/ 258
33. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre VIII. Erreurs des Modernes sur ce sujet. » pp. 165-186

Erreurs des Modernes sur ce sujet. Cette différence entre les Histrions ou Bateleurs, et les représentateurs des Poèmes Dramatiques a été si peu connue des Modernes, que depuis plusieurs siècles les plus doctes Ecrivains s'y sont lourdement trompés ; car ils ont attribué tous les défauts des Mimes et Bateleurs scéniques, aux Comédiens et Tragédiens ; ils en ont confondu les noms, l'exercice, le mérite, les qualités, la réputation, et généralement toutes choses ; et je me suis cent fois étonné qu'une infinité de savants critiques se soient laissés fasciner les yeux, sans discerner combien ces différents Acteurs ont été distingués parmi les Anciens. […] Un Moderne en a fait une autre aussi grossière, et qui ne peut trouver d'Apologie, bien qu'elle soit dans une Apologie du Théâtre ; Il veut prouver que les Acteurs de l'ancien Théâtre étaient honnêtes gens, et que leur vie n'était point licencieuse comme on se l'imagine ; et sans distinguer les Jeux Scéniques des représentations du Poème Dramatique, ni les Mimes des Acteurs de la Comédie et Tragédie, il dit sur les paroles du grand Pline très mal entendues, que Luceïa et Galéria, donc il fait par une insigne bévue deux excellentes Comédiennes, s'étaient trouvées capables de monter sur le Théâtre ; la première durant cent ans, et l'autre à la cent quatrième année de son âge qu'elle y fut remise comme une merveille ; et posant pour maxime indubitable que la voix ne se peut jamais conserver dans la débauche, il conclut que ces prétendues Comédiennes, ayant conservé la leur si longtemps, avaient été fort honnêtes femmes, et ensuite que toutes les autres leur ressemblaient. […] Je pourrais donner beaucoup d'autres semblables observations que j'ai faites sur les Modernes ; mais il me suffit de m'arrêter à celles qui concernent de plus près notre sujet.

34. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE III. Réflexions sur le renouvellement du Théâtre. » pp. 36-41

L’amour de Théâtre des Anciens était scandaleux, et les Modernes ont bien fait de le proscrire ; mais le prétendu amour honnête, que les Modernes ont introduit, ne mérite pas plus de grace ; parce que, tel qu’il est, non seulement il ne peut jamais corriger, mais il sera toujours très pernicieux et de mauvais exemple, malgré le verni d’honnêteté dont on veut le couvrir.

35. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre III. De l’Unité de lieu, de Tems & de Personne. » pp. 211-238

Aucun Moderne n’oserait s’en dispenser. […] D’habiles modernes commencent à croire que cette importante partie du Drame est encore loin de la perfection. […] Selon moi, cette règle adoptée répandrait de grandes beautés dans les Pièces modernes. […] Les nouveaux Poèmes du Spectacle moderne contredisent autant la règle dont je parle que les Anciens. […] Les Anciens ni les Modernes n’en ont jamais eu l’idée.

36. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre II. Du Théâtre Moderne, & de celui des François. Celui-ci comparé au Théâtre Grec. » pp. 25-38

Du Théâtre Moderne, & de celui des François. […] Le Christianisme qui avoit inspiré une juste horreur des combats des gladiateurs, & des bêtes féroces, a en vain proscrit les Spectacles modernes, comme une école d’indécence, & un aliment trop dangereux des passions. […] La France lui déféra le titre de grand que l’Auguste moderne partagea dans la suite avec lui.

37. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VII. De la Vraisemblance. » pp. 277-286

Le Spectacle moderne s’écarte souvent de la Vraisemblance. […] Or, quel doit être la surprise des Spectateurs, chaque fois qu’on la représente, de voir arriver Mercure, de n’entendre parler que de Jupiter, tandis que l’action parait être moderne, & que les habits, les discours même des Acteurs, servent à nous en convaincre ? […] Il est clair que l’action est tout-à-fait modernes ; ainsi l’on fait agir Mercure, Jupiter, dans un tems où l’on ne connait que la Religion Chrétienne, que le culte du vrai Dieu : il est aussi comique d’avoir fait une telle faute, que si l’on fesait paraître un des Saints de la Légende au grand Aléxandre, ou bien à un des anciens Rois de Perses.

38. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre V. De la Parodie. » pp. 78-89

IL y a deux sortes de Parodies dramatiques, l’une où les Acteurs parlent tout simplement, & l’autre qui se chante : cette dernière, de beaucoup plus ancienne, appartient de droit au Spectacle moderne par sa nature & par son genre. […] En général, les Peuples modernes de l’Europe se sont trompés dans la façon dont ils ont conçus la Parodie. […] Cependant comme on lui préfère les Ariettes, je dois conseiller d’en orner les Parodies modernes, si l’on a dèssein qu’elles attirent des Spectateurs.

39. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre prémier. Le sujet. » pp. 160-182

Je lui conseille, encore une fois, de rejetter tout sujet un peu relevé, qui demande du travail de la part du Poète, & de l’attention de la part du Spectateur ; le Spectacle moderne n’en est point susceptible ; on l’avouera sans peine si l’on connait bien son genre & sa nature ; il semble dire ce Vers à tous les Auteurs dont il enflamme le génie : N’offrez point un sujet d’incidens trop chargé. […] Les Drames modernes ne sont pas aisés à inventer. […] Les jeunes Poètes qui se consacrent au Théâtre moderne ont peut-être certaine peine à rencontrer des Sujets. […] Ses amateurs meurent insensiblement, il ne restera plus que ceux du Spectacle moderne, & sa ruine totale s’ensuivra. […] « Lorsque l’on fait des jeux, il faut les faire en jouant, & les accompagner d’une grace naive & simple, non pas d’un appareil de grand éclat. » Scaliger encourage les Poètes du Théâtre moderne à être simples : « En un mot, dit-il, les petits sujets entre les mains d’un Poète ingénieux ne sauraient mal réussir16. » D’Aubignac dit encore la même chose : « Il faut remarquer aussi que le Poète doit toujours rendre son action la plus simple qu’il lui sera possible17. » En voilà assez pour éxcuser notre Opéra.

/ 258