Une joie honnête qui ne blesse ni les mœurs ni les personnes, fut toujours permise, « gaudete in Domino semper », quoiqu'il fût et plus sûr, et plus parfait, et plus utile, de se renfermer toujours dans les bornes étroites d'une douce gravité. […] Qui oserait faire l'apologie d'une joie indécente qui blesse la délicatesse de la pureté, je ne dis pas d'une manière grossière, que les premières lois de la politesse interdisent aux honnêtes gens, mais encore par ces obscénités voilées de la gaze de l'équivoque, assaisonnées du sel d'un bon mot, déguisées sous des noms empruntés ou des allégories délicates, délayées dans des sentiments tendres, glissées dans la naïveté des expressions, perçant jusqu'à travers le masque de la condamnation ? […] Il n'est pas surprenant que dans une grande solennité David, peu fait au cérémonial de la royauté, qui ne faisait que de naître, se soit laissé emporter aux transports de la joie, jusqu'à danser familièrement avec le peuple, comme il l'avait fait cent fois avec les Bergers ses compagnons, et peut-être, sans y regarder de si près, avec quelque sorte de bouffonnerie indécente qui déplut à son épouse. […] La danse n'est pas parmi nous une simple effusion vive et naturelle de joie, qui s'exprime par des mouvements cadencés.
Nous sommes coupables de la mort d’un Dieu, un Dieu a été assassiné en ce lieu de notre demeure, nous sommes complices de ce parricide, et nous nous répandrons dans des joies vaines et mondaines !
Dans Sophocle, la scène d’Electre semble se borner aux douceurs tranquilles de l’espérance, & ne produire qu’une joie mutuelle. Dans Voltaire, la joie de Luzignan est suspendue par la crainte de retrouver sa fille Musulmane. […] Pour eux ces sentimens de joie, de tendresse, d’inquiétude inexplicables qui y brillent, sont postiches.
Voilà ce que la passion de la comédie objecte de plus fort pour sa justification, ce que j’y ai répliqué doit vous en faire sentir la faiblesse, et conclure avec moi que le théâtre est une source de désordres dont ceux qui ont soin de leur salut doivent s’éloigner, et s’ils sont chargés de celui des autres tels que les Pères de famille, le leur interdire absolument, que ceux qui n'ayant pas connu ces dangers y ont été quelquefois par le passé, prient le Seigneur de ne se point souvenir de leur ignorance, et que tous jurent aujourd’hui un divorce éternel avec toutes ces assemblées mondaines et profanes, dites, avec le Sage, « j’ai estimé le ris une erreur, et j’ai dit à la joie pourquoi me trompes-tu »Eccli. 2. […] Dieu ne manquera pas de répandre cette joie toute spirituelle en vos cœurs, si vous lui faites un généreux sacrifice des autres. […] C’est ainsi que nous jouirons au-dedans de nous-mêmes d’une joie ineffable qui ne sera pas troublée par les remords de la conscience, et qu’ayant mené ici-bas une vie chaste et innocente, nous serons couronnés dans le Ciel.
« Le théâtre est contraire à ces vœux solennels Qu’un chrétien, en naissant, fait au pied des autelsaz. » « Depuis qu’un Dieu fait homme est venu nous apprendre à mortifier nos sens, à combattre nos passions ; depuis que l’Eglise nous a fait promettre de mourir au monde et à ses pompes, à la chair et à ses désirs, à Satan et à ses œuvres ; depuis que l’Evangile, toujours ouvert et toujours expliqué, ne prêche partout que le renoncement aux joies et aux vanités du siècle, il semble que des chrétiens ne devraient pas attendre, pour se déclarer contre les spectacles, qu’on les y contraignît, mais y renoncer d’eux-mêmes et les condamner hautement. […] Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. […] N’est-ce pas là que, par des peintures vives qu’on y fait, les passions s’excitent dans notre âme, et que le cœur, bientôt capable de tous les sentiments qu’un acteur exprime, passe tour à tour de la tristesse à la joie, de l’espérance à la crainte, de la pitié à l’indignation ?
On ne voit point avec joie l’image d’un vice qu’on haït sincérement.
On était complaisant, caressant, empressé ; l’on me marquait ces préférences délicates, qu’on n’a que pour une Maîtresse ; & je suis sûre enfin que ce n’est pas moi qu’on aime, puisqu’on ne saurait cacher la joie qu’on a de retourner à Paris, de me quitter… Si ce n’est pas moi… dis, Ursule, c’est donc ma sœur. […] N’empoisonne pas ta joie ; qu’elle soit pure comme ton âme sensible… Il te dira ce qui se passe ici.