A la Pentecôte nous invoquons le Saint Esprit, qui remplit les Apôtres de ses lumières ; à la comédie on est rempli de l’esprit du Démon, qui entraîne au péché. […] Il faut de l’esprit et du talent pour bien rendre un personnage, comme il en faut pour faire un habit de goût, un ameublement bien entendu, une menuiserie, un équipage, etc. Mais l’œuvre n’est pas moins servile ; le corps et ses attitudes, la voix et ses inflexions, les pas, les gestes y dominent plus que l’esprit, qui n’est ici qu’une sorte de goût et de routine. […] Elles sont défendues par le texte du précepte, les mauvaises par son esprit et sa fin. […] leur parlerais-je de l’esprit et de la fin d’une loi dont ils méprisent les dispositions les plus expresses ?
Lettre apologétique ou défense contre le Libelle du Père Augustin L’Approbation que la Comédie reçoit des plus célèbres esprits de ce siècle, lui sert d’un puissant avantage, pour se défendre contre le Père Augustin, qui non content de la faire l’objet de sa passion, tâche de la rendre odieuse, par la force de ses calomnies, et priver un chacun du plus agréable divertissement, qui sonta entre les exercices de l’esprit. […] Tertullien Africain, qui s’était glissé dans l’erreur des Cathafrigiens et Montanistesg, quoique Saint Cyprienl’appelle le Maître des bons esprits, après avoir fait son livre de la pudicité écrit à l’Empereur Aelius Pertinax, sur le débordement de ces Faquins, qui prostituaient des femmes nues sur leurs théâtres au rapport de Macrobe. […] Je suis honteux que ce Révérend Père reproche aux Comédiens, qu’ils emploient toutes sortes de ruses et d’inventions, pour suspendre nos esprits, et que par de subtiles amorces ils chatouillent nos sens en telle façon, que les facultés de notre âme en demeurentr offensées ; Je ne sais d’où il a tiré cette doctrine, et de qui elle est autorisée si c’est de son caprice, ou de quelque esprit aussi blessé de l’imaginative que lui ; car je suis étonné qu’une telle faiblesse soit sortie de la pensée d’un Religieux ; Je crois que le plus grand charme par lequel ils tendent à captiver et arrêter les Curieux, c’est par le seul mérite de leurs poèmes, et non par aucune autre considération. […] Ce qui m’étonne d’avantage, c’est de voir que celui, qui devrait avoir une domination de raison, sur les impétueux mouvements de son esprit, le laisse emporter à des licences qui sont non seulement indignes d’un Chrétien, mais même d’un Athée, que celui (dis-je) qui doit donner un calme et une tranquillité à la partie imaginative de son âme, et régler ses écrits à la dignité de sa vocation, s’altère l’esprit contre une chose que tout le monde approuve ; Je suis fâché qu’un Religieux qui doit être le miroir de soi-même pour servir d’exemple à la piété, ne résigne plutôt les affections de son cœur à des actions saintes, qu’à se jeter sur les invectives. […] Je dirai de plus, qu’il n’y a point d’impostures que sa langue n’ait trouvé dans l’égout de son papier journalier, pour essayer de ruiner la réputation de ceux qui la professent, et comme la médisance est la plus belle partie de son âme, ses injures sont aussi le plus riche ornement de son esprit, et pour dire en un mot de tous les vices d’un Calomniateur, ce Religieux en fait la grandeur de sa vertu et la force de sa Rhétorique.
Nous ne manquons ny de grands Maistres ny de beaux Esprits, ny de richesses, ny de magnificence : Pourquoy ne porterons-nous pas la chose au point où l’on peut l’avoir dê-ja portée ? […] Que le grand Corneille a honoré nostre siecle de tout ce que les honnestes plaisirs & la belle curiosité pouvoient attendre de l’Art & de l’Esprit. […] Toute premiere opinion est toûjours. malaisée à deraciner, & l’avarice interessant l’esprit à la deffendre en redouble l’attachement. […] La premiere, est un fait de grande importance & de grand exemple, car de soy il attire les esprits & les engage. […] La persuasion de l’esprit est aisée apres la satisfactiõ des sens.
« Quel usage plus ridicule, dit Jean-Jacques Rousseau, que celui qui présente l’opinion la plus extravagante et la plus barbare qui jamais entra dans l’esprit humain, savoir, que tous les devoirs de la société sont suppléés par la bravoure, qu’un homme n’est plus fourbe, fripon, calomniateur, qu’il est civil, humain, poli, quand il sait se battre ; que le mensonge se change en vérité, que le vol devient légitime, la perfidie honnête, l’infidélité louable, sitôt qu’on soutient tout cela le fer à la main ; qu’un affront est toujours bien réparé par un coup d’épée, et qu’on n’a jamais tort avec un homme, pourvu qu’on le tue ! […] N’est-ce pas un concert bien entendu entre l’esprit de la scène et celui des lois, qu’on aille applaudir au théâtre ce même Cid qu’on irait voir pendre à la Grève, si la force des lois ne se trouvait pas inférieure à celle des vices qu’elles réprimentao ? […] Ces maximes font sur l’esprit des spectateurs de mauvaises impressions, sans même qu’ils s’en aperçoivent, affaiblissent l’horreur qu’ils ont pour ce crime, le leur font regarder comme une action héroïque, et les disposent à le commettre eux-mêmes lorsque l’occasion s’en présentera. […] Les théâtres, qui ne cessent de le répéter, contribuent beaucoup à fortifier cette impression ; l’esprit s’y abandonne sans réserve, et sent avec plaisir les mouvements qu’ils inspirent, et le dispose à en ressentir de semblables dans l’occasion.
L’un des traits de malignité le plus pernicieux à la société, c’est l’esprit de mensonge. […] On se plaint que les nourrices gâtent l’esprit des enfans, en les berçant de contes frivoles. […] que sont donc les Zazimi, les Zulima, les Zaïre, les Zaïde, les Zeneide, que des contes dont des hommes faits ont la foiblesse de se bercer, & qui leur gâtent l’esprit & le cœur ? […] Il n’y a aucune certitude dans les paroles, aucune sûreté dans le commerce d’un homme qui a le goût & l’esprit de la comédie. […] L’amateur de théatre ne mérite pas plus de confiance dans ce qu’il fait & ce qu’il dit ; il en prend l’esprit & le ton, & devient une espèce d’Acteur qui approprie tout à son rôle.
Quoique les désordres que cause dans le monde le vice d’impureté soient presque infinis, ainsi que je crois l’avoir démontré dans le Sermon d’avant-hier, ils ne font néanmoins qu’une partie de ceux que produit la comédie, c’est une source aussi féconde que funeste de dérèglements, et une vraie sentine de corruption, pour procéder avec ordre, je dis qu’elle gâte l’esprit, amollit et corrompt le cœur, infecte l’imagination et la mémoire. […] Ainsi un parricide, un inceste, exciteront bien moins d’horreur que de pitié, mais elles ne gâtent pas simplement l’esprit, elles le rendent idolâtre et tout Païen, comment cela ? En formant de grandes et pompeuses images des créatures, en les relevant sans cesse, en leur attribuant une grandeur, une force, une puissance qu’elles sont bien éloignées d’avoir, disons plus, une espèce de divinité, en sorte que l’esprit s’abat et se prosterne devant l’ouvrage de l’esprit d’un homme, comme faisaient autrefois les peuples abusés sous le règne de l’idolâtrie, devant celui d’un sculpteur ou d’un peintre. […] Ils ne s’empareront pas seulement de votre esprit et de votre cœur, ce qui n’est néanmoins que trop suffisant pour vous perdre, ils infecteront encore votre imagination et votre mémoire, en y imprimant des traces qu’ils savent bien réveiller dans les temps les plus favorables à leurs noirs desseins, c’est une semence funeste qui produira en son temps des fruits de mort, si elle ne le fait pas directement, ce sera indirectement en éteignant en vous l’esprit de prières et de dévotion, or qu’est-ce qu’une âme vide de cet esprit ? […] Quoi une sainte, pure comme un Ange, qui avait reçu de Dieu un esprit solide et une horreur extrême de tout ce qui blesse la pudeur faillit à se perdre sans retour, si Dieu ne l’eût regardée des yeux de sa miséricorde, et n’eût ouvert les siens sur l’abîme où elle se précipitait, et vous qui êtes plus faibles que des roseaux, plus fragiles que du verre, vous prétendez que vôtre chasteté ne court aucun risque en vous enivrant de ces folies.
Il est quelquefois des gens d’esprit dans la troupe. […] De l’aveu des amateurs les plus indulgens, Français ou Etranger, la conduite de la troupe est si indécente, qu’elle révolte tous les esprits. […] Les comédiens sont des gens à talens, gens d’esprit & de goût. […] Tout cela peut être quelquefois vrai ; mais trop rarement pour y compter : c’est une prévention très-fausse, que les comédiens soient gens d’esprit, gens à talens. […] Ainsi les cordoniers de Versailles, les tailleurs de la Cour, parlent beaucoup mieux que les paysans des Pyrennées ; sans avoir plus d’esprit & des talens.