Un enfant ne prendrait pas plaisir dans la représentation de la mort de son père, un père dans la représentation de la mort de son fils, ni une femme dans la représentation de celle son mari. Un mari ne se divertirait pas à voir jouer les amours de sa femme, ni un père à voir jouer les débauches de sa fille, etc. au contraire on fait ce que l’on peut pour s’ôter de la mémoire les spectacles qui nous affligent.
Non possunt uxores accusare de adulterio cum videantur in delicto permissive assentiri. » C’est apparemment ce qui fit garder le silence à Molière, aussi mécontent de sa femme que tous les maris qu’il avait joués. […] Combien de fois dans les innombrables intrigues des femmes ou des maris infidèles qu’on met tous les jours sur le théâtre, les Acteurs et les Actrices composent ou jouent d’original ! […] Les donations entre mari et femme sont défendues ; on a craint une mutuelle séduction, et que le plus avide et le plus artificieux ne dépouillât l’autre. […] Elle se réconcilia avec Monchindre Paphetin, revint triomphante sur la scène, et fit passer son mari du grade de Moucheur de chandelles à la haute dignité d’Acteur, qu’il remplit assez mal. […] Ce mariage fut absolument inconnu à sa famille, jusqu’à ce que quatre ans après la mort du mari, la veuve se déclara, et demanda la succession du père, que les collatéraux s’étaient partagée.
Elle étoit françoise, & inspiroit ce goût à son mari : goût bien différent de celui du savant Jacques I. […] Le Mari Sylphe est une farce en prose, en deux actes, mêlée d’ariettes & de chansons. […] C’est une femme qui n’aime point son mari, quoiqu’elle l’estime & vive décemment : mais elle aime un Sylphe, à qui elle rêve nuit & jour, à qui elle dit & de qui elle croit entendre mille douceurs. Le mari, qui en est éperduement amoureux, qui voudroit voir en elle des transports, c’est-à-dire, les folies des actrices, est au désespoir de la trouver si froide à son goût. […] Sa femme donne dans le piége, &, sous le nom du prétendu sylphe, aime & caresse son mari.
Vous qui savez si bien réunir dans une même personne deux caractères si opposés, comment n’avez-vous pas senti que Joseph rapporte cet amour vivement, mais simplement, pour ne pas déroger à son caractère d’Historien ; au lieu que si Joseph avec tout l’artifice que fournit cet art, où vous vous êtes rendu si célèbre ; s’il venait, dis-je, avec toutes les richesses de la Poésie peindre les transports d’un mari passionné pour sa femme, quoique cette maladie ne règne guère en France, je ne doute pas qu’il n’y eût des maris assez sensibles pour s’attendrir à cette chaste représentation : la question est de savoir si le fruit en reviendrait à leurs épouses légitimes. […] Vous m’allez demander peut-être qui l’a donc si fort ruiné : je ne crois pas que le Docteur Molière y ait perdu ses soins ; il a par ses belles leçons mis les maris sur un certain pied de commodité, qu’ils sont les premiers à faire les honneurs de leurs femmes, quand elles-mêmes n’ont pas la charité de leur en épargner le soin : voilà peut-être un des endroits où Molière a le mieux réussi, et sur lequel sa morale a fait le plus de progrès ; car je crois que c’est sur Molière que vous voulez faire tomber toutes ces belles œuvres que la Comédie a faites.
Mais l’heure approche où sur un Théâtre bouffon,2 Confident d’un héros et vainqueur d’un griffon, Au mépris de Cothurne Arlequin doit paraître ; C’est là qu’on voit Favarte , maîtresse de son maître, Pour s’en faire épouser contredire un vieillard ; Où déguisant sa voix sous l’habit savoyard, Tête-à-tête au Café le soir à la sourdine, Vis-à-vis son mari surprendre Coralinef . […] Mais tout change ; et je vois trompant leurs surveillants, A l’aide d’un Valet, intriguer deux amants ; Sous le masque des Ris, la fine Dangevilleq , Jouer d’après nature, et la Cour et la Ville ; Tantôt d’un jeune objet servant la passion, Ecarter un témoin qui n’est point de saison ; L’instant d’après, Coquette ou Bourgeoise à la mode, D’un mari tout uni faire un époux commode ; Ou lorgnant un Galant, retirée à l’écart, Pour lui rendre un poulet, minauder avec art ; Soubrette inimitable, adroite, gaie, unie, Pour la peindre en trois mots, rivale de Thalier, Cette immortelle Actrice est seule sans défauts ; Dumesnil a ses jours, et Grandvals des égaux ; Là, j’aperçois Gaussin t, cette charmante Actrice Déguisée en Agnès, d’un air simple et novice, Exprimer ses désirs par sa tendre langueur, Et peindre dans ses yeux les miracles du cœur ; Retrouver dans l’Oracle une mine enfantine, Ou du Comte d’Olban triompher dans Nanineu. […] [NDE] Personnage de la mythologie grecque qui refuse de tuer son mari, allant au contraire de l'ordre de son père.
Ce mari que vous prétendez attirer, ne serait-il pas un grand sot de se laisser ainsi leurrer et jeter dans les filets, à l’appétit d’une contenance bien étudiée et d’une beauté contrefaite ? […] Si vous voulez être bien pourvue, vous devez avoir pour mari un homme d’esprit et de jugement, et il n’y a point d’homme doué de jugement qui ne soit plus aise d’épouser une fille sage, modeste, retenue et retirée, qu’une danseuse, qu’une volage ou éventée, semblable à ces fruits tout flétris qui ont traîné par les rues, et qui ont été exposés à cinquante jours de marché.
Qu’on juge donc si l’argent qu’on leur donne, est bien employé ; si les parents et les maris qui y souffrent leurs enfants et leurs femmes, doivent être bien tranquilles ; si le Magistrat doit les protéger, et souffrir qu’on les étale publiquement sur un théâtre avec toute la pompe et les appas les plus séducteurs ; et si les lois qui ont sévi contre eux de tant de manières, ne sont pas dictées par la sagesse, la religion, le bien public, et la vertu. […] Cette tolérance dans les lieux où elle est établie ne s’étend pas jusqu’à ce qu’elles attrapent par fraude, par surprise, par sédition, ce qui n’est pas rare, le vol fut toujours défendu, même entre pécheurs, ni jusqu’aux femmes mariées, aux Religieuses, aux filles d’une honnête famille, à qui il ne fut jamais permis de quitter leur mari, leurs parents, leur couvent, pour se livrer publiquement au vice, non plus qu’aux personnes assez corrompues pour séduire les autres, crime qui n’a jamais été toléré. […] Les filles de famille, les femmes mariées, qui, contre la volonté de leurs maris ou de leurs parents, auraient la bassesse de se donner à quelque troupe, ce qui heureusement n’arrive guère, n’auraient droit à rien, ces excès n’étant tolérés nulle part. […] Un jour celle-ci se dit mariée, un autre jour elle se fit enlever pour se faire racheter à grands frais des mains du ravisseur ou du mari. […] On se rit des soins inutiles d’un mari jaloux : il a beau se tourmenter toute l’année, un seul bal de l’Opéra détruit toutes ses précautions.