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2. (1759) Lettre à M. Gresset pp. 1-16

Et de quels biens les hommes peuvent-ils payer l’abandon précieux que nous leur faisons des productions de notre esprit ? […] Je dis la plupart ; et il y aurait de l’injustice à n’en pas excepter un petit nombre de modestes, et d’un esprit délicat et cultivé. […] Où pourrait-on goûter avec autant d’abondance que de choix les plaisirs de l’esprit libre de tout préjugé et de tout soin incommode dans le sein d’une oisiveté philosophique ? […] Non, non, l’esprit n’imagine point de si divines maximes : c’est la plume du cœur qui les écrit ; c’est lui seul qui les enfante, parce que lui seul en a le germe dans son sein. […] En vain celui-ci a épuisé toutes les ressources de son génie pour renverser ses arguments : on a admiré avec justice la subtilité de son esprit ; et les raisons du sieur Rousseau sont restées victorieuses.

3. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

On peut en imposer aux yeux, surprendre l’esprit, séduire l’oreille. […] quel esprit de vérité & quelle intelligence l’art de la représentation exige ! […] L’esprit en devient-il plus léger, la raison plus active, le caractére plus liant, les mœurs plus douces ? […] Peut-on nier d’abord que les Spectacles d’eux-mêmes ne cultivent l’esprit ? […] Quand on va aux Spectacles c’est dans un esprit de récréation, d’amusement.

4. (1690) Entretien sur ce qui forme l’honnête homme et le vrai savant « VII. ENTRETIEN. » pp. 193-227

C’est le moyen de rabaisser la sienne, et de tenir toujours son esprit en la présence de Dieu. […] Il est bon aussi de lui faire remarquer, que leur corruption se découvre principalement où ils paraissent avoir le plus d’esprit. […] C’est cet art de gagner les esprits que je voudrais bien que mon fils acquît, sans contracter les défauts ordinaires à ceux qui s’appliquent à l’éloquence. […] Rien n’est meilleur pour éclairer l’esprit. […] Mais je sais bien qu’il est inutile de leur parler du dérèglement de leur esprit.

5. (1640) L'année chrétienne « De la nature, nécessité, et utilité des ébats, jeux, et semblables divertissements. » pp. 852-877

Je fais voir en ce paragraphe, que tant s’en faut que cela soit, qu’au contraire on veut, et on y commande de chasser la mélancolie, de se recréer, et se débander l’esprit, et vivre toujours en joie. […] l’homme n’est pas un pur esprit, mais un esprit lié à un corps, qui a besoin du corps, pour faire ses fonctions ; et comme il a besoin du sommeil, du manger, du boire, du repos, pour réparer les forces du corps affaibli ; aussi a-t-il besoin de quelque récréation pour rafraîchir les forces de l’esprit. Les Anges, qui sont de purs esprits, hors du mélange d’un corps, n’ont pas besoin de tels jeux, et récréations, étant incapables d’altération, ou de diminution de leurs forces, et puissances spirituelles : l’esprit de l’homme est comparé à un arc, si vous le bandez toujours en fin il se rompra. […] Jouant si souvent, et si longtemps, l’esprit s’accoutume à une fainéantise, se rend inhabile aux affaires sérieux, ne parle que du jeu, ne pense qu’au jeu. […] Ces joueurs font contre la fin du jeu, qui est se divertir, et se recréer après le travail : or ceux-ci, ou ils ne travaillent point, ne s’occupant qu’à jouer, ou au lieu de se recréer, ils se lassent, ils fatiguent l’esprit, harassent le corps, et ont besoin de repos, après avoir fait semblant de se servir du jeu par manière de repos ; être cinq ou six heures à jouer aux échecs, ou aux cartes, ou à la paume, n’est pas à mon avis un divertissement de l’esprit, ni un repos pour le corps.

6. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE II. Excellentes raisons qui ont porté les Pères de l’Eglise à condamner les Comédies, et à les défendre aux Chrétiens. » pp. 12-28

Il ne faut donc pas s’étonner, si les Pères de l’Eglise ont autrefois condamné la Comédie, et si tant de prédicateurs, qui sont animés de leur esprit, emploient encore à présent, et leur zèle et leur éloquence pour la combattre comme eux ; c’est qu’ils la regardent comme un divertissement opposé à l’esprit du Christianisme, qui abat les forces de la vertu, qui attriste le saint Esprit, et qui réjouit le démon. […] Le premier, est son esprit naturel ; et le second est l’esprit de grâce. […] « Nous n’avons pas reçu l’Esprit du monde, mais l’esprit de Dieu ; afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits. »1. […] Car il est bien difficile après cela d’effacer de son esprit l’idée que le diable en imprime dans le cœur. […] Peut-on donc s’imaginer que cet esprit conduise jamais à la Comédie un Chrétien qui est l’enfant de Dieu ?

7. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE II [bis]. De la Comédie considerée dans elle-même, et dans sa nature. » pp. 29-54

Il ne se contente pas d’un culte extérieur, et tout Judaïque ; « mais il veut être servi en esprit, et en vérité. […] Or il est constant que cette fin ne vaut rien, puisqu’elle est entièrement opposée à l’esprit du Christianisme, qui ne tend qu’à mortifier et à affaiblir de telle sorte les passions, durant le temps qu’on est dans cette misérable vie, qu’elles ne dominent pas dans le cœur : car l’esprit du Christianisme est un esprit de calme et de paix. Et c’est cet esprit que Jésus-Christ inspira à ses Apôtres un peu avant son Ascension, en leur disant que leur cœur ne devait pas être dans l’agitation et dans le trouble : « Pacem meam do vobis : non turbetur cor vestrum, etc. » L’esprit de la comédie au contraire qui ne tend qu’à fomenter les passions, est un esprit de trouble, d’agitation et de fureur. […] Leur esprit ne jouit d’aucun calme. […] Mais encore avec quelle immodestie, quelle distraction, et quel égarement d’esprit fait-on cela ?

8. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Nous aimons à prévoir les événements qui doivent arriver, par le désir que nous avons de tout connoître, & de satisfaire la curiosité de notre esprit. […] Il rassassie notre esprit en lui faisant goûter en même-temps le plaisir de la variété, de l’unité & de la vérité. […] Mais Aristote resserre les charmes de la Poësie dans des bornes trop étroites, quand il les fait consister dans le seul plaisir que l’imitation cause à notre esprit. […] L’un est le plaisir que l’Art, envisagé comme Art, excite dans notre esprit ; l’autre est le plaisir qui naît des choses mêmes que l’Art met devant nos yeux. […] La curiosité de notre esprit demande de l’occupation, comme je l’ai dit ailleurs, & sa paresse la veut facile.

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