Car encore bien que par le refroidissement de la charité, et de la piété Chrétienne, les fidèles commencent maintenant à donner moins de temps à ces actions saintes, et à demeurer moins assemblés dans les lieux saints ; il est néanmoins constant, que suivant l’usage des siècles passés, et suivant la discipline ancienne de l’Eglise, les jours des Fêtes étaient presque entièrement occupés par les exercices spirituels qui se faisaient dans les Eglises. […] Et quand bien même les Offices divins, et les exercices pour lesquels les fidèles s’assemblent, ne rempliraient pas entièrement le temps ; les Constitutions de l’Eglise ne permettraient pas néanmoins qu’on l’employât au jeu et à la danse, parce que la raison principale et fondamentale, pour laquelle on doit retrancher ces divertissements, subsiste toujours, qui est l’obligation de sanctifier les Fêtes, établie dans la loi de Dieu même. […] Ce qui est invinciblement confirmé par les lois des Empereurs que nous avons encore citées, dans lesquelles ces Princes zélés pour la gloire de Dieu, défendent comme un crime, de s’adonner les jours des Fêtes aux exercices qui servent à la volupté et au plaisir, par la considération de cette même obligation que les Chrétiens ont de s’appliquer uniquement au culte de Dieu, et de travailler à leur propre sanctification. […] Ainsi comme la danse est un exercice de cette nature, on ne peut point raisonnablement douter qu’elle ne soit comprise dans la défense des spectacles. […] D’où il s’ensuit sur le principe commun, et reçu de tout le monde, que celui-là pèche mortellement, qui en ces saints jours emploie injustement le temps en cette sorte d’exercices, si ce n’est que l’ignorance et le sentiment relâchée de ceux qui lui donnent conseil, et qui le conduisent, puisse diminuer sa faute : ce que Dieu n’a jamais promis.
Roselius, et Angélus sont même passés plus avant, et ont dit que ceux qui dansent souvent, et qui s’accoutument à cet exercice, pèchent mortellement. […] Que ceux qui dansent ainsi fréquemment, par le plaisir qu’ils prennent à danser, s’attachent avec tant de passion à cet exercice, qu’ils tombent presque toujours dans quelque faute, qui les rend coupables de péché mortel. […] Ils en ont porté ce jugement après Alexandre de Halès, qui n’excuse pas même de péché mortel, celui qui aurait été engagé contre son gré, et par pure condescendance dans cet exercice ; si par le plaisir qu’il y prend il s’y attache, et s’y accoutume ; parce que quand bien il serait vrai de dire que pour danser fréquemment, et sans modération, s’il n’y avait quelque autre circonstance qui augmentât la malice de l’action, on peut ne pécher pas mortellement ; néanmoins parce que ce plaisir sensible qu’on prend si souvent, dispose peu à peu les âmes à violer les commandements de Dieu, et de l’Eglise ; et à faire malheureusement avec une affection déréglée, ce qu’on faisait au commencement avec une satisfaction moins mauvaise ; comme l’on dit que le péché véniel,S.
l’apprentissage d’un exercice criminel peut-il être innocent ? […] Ces précautions ne font du théâtre qu’un exercice littéraire, tel que le permet et le conseille l’Université de Paris. […] Le théâtre ainsi épuré, et n’étant plus qu’un exercice littéraire, est propre à former les jeunes gens. […] Voilà l’erreur : d’un exercice académique, qui doit être renfermé dans l’enceinte d’un collège, on veut faire un spectacle, et d’un Ecolier un Comédien. Que font les femmes et le peuple dans des exercices littéraires ?
Les comédiens du troisième âge, ayant reçu leur institution du prince et des lois du royaume, ne sont point comptables de leur profession au clergé ; L’abjuration de cette profession, exigée par le clergé, est un véritable délit, parce que aucune autorité dans l’Etat n’a le droit de vouloir le contraire de ce qui a été créé et autorisé par les diplômes du prince et la législation du pays ; Le refus de sépulture, fait par le clergé aux comédiens, est encore un délit manifeste et réel, puisque c’est infliger une action pénale, imprégner un mépris public à une profession que le prince, les lois du royaume, les ordonnances de police ont instituée et régularisée ; et en cette circonstance l’outrage est non seulement fait à la personne et à la profession du comédien décédé, mais encore aux autorités suprêmes qui ont autorisé et commandé son exercice : voilà pour ce qui concerne l’état politique et celui de la législation ; c’est aux procureurs du roi qu’il appartient de faire respecter, par toutes les autorités existant dans l’Etat, ce qui a été institué et par l’action du prince et par le fait de la législation et des règlements de la police du royaume ; Le refus de sépulture est encore un autre délit envers les lois ecclésiastiques même, puisque, pour avoir lieu d’une manière canonique, il faut que les individus auxquels on veut l’appliquer aient été excommuniés, dénoncés dans les formes, et que jamais les comédiens du troisième âge ne se sont rencontrés dans cette catégorie ; Le clergé de France est d’autant moins fondé à frapper les comédiens de ses sentences exterminatoires, qu’il a lui-même aidé à leur institution, et que dans le principe de leur création les prêtres ont rempli des rôles dans les mystères que les comédiens représentaient ; que les obscénités, les scandales qui se pratiquaient alors dans les églises, ou dans ces comédies pieuses, étant tout à fait nuisibles à la religion, l’autorité séculière a fait défendre aux prêtres de remplir désormais des rôles de comédiens, et à ceux-ci de ne plus prendre leurs sujets de comédie dans les mystères de la religion ; Le clergé, dans l’animadversion qu’il témoigne contre les comédiens, signale son ignorance, son injustice, son ingratitude, et démontre en outre qu’il agit avec deux poids et deux mesures, ce qui est on ne peut pas plus impolitique pour un corps aussi respectable ; car on a vu que c’étaient des papes et des cardinaux qui avaient institué des théâtres tant en Italie qu’en France ; on a vu un abbé, directeur de notre Opéra à Paris, on a vu les capucins, les cordeliers, les augustins demander l’aumône par placet, et la recevoir de nos comédiens ; on a vu les lettres où ces mêmes religieux, prêtres de l’Eglise apostolique et romaine, promettaient de prier Dieu pour la prospérité de la compagnie des comédiens. […] On a vu des comédiens enterrés dans nos églises, tandis que d’autres n’ont pu obtenir de places dans nos cimetières ; et l’on voit journellement nos comédiens entrer dans nos temples, participer même aux exercices de notre religion, en même temps qu’ils exercent leur profession ; donc ils ne sont pas excommuniés dénoncés, car en ce cas ils devraient être exclus de l’église, et l’église purifiée après leur expulsion ; Les papes, les rois et tous les souverains de la chrétienté ayant institué des théâtres et des comédiens dans leurs Etats, pour le plaisir et l’instruction de leurs sujets, n’ont pas prétendu se damner eux et toutes leurs nations, par la fréquentation obligée qu’ils établiraient avec des excommuniés ; Le clergé usurpe sur l’autorité séculière en blâmant, en punissant, en damnant ce qu’elle a créé et institué ; Certaines processions et d’autres cérémonies religieuses, pratiquées par le clergé, sont infiniment plus obscènes, plus coupables, plus nuisibles à la majesté de notre sainte religion que l’exercice de la comédie ; Le clergé qui veut anéantir une profession que les princes et les lois ont instituée, prétexte la rigueur des anciens canons des conciles, et il oublie lui-même, en ce qui lui est propre et absolument obligatoire, ce que ces mêmes canons ont dicté et voulu ; circonstance qui met l’auteur dans la nécessité de les lui rappeler ; La puissance séculière doit veiller avec d’autant plus de soins à ce que le clergé ne s’éloigne pas des devoirs qui lui sont imposés par la discipline ecclésiastique, que c’est l’oubli de ces mêmes lois, au dire de notre roi, Henri III, qui a porté le clergé à faire ensanglanter son trône, et à bouleverser ses Etats ; que l’expérience du passé doit toujours servir de leçon pour l’avenir ; Le prince étant le protecteur né des canons des saints conciles, ainsi que l’Eglise le reconnaît elle-même, doit surveiller tant par lui que par ses délégués l’exécution de ce qu’ils ordonnent, afin que la religion ne perde rien de son lustre et des dogmes de son institution, parce qu’il est utile que les ministres du culte donnent eux-mêmes l’exemple de cette conformité aux saints canons, afin d’y amener successivement les fidèles commis à leur instruction ; les procureurs du roi, les préfets, les sous-préfets et les maires qui sont les délégués du prince, tant en ce qui concerne la justice que la police du royaume, doivent, avec tous les procédés convenables en pareils cas, faire sentir aux prêtres qu’ils ont sur eux une suprématie d’action, qui est assez forte pour les faire rentrer dans les lois de la discipline de l’Eglise, s’ils commettaient la faute de s’en écarter.
On y voit un dérèglement manifeste touchant le mouvement et la disposition extérieure du corps ; car outre les nudités, qui sont des pièges tendus par le démon, et des pierres d’achoppement pour la pureté, il n’y a nulle modération dans cet exercice ; mais au contraire on y voit très souvent des agitations immodestes, et qui choquent l’honnêteté, et des postures qui ne sont propres qu’à produire des espèces dangereuses dans l’imagination, et à exciter des sentiments mauvais dans la chair. […] Y a-t-il rien de plus fréquent que ces vains exercices, desquels suivant la raison même naturelle, on ne devrait au moins user que très rarement ?
Car le I. défend seulement les bouffonneries, « les railleries, et les discours immodestes et indiscrets, et veut que les Clercs qui sous prétexte de divertissement usent de ces paroles impertinentes, soient déposés et éloignés de l’exercice de leurs fonctions ». […] Et si quelqu’un nous oppose pour éluder la force du Canon du Concile d’Agde, que le Concile ne parle que des Danses, et des jeux qui sont immodestes et déshonnêtes, et qu’ainsi ces sortes d’exercices ne sont pas illicites à l’égard des Clercs, lorsqu’il ne s’y mêle rien de contraire à l’honnêteté, et à la modestie ; cette objection se détruit aisément par la considération sérieuse et attentive du vrai sens du Canon, qui ne comprend pas seulement les déshonnêtetés qui sont évidemment mortelles ; mais toute sorte d’actions, de gestes, et de mouvements trop libres, qui ne s’accordent point avec la retenue, et avec la sainteté des enfants de Dieu. […] Et c’est pour cela que le Canon du Concile de Laodicée défend ces mêmes Exercices de la danse, et la Comédie à tous les Ecclésiastiques sans distinction ni restriction.
Car outre que l’on peut y executer toutes choses : toute sorte de bastimens, de combats & d’exercices : Le divertissement en est d’autant plus fin qu’il part d’un objet un peu plus difficile, & que les succez en sont plus surprenans & moins ordinaires. […] Les Romains exerçoient leurs Officiers & leurs Soldats à nager, aussi-bien qu’à marcher : & un Autheur ordonne mesme de les forcer à cet Exercice, soit sur Mer, soit sur les Rivieres, pour les accoustumer au peril & à la peine, & pour oster, ou du moins diminuer la surprise que cause le hazard & qui augmente le danger.