Que peut-on voir de plus opposé à l’humiliation de l’esprit, au détachement du cœur, à la paix & à la tranquillité intérieure qu’un Chrétien doit travailler sans cesse à se procurer de plus en plus, que ces pensées d’élévation, que ces impressions de tendresse, ce trouble & cette agitation de toutes les passions humaines ? […] Si elles ne sont pas défendues par les Loix humaines, ne le sont-elles pas par les Loix divines & Ecclésiastiques ; & cela ne doit-il pas suffire à un Chrétien ? Les Loix humaines sont établies, pour s’opposer à tout ce qui pourroit troubler l’ordre de la Société civile ; si elles tolérent cet abus, c’est qu’elles ne sauroient tout détruire.
Thomas remarque aussi que les lois humaines ne sont pas tenues à réprimer tous les maux.
mes Frères, la tragédie & la comédie ne sont-elles plus comme autrefois le tableau mouvant & animé des passions humaines ?
Mais enfin, il me semble que j’entends quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de temps aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ?
L’illustre Chancelier d’Aguesseau pensoit bien différamment, dans son discours sur l’imitation par rapport à la tragédie ; il parle fort au long contre les spectacles, il dit entr’autres ces belles paroles, les caractères, les sentiments, les pensées, les expressions des personnages mis sur la scéne, tout conspire à reveiller, à réflecter les inclinations que nous avons pour la gloire, les richesses, l’amour, la veangeance, qui sont les mobiles du cœur humain ; les passions feintes que nous y voyons nous plaisent, par la même raison que les réelles, parce qu’elles en mettent de réelles dans notre ame, ou parce qu’elles nous rappellent celles que nous avons éprouvées : Rapiebant me spectacula plena miseriarum mearum.
Il faut prendre le siécle dans l’état où il est, puisqu’aussi bien la réforme subite seroit contre l’ordre des événemens humains.
Louis Guyon, Médecin de Paris, a composé, & Lazare Meyssonier, Médecin de Montpellier, a commenté un grand ouvrage de médecine, intitulé Miroir de la Beauté, ou Médecine de la Beauté, ils y suivent les différentes parties du corps humain, & en détaillent les beautés, la forme, la couleur, les infirmités, les difformités ; ils donnent plusieurs recettes & remedes pour conserver les unes, & réparer les autres ; ce titre singulier, & cette marche intéressante sont une charlatanerie littéraire, pour piquer la curiosité, & donner de la vogue à leur livre, qui a eu plusieurs éditions.