Lui mandé & entré avec plusieurs anciens Avocats, ayant passé au Banc du Barreau, du côté du Greffe, a dit : Messieurs, La discipline de notre Ordre, l’honneur de notre profession, notre attachement aux véritables maximes, & notre zéle pour la Religion, ne nous ont pas permis de garder le silence, ni de demeurer dans l’inaction au sujet d’un Livre pernicieux qui a pour titre : Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’Excommunication, & qui est terminé par une Consultation signée, Huerne de la Mothe. […] On annonce que l’Ouvrage est fait pour tous les Citoyens qui en ont besoin si souvent, sur-tout dans ces tems de nuage & d’obscurité, que les contestations du Clergé élevent fréquemment contre la liberté du Citoyen fidéle,, en le rendant esclave d’une domination arbitraire . […] Ainsi, Messieurs, c’est pour remplir le vœu de l’Ordre des Avocats, que j’ai l’honneur de dénoncer à la Cour le Livre intitulé : Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’Excommunication. […] Omer Joly de Fleury, Avocat dudit Seigneur Roi, portant la parole, ont dit : Que l’exposé qui vient d’être fait à la Cour, du Livre intitulé : Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’Excommunication, ne justifioit que trop la sensation que sa distribution avoit excitée dans le public ; qu’ils se seroient même empressés de le déferer il y a plusieurs jours, s’ils n’avoient été instruits des mesures que prenoient à ce sujet ceux qui se dévouent sous les yeux de la Cour, à la profession du Barreau ; que leur délicatesse, leur attachement à l’épreuve de tout aux maximes saintes de la Religion, & aux Loix de l’Etat, ne leur avoient pas permis de garder le silence ; & que dans les sentimens qu’ils venoient d’exprimer, on y reconnoissoit cette pureté, cette tradition d’honneur & de principes, qui distinguent singulierement ce premier Barreau du Royaume.
Main qui triomphe de la gloire, Geolière qui tiens la victoire Dessus toutes les libertés : Si dans cette prison enclose Il faut désirer quelque chose, C’est des yeux pour voir tes beautés. […] Je n’aurai donc jamais envie De cette liberté ravie, Serait envier son plaisir : S’il est permis que je regrette, C’est la perte n’en fût faite, Si tôt que j’en eus le désir.
Ce Peuple toujours inconcevable, l’est encore dans la liberté qu’il donne à Aristophane, de parler des Dieux & de la Religion, & dans sa sévérité pour les Poëtes Tragiques. […] Quand l’Armée des Athéniens essuya en Sicile ce malheur qui couta la vie au Général, & la liberté aux soldats, dont les uns furent vendus comme esclaves, les autres enfermés dans les carieres où ils périrent de misere, plusieurs d’entre eux durent leur salut à Euripide, parce qu’ils savoient des morceaux de ses Piéces par cœur : ils trouverent des Maîtres prêts à les nourrir, qui leur rendirent ensuite la liberté, & ces soldats en arrivant à Athenes alloient saluer Euripide comme leur libérateur. Quel triomphe pour un Poëte, qui voit des malheureux lui venir rendre graces de ce qu’ils doivent à ses Vers la liberté & la vie ! […] Lysandre, qui changea le Gouvernement, réprima la liberté des Poëtes Comiques. […] Ils ont plus dépensé, dit Plutarque, pour faire jouer les Medées, les Oedipes, les Electres, qu’il ne dépenserent autrefois pour défendre la liberté de toute la Grece contre les Perses.
Cette question tient aux plus hautes considérations, puisqu’elle intéresse la vie et la liberté des rois, que les ultramontains placent sous l’autorité des papes. […] Tel est le langage de ce détracteur furieux de la liberté de la presse, et il a soin d’assurer d’après son autorité, que de tous les crimes, ceux de la presse sont les plus grands. […] Si on en croit à l’auteur de cette déclaration de guerre, la liberté de la presse va être anéantie, ou tellement garrottée, qu’elle sera presque nulle, et il propose de la soumettre à un tribunal arbitraire et inquisitorial. […] Tant de désordres et d’assassinats dans la péninsule, démontrent que notre ministère qui ne peut pas être complice des jésuites, est au moins impuissant pour y rétablir le bon ordre, et qu’il a été forcé, par une puissance occulte et inconcevable, à rétablir involontairement, sans doute, l’anarchie dans ce malheureux pays, en remettant l’autorité entre les mains d’une faction qui, aujourd’hui, opprime la souveraineté légitime ; et c’est précisément cette même faction, ainsi que leurs correspondants en France, qui craignent tant la lumière, et se déclarent les ennemis si implacables de la liberté de la presse. […] Quoi qu’il en soit de ce livre des crimes de la presse ; de ce manifeste des missionnaires de la foi ; de cet avant-coureur de l’anéantissement de la liberté de la presse et de l’établissement d’une censure inquisitoriale, il n’en est pas moins vrai, que ce libelle mériterait à plus juste titre, d’être poursuivi par un réquisitoire, comme contenant des principes dangereux et véritablement nuisibles à l’Etat et à la religion.
Gardons tous nos ministres tels qu’ils sont, et jusqu’à nouvel ordre ; c’est la manière dont je pense, c’est mon vœu, mais continuons toujours de leur adresser la vérité, c’est à eux de réformer eux-mêmes les abus que nous leur dénoncerons au moyen de la liberté de la presse : toute autre voie serait anarchique. […] Lorsqu’un gouvernement est asservi par une faction, par une secte, il cesse d’être libre, et par conséquent les ministres d’Etat en perdent également leur liberté. […] Après tout, ils savaient bien qu’ils ne pouvaient y parvenir qu’au prix de leur liberté. […] Mais bientôt ils se lasseront de jouer le rôle de créatures serviles de l’infâme société des jésuites régicides ultramontains, ennemis implacables des libertés de l’église gallicane.
On y supplée par un théatre domestique, on y jouit d’une entiere liberté, on y choisit la compagnie & les pieces, le temps & le lieu ; on s’y montre avec succès, on y est sûrement applaudi. […] Ce n’est pas sans raison, dit le Journ. des savans (juin 1768.), qu’eu égard aux mœurs peintes dans cet ouvrage avec trop de liberté, l’Auteur demande par son épigraphe de l’indulgence à ses lecteurs. […] On y garde moins de mesures qu’à la comédie, le cœur s’y épanche sans obstacle, & s’y livre à son goût avec liberté. […] Il invoque le génie de Bocace, autre Auteur que la Fontaine a pillé, & sur la liberté duquel il a enchéri. […] Abraham, Jacob, nos premiers pères, vivoient à peu près dans cette liberté, mais avec moins d’élégance & de bon goût d’architecture.
Agathon, soit donc que nous considérions la convenance des saintes mœurs du Christianisme, avec les dispositions naturelles du génie des femmes ; soit qu’on pense que les autres Religions les ayant tenues, et les tenant encore dans une sorte d’esclavage bien dur, Jésus-Christ leur donne une douce et glorieuse liberté : Qui pourra douter que son Évangile ne soit pour elles encore plus que pour nous, la loi de grâce ? […] L’on se plaint ouvertement de la ruine des Sages-femmes bientôt exterminées par les accoucheurs ; de l’extinction de la charge de Demoiselle suivante, et de l’érection de celle de Valet de chambre ; de la liberté qu’une femme a d’aller seule dans tout Paris, sans autre compagne qu’une écharpe, comme un Moine, qui pour son compagnon prend son chapeau sur son froc : De sorte qu’avec une écharpe comme avec un chapeau, l’on a mis en usage d’aller où l’on veut, et de pouvoir faire tout ce que l’on ne serait pas tenté de faire, en la présence d’une Suivante ou d’un oblatc. […] Mais si les Ministres de l’Évangile se taisent, en se plaignant peut-être, qu’ils n’ont pas la liberté prophétique de tout dire : La Providence a permis que la liberté comédienne et satirique y ait suppléé ; et que le siècle ne passât point, sans se voir reprocher publiquement sa corruption toute entière.