Peut-on rendre avec plus de vérité l’air important et l’épaisseur du génie de la plupart de nos Crésus modernes ? […] En vain celui-ci a épuisé toutes les ressources de son génie pour renverser ses arguments : on a admiré avec justice la subtilité de son esprit ; et les raisons du sieur Rousseau sont restées victorieuses. Quels regrets pour les vrais Chrétiens, qu’un génie d’une trempe aussi forte, et un si homme de bien, vive et meure victime des ténébres de l’erreur !
Mais il espère que quelque beau génie conciliera le goût de la nation & les mœurs. […] Génies sublimes, si vous appelez toujours ce funeste amour, au moins soyez chastes & austères en le peignant. […] voilà des génies bien sublimes ! […] que le génie courtisan est rampant ! […] Tandis que le génie de nos Ecrivains sera forcé de ne faire le choix qu’entre les passions.
Le Comédien d’Alinval, se croyant à la veille d’aller sur le nouveau théâtre, fit ce compliment de clôture : Le théâtre françois, touche enfin à l’époque la plus flateuse qu’il pouvoit espérer ; le gouvernement daigne fixer un moment son attention sur lui, & s’occuper à faire élever un monument digne des chefs-d’œuvre des hommes de génie, qui vous ont fait hommage de leurs veilles. […] La forme de la salle intérieure est arrondie, & son plafond un bel ovale, rempli par un tableau allégorique représentant les muses, les talens liriques, assemblée par le génie des arts sur un char enflammé ; qui fait fuir l’ignorance & l’envie. […] Tout cela est bien dans le génie Anglois ; cependant la fierté de Garrik, la supériorité de ses talens, l’estime, l’amitié générale du public, la maniere de regarder l’état des comédiens qui sont sur le pied de citoyens distingués, la vengeance même, ou la punition qu’on lui avoit déjà fait subir, en démolissant la moitié de son théâtre ; tout cela me fait croire cette circonstance fausse. […] Chaque peuple s’en est fait selon son génie, où même les hommes par les yeux & par les oreilles, comme par le cœur & par l’esprit. Dieu voulut bien s’accomder au génie des Juifs dans la liturgie qu’il leur donna dans sa loi.
La protection dont cet auguste Monarque honnora les Sciences & l’homme de génie, fut cause des progrès du Théâtre ; aussi de quel renom glorieux ne jouira-t il pas dans la postérité ? […] Deux hommes de génie, Corneille & Molière, ornèrent la Tragédie & la Comédie des beautés dont elles sont susceptibles ; ils eurent l’art d’achever ce que tant de siècles n’avaient pu qu’ébaucher. […] Ce n’a point été le travail continu d’une foule de gens d’esprit qui a conduit les Lettres de progrès en progrès, de clartés en clartés ; un seul homme de génie, ou deux tout au plus, ont suffi pour les couvrir de gloire. […] Les Arts peuvent-ils citer un génie heureux qui les ait fait connaître par son seul travail, ainsi que Térence découvrit les beautés de la Comédie chez les Latins, & que Corneille apprit aux Français le grand art de la Tragédie ? […] Un second ajoute à l’idée d’un prémier, un troisième y travaille encore à son tour, ainsi du reste ; au lieu que les ouvrages d’esprit, chacun dans leur genre n’ont eu besoin que d’un seul homme de génie.
Le pieux & sensible Fénelon occupé sans cesse du bien de l’humanité. proposoit la réforme du Théâtre à cette célebre Compagnie faite pour imprimer le sceau de son génie à la Nation***. […] Au reste la vertu inspireroit peut-être à nos beaux génies les moyens de concilier le goût de la Nation & les mœurs. […] Génies sublimes, si vous ne cédez point à nos vœux, que vous appelliez toujours ce funeste amour sur la Scene, au moins soyez chastes & austeres en le peignant.
Aristophane, un de ces Génies, heureusement très-rares, parce qu’ils sont très-dangereux, Génies qui sachant assaisonner d’un sel fin, les choses les plus grossieres, savent faire rire à la fois la canaille & les gens d’esprit, entreprit de rendre utile, non pas aux mœurs, mais au Gouvernement public, une Comédie si folle & si obscéne. […] Moliere, génie unique, & plus admirable qu’Aristophane, puisqu’il n’avoit pas la même liberté, sut réunir les deux Genres, celui d’Aristophane & celui de Menandre, & força les Nations voisines, peu favorables à notre Poësie, à le regarder comme le Maître de la Comédie.
Les gens de génie respectent ce modèle et l’imitent, et ce n’est qu’aux pièces les plus estimées des Français philosophes, que les étrangers rendent hommage. […] L’énergie, la vérité, le sublime que ce genre de spectacle exige, sont les fruits du génie, moins encore que d’une certaine progression que la nature a imposé à tous les arts et dont ils doivent compter tous les degrés avant de parvenir à leur perfection : l’expérience le prouve. […] Il faut travailler une mine longtemps avant qu’elle dédommage les entrepreneurs et qu’ils parviennent à la bonne veine : le Théâtre est comme cette mine ; le plomb s’est présenté le premier : les lois, la police, et le génie des Auteurs sont enfin parvenus à découvrir l’or qui se cachait sous des enveloppes crasses et des marcassites méprisables ; et c’est au moment de la découverte que vous vous déguisez combien la mine est riche et que vous voulez en faire abandonner l’exploitation : visitons-la cette mine avec le flambeau de la vérité, qu’il dissipe les ténèbres du préjugé que vous voulez épaissir.