Je m’imagine qu’elle leur reprocherait que, d’une femme d’honneur, ils en ont fait une prostituée, qui n’est bonne qu’à amollir et à corrompre le cœur des hommes. […] Quel ouvrage d’esprit, et quel autre genre de Poésie pourrait-on imaginer qui fût plus utile à la société, et plus propre à y soutenir les bonnes mœurs que la Comédie, lorsqu’elle aura pour unique objet d’instruire et de corriger généralement toutes sortes de personnes ? […] Tout ce que l’on put imaginer s’étant trouvé inutile, le Prince eut enfin recours à la Comédie ; et ce remède lui réussit.
Ils se sont imaginés qu’elle paraîtrait bien plus aimable s’ils en rendaient l’acquisition plus difficile ou plus épineuse, et ce pernicieux dessein leur a réussi si heureusement qu’on ne saurait plus passer pour vertueux que l’on ne se prive de tous les plaisirs qui n’ont pas la vertu pour leur unique objet. […] Il s’est si bien imaginé que c’est une charité des plus chrétiennes de diffamer un homme pour l’obliger à vivre saintement, que si cette manière de corriger les hommes pouvait avoir un jour l’approbation des docteurs et qu’il fût permis de juger de la bonté d’une âme par le nombre des auteurs que sa plume aurait décriés, je réponds, de l’humeur dont je le connais, qu’on n’attendrait point après sa mort pour le canoniser. […] Mais il ne s’est jamais défié qu’on dût faire le même sort à son Festin de Pierre ; et il s’est si bien imaginé qu’il était assez fort de lui-même pour ne point appréhender les envieux, qu’il n’a jamais voulu lui donner des nouvelles armes en travaillant pour sa défense. […] J'ai donc cru que cela me regardait, et comme je n’avais encore rien mis au jour, je me suis imaginé que c’était commencer bien glorieusement que de soutenir une cause où le bon droit était tout entier.
Il vous a donc fallu imaginer bien d’autres motifs de dégoûts pour engager vos Compatriotes à nous fermer les portes de Genève. […] Il faudrait encore qu’il imaginât des danses dont les mouvements et les grâces ne fussent pas contraires à la modestie : car vous voulez qu’on danse très modestement : or rien n’était moins conforme à la modestie que les danses des Spartiates lorsque les femmes s’y mêlaient ; lisez plutôt l’histoire. […] Tous ces principes ne vous paraîtraient pas modestes : il faut donc imaginer une danse exprès, ou si l’on danse à votre Bal des Menuets et des Contredanses, il faudra que les figurants, pour être modestes, se gardent bien de porter les yeux l’un sur l’autre : la vue collée sur le plancher de la salle, ils marcheront comme ces petites figures Automates que les Savoyards font rouler sur nos parquets. […] Pouvez-vous imaginer maintenant que le spectacle serait préjudiciable à votre République, tandis que toutes les autres en tirent de si grands avantages ?
Je ferai mention, en passant, de l’art du Poète pour préparer l’attentat que prémédite Rodogune, quand elle veut faire assassiner Cléopâtre : l’Auteur, qui a senti la bassesse d’une telle action, s’est imaginé de la relever et de la rendre digne du tragique par l’horreur extraordinaire que Rodogune inspire en la proposant. […] On ne s’imaginerait jamais que ce grand exploit d’Alexandre, fût annexé à l’action de la Pièce comme un épisode. […] On ne pouvait rien imaginer de plus adroit pour donner un air de bienséance à un amour, qui n’est pas moins vif que tendre. […] Ce n’est pas une bonne Tragédie, et c’est l’amour mal imaginé, selon moi, qui lui fait tort.
Il est pourtant utile de remarquer ici, que les diverses manières d’indiquer les Drames du nouveau Théâtre furent imaginées, afin de désigner les différens genres qu’il embrasse. […] On a dit les Odes-lyriques des Grecs & des Latins ; on ne s’était point encore avisé d’imaginer une Comédie lyrique, ou qui se chante sur la lyre.
Quel degré de grandeur aurait-elle pu imaginer qui lui fût comparable ! […] Peut-on trouver dans aucun ouvrage en ce genre, rien de si délicatement imaginé, et de si heureusement décrit, que les Statuts de cette délicieuse République, qui terminent la pièce de la Chartreuse ? […] Non, non, l’esprit n’imagine point de si divines maximes : c’est la plume du cœur qui les écrit ; c’est lui seul qui les enfante, parce que lui seul en a le germe dans son sein.
Mais les cœurs des hommes sont si pervertis et si rebelles, qu'ils s'imaginent que le monde est dans une pleine félicité, lors que ceux qui l'habitent ne pensent qu'à orner et à embellir leurs maisons, et qu'ils ne prennent pas garde à la ruine de leurs âmes : qu'on bâtit des Théâtres magnifiques, et qu'on détruit les fondements des vertus : qu'on donne des louanges et des applaudissements à la fureur des Gladiateurs, et qu'on se moque des œuvres de miséricorde; lors que l'abondance des riches entretient la débauche des Comédiens, et que les pauvres manquent de ce qui leur est nécessaire pour l'entretien de leur vie ; lors que les impies décrient par leurs blasphèmes la doctrine de Dieu, qui par la voix de ses Prédicateurs crie contre cette infamie publique, pendant qu'on recherche de faux Dieux à l'honneur desquels on célèbre ces Spectacles du Théâtre, qui déshonorent et corrompent le corps et l'âme. […] Nous nous imaginons peut-être qu'il nous a fait des leçons d'impiété, alors qu'il vivait, et qu'il souffrait tant de peines et tant d'injures pour nous ? […] N'est-ce pas une étrange folie que s'imaginer que nos divertissements ne seraient pas agréables s'ils n'étaient injurieux à Dieu. […] L'on renonce donc premièrement au Diable, afin que l'on croie en Dieu, d'autant que quiconque ne renonce pas au Diable ne croît pas en Dieu ; et partant quiconque retourne au Diable, méprise et quitte son Dieu: Or les Démons se trouvent dans les Spectacles et dans les Pompes solennelles, de sorte que quand nous y retournons nous quittons la Foi de Jésus-Christ: Le mérite des Sacrements de notre Religion se perd en nous; tout ce qui suit dans notre Symbole est choqué, et tout ensemble affaibli ; Car le moyen de s'imaginer qu'une chose puisse demeurer debout quand son appui est à bas : Dis-moi donc, ô Chrétien, qui que tu sois, ayant perdu par tes mépris et par ta rébellion les principes de ta croyance, comment pourras-tu faire état de sa suite ? et comment t'imagineras-tu que le reste te pourra profiter ?