Quelque grande que soit la liberté qu’on se donne de se masquer, quelque grande que soit la tolérance des Magistrats, il est certain que les masques sont défendus par les loix du royaume & par celles de la plupart des peuples, & sur-tout par la loi de Dieu, qui les traite d’abominables. […] Je pense qu’on a voulu faire vivement sentir les dangers & les désordres de la liberté des masques, par le portrait naïf qu’on en fait. […] Pour le bien & utilité publique, franchise & liberté commune, il est permis à toutes gens d’aller en masque, fors & excepté les gens de basse condition, auxquels le masque est défendu, si ce n’est d’aller en masque de papier, robes retroussées, & barbouillées de farine ou de charbon. […] A tous Masqués est donné la liberté d’entrer ès maisons, & jouir de leurs privilèges ; mais n’auront pour danser & entretenir les Damoiselles qu’une heure, & icelle finie, seront tenus de se retirer ou se démasquer ; & seront tenus les maîtres & Maris, & autres assistans, de les remercier de leur visitation & honneur qu’ils ont fait. […] Permis à tous Masqués de prendre toutes les libertés qu’ils pourront, sauf aux Damoiselles leur défense au contraire, sans user les uns envers les autres d’aucunes paroles rigoureuses.
Là, une Symphonie enchanteresse, une Musique molle et insinuante, une Poésie forte et harmonieuse, des Danses séduisantes, des Voix mélodieuses, encore embellies par tout ce que l’Art y a pu ajouter d’agréments, se réuniraient pour souffler de toute part un feu contagieux, et exagérer tous les prétendus avantages d’une liberté sans bornes et sans mesure. On y chanterait sans cesse, sans cesse on y répéterait à son honneur ces hymnes séditieux : « O liberté, aimable liberté, mère des plaisirs, unique source du parfait bonheur ! […] O Liberté, Liberté, l’apanage le plus précieux de l’humanité, et qu’aucun autre ne peut remplacer !
Le Peintre laisse une composition pour une autre, & la liberté qu’il donne à son génie, met souvent le sceau à la perfection de ses Ouvrages. […] C’est moins comme homme à talent, que comme homme intéressé, qu’il se lie lui-même, & préfére la fortune à la liberté de son art. […] nous perdons la liberté !
Au sortir du théatre on est arrêté par les yeux de toutes les femmes, joug plus pesant que toutes les chaînes de fer ; au sortir de la prison on ne trouve plus rien de difficile & de rude ; quand on compare son état présent avec celui dont on vient d’être délivré, tout est aisé, tout est doux ; le prix de la liberté est au-dessus de tout. […] n’est-ce pas un plaisir supérieur à la jouissance que la liberté du cœur, n’être pas exposé aux reproches, aux insultes, au mépris, à la perfidie, à l’inconstance d’une femme perdue, n’être pas enchaîné dans ses fers, & accablé sous sa tyrannie, traité en esclave & foulé aux pieds comme le dernier des hommes ? […] Entendroient-ils même ce qu’on leur diroit des plaisirs purs & innocens que goûtent les ames pieuses, des couronnes qu’elles se préparent, de leur société avec les Anges, de l’honneur même qu’elles se font sur la terre, de la liberté qui les fait par-tout marcher avec assurance, & de la juste confiance que leur donnent tant de titres sur l’éternité ?
Ils sont même tous deux législateurs : chacun a fait son code, pour assurer la paix, les droits, la propriété, le bonheur des hommes ; & ces Salomons du Nord, ces amis de l’humanité & de la liberté, qui veulent si bien conserver à chacun son champ & sa vigne, envahissent les provinces, établissent des subsides, détruisent le commerce des villes voisines pour le transporter dans leurs états. […] Les grands de leur côté, si jaloux de leur liberté, vont au-devant du joug, se le mettent sur les épaules, se battent pour le mieux resserrer. […] La Pologne devroit gémir, la guerre n’avoit été entreprise que pour conserver la Religion & la liberté, conformément à la garantie que la Porte avoit promise, ainsi que bien d’autres princes, mais qu’elle a été la seule à exécuter. […] Le premier ne pouvoit manquer de l’emporter dans la crise funeste de la décadence des affaires, que la corruption des mœurs a amenée, & dont le théatre va consumer le peu qui reste de vertu & de liberté dans la nation. […] Le spectacle , dit-on hautement, ne peut être fréquenté que par des gens qui se mettent au-dessus de toutes les bienséances ; & qui, après avoir perdu l’honneur & la liberté, ne conservent que les richesses qu’ils y ont acquisent, & ne sauroient en faire usage que pour se plonger dans le tumulte des plaisirs bruyans, se cacher à eux-même, par cette diversion, tout l’odieux de leur conduite, & empêcher la nation de faire attention à ses malheurs.
Dans une piece tirée des Contes soi-disant moraux de Marmontel, où le Poëte, apparemment peu fécond, rapporte mot pour mot le conte Annete & Lubin, deux paysans cousins germains : circonstance peu nécessaire, & qui n’est mise que pour fronder la loi de l’Église, qui défend le mariage entre parens, & sa bonté, qui accorde quelquefois la dispense de cet empêchement, Annete & Lubin se trouvent seuls à la campagne, sur le théatre & dans le livre, & prennent toute sorte de libertés criminelles. Dans une autre scène le Seigneur & le Notaire du village, ou plûtôt les Auteurs pour se satisfaire, & pour plaire aux spectateurs & aux lecteurs, remettent ce beau tableau sous les yeux, & en sont faire aux deux Bergers ingénument tout le détail, & à chacune de ces libertés ils répettent, & le chœur après eux, cet honnête refrein : Ouida, guia pas du mal à ça. […] Cette séparation, si convenable, seroit ridicule à Paris, où l’on se fait une fausse politesse de mêler par-tout les femmes, jusques dans les endroits où elles ont le plus de liberté, & souvent le plus d’intrigues. […] Ce ton de hardiesse & de liberté sans bornes, cet oubli de toutes les formes anciennes auxquelles tiennent l’ordre & la tranquillité, une insatiable cupidité de l’or, qui a détruit le premier esprit de tous les corps, un luxe extravagant, une licence impudente, un sacrifice entier de toute pudeur & de toute honnêteté, voilà les mœurs de notre siecle ; & on ose vanter notre philosophie qui s’étend de proche en proche ! […] C’est détruire les fortifications de la place qu’on habite, pour appeler tous les brigands qui voudront s’en emparer, & exposer sa propriété, sa liberté, sa sûreté.
On ne peut donc rien conclure en leur faveur de la liberté qu’on leur laisse d’entrer dans l’Eglise, d’entendre la messe, de commercer avec les fidèles, etc., non plus que contre le refus des sacrements, qui vient d’un autre principe, savoir, la notoriété du péché, qui n’étend pas ses effets plus loin, parce qu’elle ne doit empêcher que la profanation des sacrements, « nolite dare sanctum canibus » ; au lieu que l’excommunication retranchant de l’Eglise, traitant comme un païen et un publicain, livrant à Satan, etc., prive de tous les biens communs à tous les fidèles. […] Le Prince était même plus sévère que l’Eglise, puisque c’est l’Eglise, comme nous l’avons vu ci-dessus, qui a demandé au Prince la liberté d’administrer à ceux qui voulaient sincèrement se convertir, des sacrements dont ils étaient tous rigoureusement exclus. […] Germain, Evêque de Laon, intervint dans l’instance pour soutenir les franchises de la Foire et la liberté de ses Tabarins. […] Ils disaient qu’ils n’étaient ni Comédiens, mais simples farceurs ; ni Français, mais un ramassis de toutes les nations ; ni établis dans Paris, mais une Troupe errante, qui campait sous des tentes pendant la foire ; qu’ils ne jouaient point de pièces régulières, mais des fragments et des scènes détachées ; que la foire avait joui de temps immémorial de la liberté des spectacles, comme d’une branche de commerce ; et que les Comédiens n’ayant point de lettres patentes, mais un simple brevet non enregistré, ils n’étaient pas personnes capables d’ester à droit et de faire des poursuites légales (comme M. l’Avocat général en convenait). […] Il fallut, pour éviter un second procès, se laisser rançonner, et acheter bien chèrement la liberté de chanter des chansons.