Leurs Actrices sont aussi traitables que les autres, leurs conquêtes sont sans nombre ; il faut bien s’accommoder aux temps & aux lieux. […] Ils ont des pieces sacrées qu’ils jouent dans les Eglises, si graves & si modestes, que la sainteté des lieux n’en souffre aucune profanation. […] Il est vrai que pendant la maladie de M. le Dauphin ils firent cesser le spectacle, ce qui n’est pas trop conséquent, & que de leur côté les Acteurs du Concert établi sous la protection de M. l’Evêque, au lieu des scènes d’Armide, de Roland, d’Hypolite, chantèrent le Miserere, sans pourtant prendre la discipline, non plus que nos saints Pénitens. […] Ce qu’on vient de rapporter suffit pour faire sentir combien l’esprit du théatre corrompt les choses les plus saintes, porte l’irréligion & le vice jusque dans le sanctuaire ; dégrade les Ministres qui en prennent le goût, fait mépriser les mysteres, les cérémonies, les exercices pieux, les images, les habits, les lieux, les livres saints, tout ce qui tient au christianisme, dont il est le renversement, & en abuse, pour les tourner contre la religion & la vertu.
« On ne peut pas aimer le peril, & n’y pas périr. » C’est une illusion : car c’est se trop flâter, que de s’imaginer, qu’étant dans un lieu glissant sur le bord d’un precipice on se soûtiendra, lorsque tout ce qui nous environne, nous pousse. […] en tel lieu, où se trouvent des personnes assemblées au nom de Jesus, « tendera ses bras tout puissans pour la soûtenir au milieu d’un cercle, où il y a tant de voluptueux qui l’offensent » ? […] Quant aux viandes qui ont été immolées aux Idoles, nous n’ignorons pas que nous avons… sur ce sujét asséz de science , nous sçavons asséz, qu’elles ne contractent par cette immolation aucune foüillure, qui les rende immondes, & qui en interdise l’usage : mais la science enfle, & la charité édifie : ainsi il ne faut pas écouter seulement nôtre science, & faire tout ce, qu’elle nous assure être permis ; mais il faut encore consulter la charité, & voir ce qu’elle demande de nous… Quant à ce qui est donc de manger des viandes immolées aux Idoles , cela n’est pas mauvais en soi : … ne vous faites donc pas une peine de ne pouvoir user de la liberté que vous avez de manger de tout : Mais prennez garde, que cette liberté, que vous avez, ne soit aux foibles une occasion de chute , comme elle le pourroit être, si vous vous en serviez en leur présence ; car si l’un d’eux en voit un de ceux qui sont plus sçavans & mieux instruits de la liberté que lui donne l’Evangile, assis à table dans un lieu consacréaux Idoles, ne sera-t-il pas porté lui, qui est encore foible, à manger aussi de ces viandes sacrifiées , & ainsi vous perdrez par vôtre science , & par l’usage que vous en faites, vôtre Frere, qui est encore foible, pour qui Jesus-Christ est mort. […] De quelle maniere elle se fera coeffer ; quel habit & quelle garniture elle prendra ; à quoi elle passera la journée ; s’il y a lieu d’esperer de la bonne compagnie.
Il leur construisit un Théatre, au lieu du Tombereau. […] Les Pieces du second caractere étoient moins sérieuses, & tiroient leur nom de taberna, qui signifie un lieu où se rassembloient des personnes de toutes conditions & de tous états. […] Les bienséances les plus communes y sont sacrifiées, des images licencieuses y tiennent lieu d’ornement, & l’on y montre l’obscénité toute nue, ou enveloppée tout au plus du voile transparent de l’équivoque. […] L’usage indiscret & l’estime outrée qu’on en faisoit, donnerent lieu de reprocher aux Sçavans du seizieme siecle d’être Payens dans le cœur, & de vouloir ramener le culte des Dieux d’Homere & de Virgile. […] C’est un ridicule dont un Poëte nous a donné une description badine que nous aurons par la suite lieu de rapporter.
Mais ce qui est plus possible que tout, & qui est aussi important que le reste, c’est l’ordre qui est rare parmy les Comediens, & la sureté qui manque dans les lieux de la Comedie. […] Ces lieux consacrez aux beaux & honnestes plaisirs, doivent estre sous une protection particuliere du Roy & de ses Magistrats : & loin d’y souffrir l’insolence de ces Breteux, qui ne sont Braves que parmy les Bourgeois & les femmes : il faudroit empescher absolument la liberté d’entrer avec des armes & sans argent.
En effet, ceux qui vont en ces lieux sont des personnes qui suivent le grand chemin, c’est-à-dire le train ordinaire et l’esprit du monde. […] Je ne dis rien des emportements, des bruits et des effets malins et étranges que produisent les inclinations, et affections particulières pour les femmes ou filles dans ces lieux ; car tout le monde sait qu’elles sont ordinairement une semence de division, de combats, et de beaucoup d’autres crimes ; et que c’est pour cela que ceux qui fréquentent les bals sont toujours bien armés.
Tel Roi peut être jaloux, galant, ambitieux, aussi bien qu’un de ses Courtisans, au lieu que les mœurs dépeintes dans notre Opéra ne sont applicables qu’à une seule classe d’hommes.
Nous a fait remontrer, qu’il auroit composé un Livre intitulé, l’Idée des Spectacles Anciens & Nouveaux, qu’il desireroit donner au public, s’il nous plaisoit luy en accorder la permission, & iceluy faire imprimer, requerant nos Lettres à ce necessaires : A ces causes, desirant favorablement traiter l’Exposant : Nous luy avons permis & octroyé, permettons & octroyons par ces Presentes, de faire Imprimer le dit Livre par l’un de nos Imprimeurs par nous choisis & reservez, que bon luy semblera, en tel marge, volume & caractere, & autant de fois qu’il voudra, durant le temps de sept années, à commancer du jour qu’il fera achevé d’imprimer ; pendant lequel temps, faisons tres-expresses deffences à tous Imprimeurs, Libraires & autres personnes de quelque qualité & condition qu’elles soient, de l’imprimer ou faire Imprimer, vendre & distribuer en aucun lieu de nostre Royaume, Païs & Terres de nostre obeïssance, sans le consentement dudit Exposant, ou de ceux qui auront droit de luy : à peine de deux mille livres d’amande, aplicable un tiers à l’Exposant, un tiers à Nous, & l’autre tiers à l’Hôpital General de nostre Ville de Paris, de confiscation des Exemplaires contrefaits, & de tous despens, dommages & interests ; à la charge qu’il en sera mis deux Exemplaires en nostre Bibliotheque, un en celle de nostre Cabinet, de nostre Chasteau du Louvre, & un autre en celle de nostre Amé & Feal, le Sieur Seguier, Chevalier, Chancelier de France, avant que de l’exposer en vente, & que ces Presentes seront registrés sur le Livre de la Communauté des Marchands Libraires & Imprimeurs.