La nation des Acteurs & des Actrices peut-elle se contenir ?
On ne sait ce que c’est ; ce sont des spectacles monstrueux, où avec une dépense énorme, une magnificence bizarre, sans dessein & sans goût, on mêloit, entassoit, prodiguoit tout ce qu’on pouvoit imaginer de frappant, de galant, de grotesque, le ciel, la terre, les enfers, les dieux, les démons, les fées, les nations, les êtres moraux, les êtres physiques, les astres, les montagnes, les animaux.
C’est le Démon qui donne aux Comédiens la mission : Allez, leur dit-il, enseignez le vice à toutes les nations, apprenez-leur à faire ce que je vous enseigne et que je vous fais faire à vous-mêmes ; je vous suggérerai ce que vous aurez à dire, et je serai avec vous jusqu’à la fin des siècles.
Leur vrai but, dit-il, leur grand but paraît être uniquement de briller, et de se faire promptement connaître et admirer du public, de se donner en quelque sorte en spectacle à toute une ville, sans se piquer beaucoup du titre de bons citoyens, dont le devoir est de se rendre utiles, et de contribuer au bien commun de la nation. […] En général deux folles passions, capables seules de corrompre toute une nation, lui paraissent être le grand objet de nos Poètes, et en être l’objet bien plus pour les réveiller que pour les éteindre.
Non-seulement elles ne faisaient de mal à personne, mais elles étaient sensibles et bienfaisantes ; elles coulaient en paix et honorablement leurs jours dans la pratique de toutes les vertus sociales ; et, je le répète, elles exerçaient la plus grande et la plus salutaire influence sur les mœurs de la capitale, et même de la nation entière.
Dans un autre endroit, cet Ecrivain trop libre dit plus galamment que décemment à une Sauvagesse, dont il étoit amoureux, & qui selon l’usage de la nation étoit sans habit : A l’égard des parures de toute espece, que les Dames Angloises employent pour relever leur beauté, je vous assure qu’il n’y a point d’homme parmi nous qui ne souhaitât qu’elles ne fussent pas plus parées que vous.
Il va faire incessamment ce magnifique cadeau à la nation des philosophes, & à la République des lettres qui vont l’attendre avec impatience, & l’acheter à grand prix.