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136. (1774) L’homme du monde éclairé « L’homme du monde éclairé » pp. 150-171

Ajoutons que les pieces qu’on joue à la cour sont ordinairement plus châtiées que celles qu’on joue à la ville ; mais quand même ces pieces ne seroient pas dans les regles de la bienséance, pensons-nous que le prince qui les voit représenter veuille faire une loi de son exemple ? […] Le vice, toujours plus fort que la loi, a su se maintenir contr’elle, &, sans pouvoir jamais la fléchir, a rendu ses coups inutiles. […] Cependant, on fréquente, en Italie comme en France, le théâtre, malgré la loi & la conscience parce que le vice se met presque toujours au-dessus d’elles ; mais on mutile, en Italie, les chantres de l’opéra.

137. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

La critique que j'entreprends aujourd'hui n'est pas de cette nature, elle laisse à la Poétique toute sa juridiction, mais aussi elle lui est beaucoup supérieure, elle a droit de corriger ce qui est même selon les lois les plus étroites, et les plus sévères de cet art. […] La créature y chasse Dieu du cœur de l'homme, pour y dominer à sa place, y recevoir des sacrifices et des adorations, y régler ses mouvements, ses conduites et ses intérêts, et y faire toutes les fonctions de souverain qui n'appartiennent qu'à Dieu, qui veut y régner par la charité, qui est la fin et l'accomplissement de toute la Loi Chrétienne. […] C'est pour cela que l'Ecriture nous apprend que la vie de l'homme sur la terre est un combat continuel, parce qu'il n'a pas plus tôt terrassé un ennemi, que cette défaite en fait naître un autre dans lui-même, et qu'ainsi la victoire n'est pas moins à craindre pour lui que ses pertes ; c'est avec ces armes que la chair fait cette cruelle guerre à l'esprit qui ne peut vivre qu'en mortifiant les passions de la chair : elles appartiennent à cette loi de mort qui s'oppose continuellement à la loi de l'esprit, et c'est pour cela qu'on ne peut être parfait Chrétien, que ce corps de péché ne soit détruit, que l'Homme céleste ne règne, et que le vieil homme ne soit crucifié.

138. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE II [bis]. De la Comédie considerée dans elle-même, et dans sa nature. » pp. 29-54

C’est une erreur tout à fait grossière et ridicule de croire et de vouloir faire croire aux autres que des gens qui ont toujours été et qui sont encore présentement excommuniés par l’Eglise, qui ont toujours été déclarés infâmes par les lois civiles, et qui le sont encore à présent ; que des gens enfin qui ont toujours été et qui sont encore exclus de toutes sortes de charges, d’emplois et d’honneurs civils, et comme bannis de la société des hommes, doivent passer pour d’honnêtes gens, et que leur profession doive être estimée honnête. […] Les Lois civiles bannissent en quelque façon les Comédiens de la société humaine, en les jugeant indignes de toute créance en Justice, et de toutes sortes d’emplois, qui ont besoin de quelque probité, de quelque honneur, et de quelque conscience. La raison qu’on peut apporter d’un traitement qui paraît si dur, dont les lois Ecclésiastiques et civiles usent envers les Comédiens, c’est qu’il n’y a rien de plus indigne, je ne dis pas d’un Chrétien, mais d’un homme tant soit peu raisonnable, que de consacrer son esprit, ses soins, ses peines, et sa vie au divertissement de quelques fainéants, ou de quelques femmes mondaines, sans y être attiré que par l’amour, et par l’espérance d’un gain, peut-être un peu plus grand et plus commode, que n’est celui qu’il pourrait faire dans un métier légitime, honnête, et utile au public. […] Et vous vous augmentez encore aujourd’hui la colère de notre Dieu, en violant la loi qu’il nous a donnée : « Et vos additis iracundiam super Israël violando Sabbathum ? […] D’ailleurs, il n’y a rien de bon dans la Comédie considerée en elle-même, soit par rapport aux Comédiens qui sont excommuniés par l’Eglise, et déclarés infâmes par les Lois civiles, soit par rapport à la fin qu’ils se proposent, ou à la honteuse profanation des Fêtes, des Dimanches et des temps sacrés du Carême et de l’Avent ; soit enfin par rapport aux effets que produit ordinairement la Comédie, et à la perte du temps qu’on y fait.

139. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre V. De ceux qui vont danser avec mauvais dessein. » pp. 26-27

Il est évident que ceux qui vont au Bal, à la Comédie, et aux autres lieux où on danse et où on se divertit avec des désirs déréglés, et avec des dispositions contraires à la Loi de Dieu, se rendent encore coupables de péché mortel : Car si l’intention est criminelle, il faut nécessairement que l’action qui en procède le soit aussi, quelque indifférente qu’elle soit d’elle-même ; comme S.

140. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE II. Anecdotes de Théatre.  » pp. 41-71

Par la loi des 12 tables, Tabl. […] La loi Gabinia avoit confirmé cette défense, qui coitiones clandestinas in urbe conflavit, capitali pænâ mulctetur, & Plutarque en parle au long, & les condamne, parce que la nuit donne plus de liberté, & favorise le vice. […] La loi défendoit aux Sénateurs de se marier avec les femmes de théatre, même avec leurs filles & petites filles, quoi qu’elles n’en fissent pas la profession. […] Quand Justinien fut monté sur le trône, il eut la foiblesse, à la sollicitation de Theodora, d’abroger cette loi, & d’en porter une autre par laquelle il permît aux Sénateurs d’épouser des actrices, pourvu qu’elles se convertissent. […] Par une autre loi plus équitable, quoiqu’opposée à la Jurisprudence Romaine, il donne une hipotheque privilégiée à la femme, sur les biens de son mari, pour la sureté de sa dot, & pour la conserver aux enfans, ce qui s’observe encore ; mais il a la bassesse d’y avouer qu’il l’a portée à la sollicitation des femmes : Assiduis mulierum aditionibus inquietati, L. 8, qui potior. in pignor.

141. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE VII. Histoire des Cas de Conscience. » pp. 159-189

Il fit mourir sa belle mere, son beau-frere, ses trois enfans, ce qui fit dire à l’Empereur Auguste, par allusion à la loi des Juifs, qui défend de manger de la chair de pourceau : Il vaut mieux être le pourceau d’Hérode que son fils. […] Ils avouerent leur dessein, & montrerent d’un visage assuré le poignard qu’ils avoient préparé, & déclarerent hautement que la piété & le bien public les avoit seuls portés à l’entreprendre, pour conserver la loi de leurs peres, que tout homme de bien doit préférer à la vie. […] De quelque maniere qu’on prenne le mot de sceptrum, par une autorité quelconque, & le mot de Juda, pour la tribu de Juda, & pour la nation entiere, qu’Hérode & son pere fissent ou non profession de la loi Judaïque, il est certain qu’ils n’étoient ni de la tribu de Juda ; ni-même Juifs d’origine. […] Car alors il n’y avoit point d’actionnaires ; on ne payoit point à la porte : on ne chargoit point les villes de la dépense, le Prince la faisoit toute, & de si petits princes n’auroient osé braver le goût, l’usage, la loi de la nation, comme avoit fait leur pere. […] Caligula, Claude, Néron, Othon, Vitellius regnerent si peu, ou eurent tant d’autres affaires, qu’on ne pensa plus aux Juifs, que pour les exterminer par les mains de Vespasien & de Tite ; & les Juifs dispersés par toute la terre, ont si bien conservé l’horreur pour le théatre, comme opposé à la loi de Moyse, qu’il leur est défendu d’aller à la comédie, & qu’en effet ils n’y vont point.

142. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE II. L’Impiété du Théâtre Anglais. » pp. 93-168

Mais, si les vérités de l’Evangile n’étonnent point certains esprits, comme j’ai bien lieu de le croire, ne craignent-ils pas du moins la loi qui proscrit en termes formels les jurements sur le Théâtre ? […] Je n’ignore pas que cela est contraire aux lois les plus précises de la Religion ; mais s’il y avait une Cour de Chancellerie dans le Ciel, je serais sûre de gagner mon procès. […] Il est peu de ces dernières citations qui ne soient de vrais blasphèmes, et par conséquent dans le ressort de la loi portée contre les blasphémateurs publics, et reconnus. […] Faut-il encore que nous ajoutions le mépris à l’infraction de ses lois, et l’outrage à l’ingrat oubli de ses bienfaits ? […] C’est un crime, que de violer les lois du Prince ; mais quel outrage n’est-ce pas lui faire que de les tourner en plaisanteries et les mettre en chansons ?

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