Les Muses formeront un chœurb de musique qui lui répondra. […] Or on ne voit pas, mes Pères, comment peuvent revenir à cela, ni des vers chantés à sa louange, ni des Muses qui y répondent en musique, ni Apollon dansant au milieu d’elles . Il faudrait pour y trouver quelque rapport, que la profonde science de votre Héros, se réduisit à bien savoir la musique, à faire des vers, et à bien danser.
Opéra chez les Italiens est ordinairement une pièce en Musique ; c’est aussi une Comédie composée avec soin, & apprise entierement par cœur. […] Sa Musique est vive brillante, enjouée. […] Il résulte de tout ceci qu’Opéra-Bouffon veut dire un Spectacle de choses communes, de pures frivolités ; une éspèce de Drame où l’esprit ne se montre guères, où l’oreille seule est enchantée par les sons de la Musique ; & enfin un lieu dans lequel s’assemblent en foule des Spectateurs plus avides de nouveautès passagères que du sublime & du vrai beau ; & plus curieux d’images basses & populaires que d’un Tableau noble & d’une vaste étendue. »** Quoique St Evremont n’en ait point voulu parler, il semble pourtant le définir assez, tel qu’il parait au prémier coup-d’œil, dans ce qu’il écrit au sujet de l’Opéra Sérieux. « L’Opéra, dit-il, est un assemblage bisare de Musique, où le Poète & le Musicien se gênent l’un & l’autre… L’Opéra occupe plus les yeux que l’esprit… les Opéras sont des sotises magnifiques, chargées de Musique, de machines, de décorations, mais toujours une sotise. » Le Lecteur est maintenant en état d’entendre ce que signifie Opéra-Bouffon.
Je repondrai sans peine à notre malin Critique, à cet homme insensible aux attraits de la Musique & du beau simple. […] Doit-on craindre que la mode de la Musique enjouée, dure aussi peu que celle de la parure, & que la réputation de bien des Auteurs ? […] Le sublime Voltaire, tant applaudi & tant critiqué, fut toujours partisan de la Musique ; malgré tous ses lauriers, il brigua l’honneur de joindre ses talens à ceux de Rameau. […] La Musique seule l’anime, dès qu’il en est dénué, il languit, il tombe, & semble un corps sans ame. […] La Musique attire une si grande foule de curieux, dira-t-on, & non pas la simple envie de contempler des artisans.
La Musique est une belle chose, j’en conviens ; mais nous sommes peu faits pour elle ; & tant mieux : cette grande sensibilité pour de beaux airs, marque un Peuple faible & voluptueux. Autre chose sera si vous accomodez une Musique mâle sur de belles paroles : peut être alors un homme pourrait sans indecence se laisser aller au charme de l’harmonie. […] c’est un crime de lèze-virilité que de les goûter : une pareille Musique est la corruption des mœurs : c’est elle qui remplit la tête de nos femmes de falaises, & qui fait qu’elles sont disposées à tout, hors à être femmes de bien. Si je veux entendre de beaux sons vides de sens, supérieurs à la Musique Italienne & Française, plus expressifs que les modes Phrygien, Dorien, Ionien, Mixo-Lydien, Hypo-Eolien, &c. […] Quoique la première de ces deux Pièces soit assez vide, & que la seconde fourmille d’invraisemblances, l’honnêteté qui y règne, la belle Musique, le Jeu d’un excellent Acteur, & le chant des autres, en ont assuré le succès.
Ainsi tomberent les murailles de cette Ville, si amoureuse de la Musique. […] La corruption des mœurs d’Athenes, si l’on en croit les Philosophes de cette Ville, fut causée par celle de la Musique, à laquelle le Théâtre avoit fait perdre son ancienne simplicité. […] Dans le traité de Plutarque sur la Musique, on trouve le fragment d’une Comédie, où la Musique toute déchirée de coups, répondant à celui qui lui demande quels ont été ses bourreaux, en nomme plusieurs. […] Toucher aux loix de la Musique, selon lui, c’est toucher à celles du Gouvernement. […] Tout dégéneroit, Poësie, Eloquence, Musique, & même Déclamation.
Le Spectacle-Satyrique, rempli d’une Musique vive, enjouée, achéve de nous assurer que notre Opéra ne fut point ignoré des Anciens. Les Mimes ont aussi beaucoup de rapport avec lui ; c’étaient de petits Poémes éxtrêmement gais, dont l’action peu importante marchait très rapidement ; ils étaient mêlés de Musique, comme les Drames ordinaires. […] Nous avons lieu de soupçonner que la Musique & l’Opéra-Bouffon eurent en Grece un brillant succès. […] Or, cette Musique avait quelque chose de burlesque, donc elle est une preuve que l’Opéra-Bouffon avait déja pris naissance.
Sur cette Question aussi bien que sur la Musique des Anciens, on peut r’assembler un grand nombre de passages de leurs Ecrits, sans être plus instruit, 1°. […] Après un Spectacle tout en Musique, quelque Tragique qu’en ait été le Sujet, après un Opéra, a-t-on besoin d’un pareil reméde ? […] Les Romains qui n’eurent jamais pour la Musique la même Passion que les Grecs, eurent enfin comme eux, une grande attention à l’harmonie de leur Langue. […] Le Choricum étoit la Musique du Chœur, qui commençoit avant la Piéce, par une ouverture. […] La Musique faite pour une Piéce, portoit le nom de la Piéce, ainsi que la Danse de cette Piéce, la Musique & la Danse étant faites pour cette Piéce.