. — Mademoiselle de F***, élevée dès l’enfance dans le Couvent de C**, n’en était sortie que pour épouser un jeune Conseiller ; soit qu’il eût beaucoup de mérite, ou seulement celui d’être le premier objet capable de la toucher, qui se fût offert à sa vue, on dit qu’elle l’aima éperdûment. […] Sans être une beauté régulière, la *** avait un air de vivacité, un nez voluptueux, des yeux noirs pleins de feu, de belles dents, beaucoup de blancheur, une gorge appétissante, des mains faites pour caresser l’amour, en un mot, elle était en tout point un objet séduisant. […] Ces paroles furent un trait de lumière : le Magistrat reconnut dans sa femme l’Actrice qui venait de le charmer : pénétré de reconnaissance, il sentit à la fois renaître pour elle & ses premiers sentimens de tendresse, & ce goût vif, qu’il venait d’éprouver pour un nouvel objet : son retour fut sincère ; & pour jamais guéri de son inconstance, il eut toujours dans la suite pour sa tendre compagne, l’attachement qu’elle méritait si bien d’inspirer –.
Ces grands et superbes spectacles, donnés sous le ciel, à la face de toute une nation, n’offraient de toutes parts que des combats et des victoires, des prix et des objets capables d’inspirer aux Grecs une ardente émulation, et d’échauffer leurs cœurs de sentiments d’honneur et de gloire. […] « Je demande comment un état dont l’unique objet est de se montrer au public, et, qui pis est, de se montrer pour de l’argent, conviendrait à d’honnêtes femmes, et pourrait compatirl en elles avec la modestie et les bonnes mœurs. […] malgré mille précautions, une femme honnête et sage, exposée au moindre danger, a bien de la peine encore à se conserver un cœur à l’épreuve ; et ces jeunes personnes audacieuses, sans autre éducation qu’un système de coquetterie et des rôles amoureux, dans une parure immodeste, sans cesse entourées d’une jeunesse ardente et téméraire, au milieu des douces voix de l’amour et du plaisir, résisteront à leur âge, à leur cœur, aux objets qui les environnent, aux discours qu’on leur tient, aux occasions toujours renaissantes, et à l’or auquel elles sont d’avance à demi vendues !
Il n’est ni de mon objet ni de ma compétence d’examiner ce systême destructeur ; je me borne à la part qu’y prend le théatre : il y joue son rôle, jamais il n’aima une vie qui lui est si opposée. […] Dans presque tous les hommes l’absence de l’objet aimé, l’impossibilité de le posséder, rallentit les passions les plus vives ; le temps change tout. […] Le cœur humain est incapable d’un attachement éternel, infructueux, sans espérance, & loin de son objet. […] La profanation des objets & du langage de la religion, qu’on a la témérité d’y mêler avec les objets & le langage du vice, ne sert qu’à pallier & augmenter le scandale & le sacrilège.
Les Compagnons de Jésus se sont toujours dits et ont toujours paru les gens du monde les plus occupés, et occupés des objets les plus opposés au théâtre : chaire, confessions, missions, retraites, congrégation, étude, enseignement des hautes sciences, compositions innombrables de livres sérieux, sans compter une infinité de visites et de lettres pour faire la Cour à tous les Grands et entretenir des liaisons avec toute la terre ; un Jésuite n'a pas un moment de loisir. […] Bornons-nous à celui de leurs livres, qui, sans exception est le mieux écrit, et dont l'objet est le plus éloigné de ces idées profanes, l’Histoire du Peuple de Dieu. […] Ces exhortations et ces décisions n'ont donc pour objet que des chimères. […] La compagnie y est mieux choisie, des amis et des parents viennent écouter les jeunes gens ; ce ne sont pas les libertins, attirés par le goût du plaisir et les objets de la débauche. […] « et qu'aujourd'hui le zèle s'irrite si l'on essaie d'introduire avec dignité sur la scène de saints personnages, quelques efforts que l'on fasse pour que leurs sentiments donnent la plus haute idée des objets de la foi, et que leurs actions présentent des exemples de la plus héroïque vertu ?
Par là, il désarma l’autorité des Magistrats, qui ne pouvaient toucher aux temples : objet dans toutes les religions réservé aux seuls Prêtres, et ce n’est peut-être pas une fausse conjecture de dire qu’en punition de cet ouvrage, qui ouvrant une source empoisonnée de toute sorte de débauche, acheva de corrompre les Romains, cet homme si puissant, si célèbre, si grand dans la république, qui en était le soutien et l’oracle, fut vaincu par César, et mourut misérablement en Egypte, où il allait chercher un asile. […] Que Corneille soit un bon tragique ; Molière un bon comique, Pecour un beau danseur, Lully un habile Musicien ; mais l’objet où ils ont excellé est trop petit pour faire de grands hommes.
Thomas, il n’y a rien de si facile que de résoudre les questions morales et les cas de conscience, quand on les considère en la thèse ou selon la théorie, dans leur genre ou dans leur espèce, parce qu’une action morale n’est bonne, mauvaise ou indifférente en son espèce, que par le rapport qu’elle a à son objet, selon qu’il est bon, ou mauvais, ou indifférent ; mais il n’y a rien de si malaisé que de résoudre ces mêmes questions en particulier et en hypothèse, parce qu’une action n’est pas bonne en l’individu seulement par son objet, mais par l’assemblage de toutes les circonstances nécessaires, et qu’il ne faut que l’absence d’une bonne circonstance, ou la rencontre d’une mauvaise, pour rendre vicieuse une action qui de soi serait bonne ou indifférente : Bonum ex integra causa, malum ex quolibet defectu.
Dans ce combat de plusieurs qui prétendent une même chose, les spectateurs prennent le parti qui revient plus à leur jugement, avec des transports qui leur font sentir toutes les douceurs, sans les amertumes des passions, parce qu’ils savent en effet, que ces objets ne sont que des feintes. […] Si la chasteté demande les retraites, les solitudes, les pénitences, comme son élément ; si elle ne gagne ses victoires, que par la fuite des occasions ; si avec tous les secours de la vertu, elle se trouve empêchée de se conserver contre les révoltes intérieures de l’appétit animal, comment peut-elle demeurer entière dans les comédies, où elle est battue par tant de machines, et vaincre dans une presse, où tous les objets des sens et de l’esprit se liguent contre elle ?