Le Parlement l’a bien fait sentir à votre Avocat dans la peine infamante qu’il vient d’ordonner contre son Livre & même contre sa personne ; il a jugé qu’une plume aussi mensongere étoit indigne d’écrire pour les intérêts de la Vérité & de la Justice*, craignant qu’encouragé par cet essai scandaleux, il ne prenne le goût de défendre les causes les plus décriées.
Nos Histoires romanesques nous amuseraient délicieusement, nous empêcheraient de chercher ailleurs des peintures agréables par leur simplicité, mais comme elles ne sont toutes remplies que de fadeurs & de déclarations d’amour, nous les quittons avec justice en faveur d’un Théâtre qui satisfait en partie un panchant né avec nous.
Si ces personnes s'examinaient de bonne foi, elles y en trouveraient sans doute ; mais parce qu'elles cherchent des excuses à leurs péchés, elles sont assez malheureuses pour en trouver, « Dieu par un effet de sa justice répandant des ténèbres sur leurs passions déréglées ».
Son premier but fut de servir de frein aux mauvaises passions des hommes, et de rétablir parmi ceux-ci les saintes lois de la fraternité, le règne de la justice et de l’union.
Convient-il, Mes très-chers Frères, d’étaler sur des théâtres un attirail de vanité; d’y jouer des Scènes divertissantes, et d’y remplir l’esprit et le cœur des peuples de frivoles et ridicules passions, dans des conjoncturesh où chaque citoyen doit prier pour son Prince j ; où le Roi s’humiliant le premier lui-même sous la main toute-puissante de Dieu, implore ses anciennes miséricordes ; et touchék d’une guerre que la justice et la Religion l’obligent de soutenir, met tout son Royaume en prière Prières ordonnées partout.
Mais rendons-leur justice.
La barbarie britannique ensanglantoit les échaffauts avec éclat par les voies de la justice dont elle faisoit ses instrumens. […] On ne comprend pas que des Philosophes qui abhorrent l’inquisition & prêchent par-tout la tolérance, qui font un crime de la fermeté à maintenir la Religion, élèvent jusqu’au ciel une femme qui toute sa vie a persécuté les Catholiques avec fureur ; tout ce qui ne voulut pas se soumettre à l’Eglise Anglicane fut déponillé, chassé, tourmenté, mis à mort jusqu’à violer le droit naturel & le droit des gens ; elle maltraita, fit emprisonner, accuser & comparoître en justice l’Ambassadeur d’Espagne, parce qu’il étoit Evêque, & disoit la messe chez lui. […] Lorsque l’Ambassadeur de France l’apprit à Elisabeth, & lui en dit les raisons par l’ordre de Charles IX, elle parut indifférente, & sembloit même l’approuver, elle répondit à la lettre du Roi : J’approuve cette conduite, du moins à l’égard de ceux qui manquoient de respect pour leur Souverain, mais il eût été plus conforme à la justice de l’exécuter avec moins de rigueur. […] La France punissoit la révolte de la Rochelle, l’Angleterre celle des Irlandois, & on soutenoit celle de la Hollande ; encore si l’Angleterre eut en guerre avec l’Espagne, mais les deux nations étoient en paix, Philippe avoit épousé la Reine Marie, il avoit sauvé la vie à Elisabeth, elle se ligua avec ses Sujets rebelles pour lui faire la guerre, leur fournit de l’argent, des troupes : ses généraux s’emparent de plusieurs places pour gage des payemens de ses frais ; elle sentoit si bien son injustice, que les Ambassadeurs des Hollandois étant venus lui demander du secours & lui offrir la souveraineté de leur Pays, elle le refusa, & répondit avec un air affecté de justice : Il ne serait ni beau ni honnête de s’emparer du bien d’autrui. […] Mais à la balance de la justice & de la vérité, au tribunal de la Religion & de la vertu, ce ne fut qu’une Comédienne d’un mérite médiocre, mais rusée qui occupa la scène & y joua toute sa vie des tragédies, des comédies, des farces selon son intérêt & son caprice.