Je fis il y a dix ou douze ans un écrit Latin sur la Comédie, où sans avoir mûrement examiné la matière, et par une légèreté de Jeunesse, je prenais le parti de la justifier, de la manière que je me figurais qu’elle se représentait à Paris, n’en ayant jamais vu aucune, et m’en faisant, sur les rapports que j’en avais ouï, une idée trop favorable, et je ne puis que je ne reconnaisse à ma confusion, que les principes et les preuves qui se trouvent dans la Lettre qui s’est donnée au public sans ma participation, sont les mêmes que dans mon écrit particulier, quoi qu’il y ait quelques endroits de différents entre les deux, où l’Auteur de la Lettre dit ce que je ne dis pas, et parle autrement que je ne fais moi-même dans mon écrit, comme en ce qu’il apporte sans raison en faveur de la Comédie, votre silence sur sa représentation, Monseigneur, pour en inférer un consentement et une approbation tacite de votre part, ce que je n’ai point fait dans mon écrit, où je ne dis rien du tout qui puisse regarder personnellement V.
Ouvrir son âme aux cruelles, ou aux lascives idées de ce qui se joue sur les théâtres ; c’est la fermer aux inspirations de la grâce ; c’est perdre l’intégrité qui nous donne la vue de Dieu ; c’est n’avoir plus la confiance de nous approcher de son trône, de demander son secours, de recevoir ses lumières, et ses consolations comme ses enfants.
Qu’on ne s’étonne pas de ce mot, & discutons clairement nos idées. […] De-là cette inexactitude dans les idées & dans les jugemens. […] Quelle fécondité d’idées, de sentimens & d’images ! […] L’idée de cette Scène est hardie. […] Racine m’ont fait naître l’idée d’examiner de plus près ses Tragédies, en ce qui concerne l’amour, & de marquer celles, où selon mes lumières, cette passion a trop de part ; celles où l’amour peut être d’un dangereux exemple ; enfin les pieces où il me paroît absolument déplacé.
Chrisostome, dans la même idée, croit que l’ascendant qu’elle prend sur l’ame, la fait couler comme l’eau, en y apportant la fureur de l’amour, une véritable ivresse : Imposuisse menti, limphasse animum, æstum libidinis furibundum accendisse, amoris impetum attalisse . […] Nous n’avons pas, il est vrai, des idées précises de ces tourmens ou de ces joies, qui peuvent être fort différentes de ce ce que nous éprouvons ici bas. […] Ces deux idées de l’odorat sont familieres dans l’Ecriture.
Arrivé à la barrière de Belleville, deux jeunes gens, dont l’un sortait du faubourg du Temple et l’autre descendait la chaussée de la Courtille, s’abordèrent en ces termes : « viens donc, Pierre, la répétition est arrêtée pour toi ; j’allais voir si nous pouvions afficher. » — « Me v’là, mais permets que j’respire un peu… j’avais des souliers à r’porter à des pratiques qu’on n’ trouve que l’ dimanche, ça m’a r’tardé d’une heure ; je n’ suis que d’ la septième scène, avec le quart d’heure de grâce, je n’ la gobe qu’ d’une demi-heure. » J’avais ralenti le pas au mot répétition, je croyais d’abord qu’il s’agissait d’un exercice de Lycée ; mais la mise et la suite du dialogue de mes champions, fixèrent mes idées sur eux. […] Ce que je trouvai de plus original dans l’ouvrage de messieurs du Marais, c’est l’idée d’avoir mis le diable en scène, et surtout le diable boiteux, car il fallait vraiment avoir le diable au corps, pour fonder de grandes espérances sur un genre aussi restreint. […] Le lorgnon braqué sur la même ligne, deux transparents m’offrirent l’acrobate Saqui54, occupant le bâtiment du privilégié Sallé55 qui, je ne sais pourquoi, n’inspire pas à ses héritiers l’idée de réclamer un droit incontestable, et les Funambules56, genre de spectacle, partagé entre la danse de corde et la pantomime.
Tout étant prêt, on annonce la fête au bruit des tambours, on y invite toute la Ville, le Clergé n’y fut pas oublié, c’est tout ce qu’il y a de distingué dans Saint-Pons, & à peu-près tout ce qui sait lire, & qui peut avoir quelque idée du théatre. […] Quelques jours après, les aubes qui avoient servi aux acteurs & actrices ayant été rendues au Chapitre, un Bénéficier scrupuleux se présenta à la sacristie pour dire la Messe, le Sacristain lui donna une aube qui avoit été portée par une actrice cette idée de femme & de comédie le révolta, il ne voulut pas la prendre qu’elle n’eût été blanchie & bénite, comme ayant perdu sa bénédiction & sa pureté, par un usage si prophane ; il courut chez le Grand-Vicaire lui en demander la permission, il fut renvoyé comme un hérétique, qui n’aime pas la comédie, & le Chapitre le siffla ; les Chanoines & les autres Bénéficiers, trop bons catholiques pour faire ces difficultés, s’en servent à l’ordinaire.
Quel poëme, quel roman, aussi capable de plaire, de toucher, de frapper, d’instruire, d’élever l’ame, d’attendrir le cœur, d’éclaiter l’esprit, d’inspirer des sentimens nobles, de donner des idées sublimes ! […] La seule vie de ce grand Prophète, ainsi que celle de son successeur Élisée, fournissent plus d’idées véritablement grandes que tous les théatres du monde ; ce feu qui tombe du ciel sur la victime & sur ses ennemis, cette pluie refusée pendant trois ans, qui tout à coup inonde les campagnes ; cette vision sur la montagne du Carmel ; ce courage à faire aux Rois de la part de Dieu les plus vifs reproches, & à leur prédire les plus grands malheurs ; cette chûte affreuse de la maison d’Achab & de l’Actrice Reine Jézabel ; ces résurrections des enfans de deux veuves ; cette victoire incroyable sur les Rois de Sirie ; ce siege de Jérusalem, où des plus horribles excès de la famine on passe dans un instant à la plus grande abondance, &c.