Ce qui fait dire au même Saint Augustin que si les mouvements que ces Histrions font en dansant avaient leur signification de la nature, et non pas de l'institution des hommes, il n'eût point été nécessaire au commencement que les Pantomimes sont venus danser à Carthage, que le Héraut du Théâtre eût publié ce qu'ils étaient prêts de représenter, « et nous avons encore , ajoute-il, vieillards qui s'en souviennent fort bien », et ils s'y rendirent s'y rendirent si parfaits, que sous Néron un Pantomime blâmé par DémétriusLucian. […] Mais il ne leur fut donné que par une signification qui comprenait tous les Acteurs des Théâtres, et qui se restreignait toujours aux Scéniques, quand il s'agissait d'en expliquer les qualités, les fonctions ou le mépris que l'on en faisait, comme nous dirons lors qu'il sera nécessaire d'en faire la distinction.
Des gens qui n’ont proprement rien à faire depuis le matin jusqu’au soir, dont la vie est un cercle perpétuel de divertissement auxquels ils n’apportent d’autre interruption que celle qui est nécessaire pour éviter le dégoût, s’ils y tombent et si l’envie les saisit, c’est que nous ne sommes pas faits pour des biens frivoles et que nôtre cœur sera toujours dans l’agitation jusqu’à ce qu’il se repose pleinement en Dieu que son fond réclame sans cesse. […] Y a-t-il à balancer, Chrétiens mes frères, et chercherez-vous encore de vaines excuses et des prétextes déplorables, le meilleur moyen de vous justifier est de fuir cette fournaise de Babylone, de vous éloigner des attraits de l’Egyptienne, et s’il est nécessaire, de quitter plutôt votre manteau, comme fit Joseph, pour vous tirer des mains de cette prostituée, qu’enfin tout ce qui est véritable et honnête, tout ce qui est saint et édifiant, tout ce qui est vertueux et louable dans le règlement des mœurs, soit l’entretien de vos penséesPhil. 4.
Peut-on disconvenir que cette licence effrénée du siècle, cette affreuse corruption de mœurs dans tous les âges, ce dégoût de la piété si universel dans le monde, cette différence, pour ne pas dire, ce mépris de la Religion, réduite presque aux seules bienséances parmi les mondains, ne soient le fruit nécessaire de ces spectacles profanes ? […] Quels sentiments aurait eu Jésus-Christ des fidèles qu’il formait, s’il avait jugé nécessaire de leur interdire par une loi expresse, des plaisirs païens ?
« Le besoin de distraction n’est pas aussi nécessaire à l’homme qu’on se l’imagine communément ; c’est bien moins une loi de la nécessité que le résultat de l’empire de l’habitude et de l’imagination. […] C’est se moquer étrangement que de soutenir qu’il est nécessaire, pour se délasser et se distraire, d’assister à un spectacle de trois heures et de se remplir l’esprit d’extravagances ; ceux qui sentent de semblables besoins doivent considérer cette disposition, non comme l’effet d’une faiblesse naturelle, mais comme un vice de l’habitude, qu’il est instant de corriger en y appliquant le remède d’une occupation sérieuse. […] Un exercice modéré est nécessaire, surtout aux personnes sédentaires ; mais qu’il ne soit pas trop fréquent ni trop long.
» Il est nécessaire qu’on sache que ce Saint Docteur n’entend pas parler des Comédies, telles que les dépeignent les Conciles et les Pères, et telles qu’on les représente encore aujourd’hui, ou comme nous l’avons déjà dit, on ne voit qu’intrigues de mariages, ou d’amourettes et que des paroles équivoques, qui ne tendent qu’à exciter, ou à entretenir les passions les plus déréglées et les plus honteuses. […] Il est donc vrai de dire qu’il ne parle que des seuls jeux de théâtre qui, comme il le dit, sont en quelque manière utiles ou nécessaires au soulagement des peines de la vie, entre lesquels il met les représentations de chasse. […] A moins que ce ne soit peut-être pour une cause nécessaire et importante, telle que le serait celle, où il s’agirait de sauver sa vie, son honneur, ou sa liberté. « Potest tamen hoc fieri sine peccato propter aliquam necessitatem, vel causa se occultandi ab hostibus, vel propter defectum alterius vestimenti, vel propter aliud hujusmodi.
Il n’est pas nécessaire de dire que ce Docteur Espagnol n’étoit pas Docteur de Salamanque, c’étoit un Docteur de théatre. […] il prétend que c’est un mal nécessaire, qu’on les a souffertes pendant quatre cent ans ; qu’elles faisoient corps, étoient imposées aux taxes, avoient leurs Juges & leurs statuts, célébroient une fête, faisoient une procession solemnelle (l’édifiante procession !) […] Celles qui suivoient la Cour (car ces Officieres y sont nécessaires) étoient tenues de faire le lit du Roi des Ribauts, charge considérable qui avoit sur cette matiere juridiction dans la Maison du Roi & dans tout le royaume (l’empire de ce Prince est bien étendu, il a bien des sujets & des sujettes). […] C’est un mal nécessaire, disent les apologistes du théatre ; c’est la seule excuse plausible de la tolérance du Magistrat. […] Les chansons militaires ou grivoises distraisent, dit-il, délassent l’esprit du Soldat au milieu des fatigues, l’amusent dans ses marches, & entretiennent dans le camp une gaieté martiale & nécessaire.
»2 Ces discours eurent telle force, que ce peuple trop crédule eût quitté l’entreprise commencée, si Josué, qui était allé visiter la même terre, aussi bien que les autres, n’eût dit tout le contraire, et n’eût fait voir la facilité de conquérir tout ce pays-là, la douceur de vie, les commodités des fruits, et d’autres choses nécessaires à la vie qui s’y rencontraient. […] 14 A cette suavité et douceur, la tristesse est opposée, et par conséquent au moyen nécessaire du salut : c’est pourquoi il a été bien nécessaire, que le saint Esprit, qui a inspiré ce qui est écrit en l'Ecriture sainte, nous exhortât tant de fois à ne bailler en nos cœurs aucune entrée à la tristesse ; que si parfois elle y entre, de la mettre incontinent dehors. […] Lors qu’on joue en un temps destiné et ordonné pour une autre occupation, par exemple, le matin avant que d’avoir prié Dieu, ou au temps qu’il faut ouïr la Messe : lorsqu’un Juge doit aller écouter les parties, et faire justice à ceux qui l’en requièrent ; ou qu’un Conseiller doit se trouver au Parlement, avec ses Collègues ; le soir quand il faut faire son examen, ou autres prières : Bref, quand le jeu empêche une occupation plus nécessaire, soit pour nous, soit pour notre prochain ; et certes s’il est loisible de quitter l’Oraison et la Messe, pour une œuvre de charité, qui ne peut être différée ; combien plus sera on obligé de quitter le jeu. […] Soyez plus sage que ceux-ci, âme Chrétienne, jouez rarement ; car Dieu vous a mis au monde pour travailler, pour vous bien occuper, et pour vaquer à des actions dignes d’un homme, dignes de l’éternité ; vous êtes ici au lieu de pénitence, et des larmes : Si faire se pouvait, vous devriez vous priver çà-bas de toute sorte de jeu, tant pour acquérir là-haut les récréations divines, comme pour satisfaire à Dieu, pour les péchés qui vous ont privé de joies du Ciel, et vous ont engagé aux supplices d’un enfer : mais puisque Dieu condescendant à votre faiblesse, veut que vous vous recréiez, et jouiez ; n’abusez pas de ce congé, ménagez le bien, ayez le temps propre à cela qui ne soit pas nécessaire pour quelque autre occupation meilleure, comme est le temps après le repas, ou après un long travail d’esprit, ou de corps.