujours redoutées : « Comœdiarum argumenta adulteria et stupra commendant, spectandi consuetudo imitandi licentiam facit, aures oculosque gravissimorum virorum formidant. » La réflexion et les bonnes mœurs les ont fait bannir de l’Italie : « Ex Italia explosæ severitate morum et religionis sanctitate. » Leur retour depuis ce temps-là et leur vogue sont-ils l’éloge de la pureté des mœurs Italiennes ? […] Il y a grand péril à divertir le peuple par des plaisirs qui peuvent produire un jour des douleurs publiques, il nous faut bien garder d’accoutumer ses yeux et ses oreilles à des actions qu’il doit ignorer. » L’Académie avait alors fort peu d’Auteurs dramatiques ; aujourd’hui qu’elle en foisonne, je doute qu’elle tînt le même langage. […] Voici la traduction de son passage, faite en 1612 par le Docteur Bellier : « Pour quelle autre raison pensons-nous que les théâtres qui sont par toute la terre, soient remplis tous les jours d’un nombre infini de spectateurs, car ceux qui sont alléchés et amadoués de contes, et ayant laissé à l’abandon leurs yeux et leurs oreilles, s’adonnent et affectionnent à des joueurs de luth, à toute sorte de musique lâche et efféminée (« Lactatoribus et Mimis inhiant propter gestus, motus ac status effeminatos ») : « Recevant chez eux des danseurs et joueurs, à cause qu’ils représentent des mouvements et contenances sensuelles.
Qui doutera, par exemple, que la Comédie ne soit condamnée par la prière que David fait à Dieu dans le Psaume 118. lorsqu’il lui dit : « Détournez mes yeux, Seigneur, et empêchez-les de voir des objets de vanité ? […] Dans ce même Concile Provincial, il y a une défense particulière aux Ecclésiastiques d’assister aux Comédies : et la raison de cette défense peut aussi regarder tous les Chrétiens : « C’est de crainte, dit le Concile, que leurs yeux et leurs oreilles qui sont consacrées au Service divin, ne soient souillées par des actions et des paroles malhonnêtes et badines. » Tous les Chrétiens ne doivent-ils pas appréhender la même chose ? Leurs oreilles et leurs yeux n’ont-ils pas été consacrés dans le Baptême ? […] « J’ai fait encore quelquefois, dit-il, une réflexion qui me paraît assez judicieuse, en jetant les yeux sur les affiches qu’on lit aux coins des rues, où l’on invite toutes sortes de personnes de venir à la Comédie et aux autres Spectacles qui se jouent avec Privilège du Roi. » Un argument en matière de Théologie, tiré des affiches des coins des rues, est sans doute une chose bien rare. […] En vérité, pour raisonner ainsi, il faudrait non seulement avoir fermé les yeux à toutes les règles de l’Eglise, mais avoir même renoncé à la raison et au bon sens : c’est de quoi néanmoins personne n’accusera saint Thomas ; et ainsi ce ne peut être qu’un effet de l’entêtement de notre Docteur, à qui la Comédie plaît beaucoup plus que le Carême.
L’éxemple des Grecs devait plutôt nous faire ouvrir les yeux : c’était toujours parmi eux qu’ils prenaient les actions de leurs Drames. […] Aussi leurs Poètes mettent-ils sur le Théâtre tout ce qui peut le plus frapper les yeux, soit par sa bisarerie, soit par son horreur.
Les ministres des autels qui affichent l’indépendance, qui s’opposent aux volontés du prince, qui cherchent continuellement à empiéter sur les droits des souverains et qui font tous leurs efforts pour usurper sur terre une puissance temporelle et soumettre les gouvernements à l’autorité sacerdotale, non seulement sont rebelles à la parole de Dieu, transmise par le saint apôtre que nous venons de citer ; mais encore ils sont criminels aux yeux du christianisme, en foulant à leurs pieds, avec autant d’audace que d’impiété, les divins préceptes de Jésus-Christ, qui a dit, et j’aime à le répéter : « Mon royaume n’est pas de ce monde…. […] Il prétendra que j’ai voulu exciter la haine contre les bons prêtres, néanmoins si respectables à mes yeux, lorsqu’ils mettent en pratique la charité, cette vertu divine qui est au-dessus de la foi, ainsi que l’a dit saint Paul (voyez ci-dessus page 17).