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149. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

LE grand usage de ce divertissement qui est si agreable à la veuë, & à l’esprit, fera peut-être, qu’il ne me sera pas facile de desabuser les personnes, qui se voyent autorisées de l’exemple de tant de gens, & favorisées de l’inclination de la nature corrompuë : Mais peut-être aussi, quand j’auray ôté le bandeau de dessus leurs yeux, ne verront-elles pas moins le danger du Theatre, qu’elles en ont trouvé jusques icy les spectacles charmans. […] Il ne faut donc que les entendre, pour sortir de l’aveuglement, pourveu qu’on les entende sans préoccupation, & sans apporter un esprit rebelle contre des veritez, aussi claires, que celles, que je va mettre en avant. […] Je demande si cette disposition de l’esprit, & du cœur secondant elle-même les sollicitations molles & douces de ces objets, il est possible, qu’on s’en defende, sans s’y laisser aller fort sensuellement ? […] C’est une principe universellement receu de l’Ecole, que, quand quelque chose de sa nature porte au peché, l’on ne peut pas en user librement, sans pecher ; cela parle de soy, sans autre preuve, à un esprit, qui a seulement un petit rayon d’intelligence : Remontez maintenant à ce que je viens de dire de la comedie, dont toutes les circonstances n’ont rien, qui de soy-même ne donne quelque penchant au peché. […] Mais aujourd’huy, comme je vous l’ay marqué tout au long dans l’Entretien du cercle, presque tout le monde aime à railler, & à rire, aux dépens des bonnes mœurs, de la pureté, & de la Religion ; c’est l’esprit empoisonné du temps, qui se répand, & se glisse par tout ; on l’aime en soy, on l’aime dans les autres, & ceux qui sçavent mieux s’en acquitter, sont les plus applaudis.

150. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre VI. De ce qu’un Poète dramatique doit sçavoir pour être en état de travailler dans le nouveau genre. » pp. 142-158

Je prends un jeune Poète qui brûle du desir de s’illustrer dans la carrière du nouveau Spectacle, je vais le conduire pas-à-pas ; je développerai l’éffet que feront sur lui mes discours ; & je détaillerai les progrès insensibles de son esprit. […] Le sublime Corneille, le tendre Racine, Molière le peintre de la Nature ; en un mot tous les grands Hommes qui l’ont rendu fameux, devraient enflammer votre génie, plutôt qu’un Spectacle où l’esprit est souvent contraint de se cacher. […] Je vois briller dans vos yeux ce feu qui nous annonce un esprit vif & saillant ; ressentez-vous ces élans qui nous appellent aux grandes choses ? […] Il est désespéré de voir qu’un genre qu’il regardait comme devant le combler d’honneur soit presque méprisable dans l’esprit de certaines gens. […] On doit tempérer, pour ainsi dire, la trop grande force d’esprit, mais avec tant d’art que la médiocrité soit au dessus des vrais talens, sans que cela paraisse.

151. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Ces Poèmes admirables où tout respire l’amour de la Patrie et fait connaître les suites dangereuses des conspirations, auraient gravé dans leur cœur la morale qu’elles contiennent, et sans doute éloigné de leur esprit les projets affreux qui leur ont causé la mort et l’ignominie. […] Ne semble-t-il pas au contraire qu’ils aient prévu le malheur du Portugal, et que ce triste événement soit arrivé pour justifier leur hardiesse, leur prévoyance, et la justesse de leur esprit ? […] C’est précisément que l’Auteur a employé tout son esprit à n’en point donner à son personnage : hic labor hoc opus ag. […] J’ai donc trouvé dans Chrysale l’homme que vous n’aviez pas encore vu, si ce n’est pas selon vous, avoir trop d’esprit que de ne dire que des choses vraies, simples et raisonnables. […] La citation exacte est : « […] n’est-ce pas un concert bien entendu entre l’esprit de la Scène et celui des lois, qu’on aille applaudir au Théâtre ce même Cid qu’on irait voir pendre à la Grève ? 

152. (1634) Apologie de Guillot-Gorju. Adressée à tous les beaux Esprits « Chapitre » pp. 3-16

Que les Maîtres dans les Académies de la vertu, jettent sans y penser des semences dans l’esprit de la jeunesse de la Comédie et du Théâtre ? […] De même encore que quelques-uns accusent la volupté, ils laissent volontiers charmer leurs esprits aux plaisirs et aux voluptés. […] Et qui voudrait blâmer la dignité de la profession des Orateurs, d’autant qu’ils savent prudemment récréer les esprits des Juges ? […] Mais quand on considérera les personnes à qui les Comédiens s’étudient davantage de donner du plaisir : je m’assure que le respect emportera sur l’esprit de ces Critiques ce que la raison n’y aura pu gagner. […] Il paraît aussi que cette opinion est seulement dans l’esprit du vulgaire comme une maladie épidémique : car pour les Grands ils ne se contentent pas de payer au double les loges, mais ils leur font outre plus de très grands présents estimant ne pouvoir trop récompenser un si agréable travail.

153. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « REMARQUES. SUR LE LIVRE DE J.J. ROUSSEAU, CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 21-65

C’est tout au contraire, que cette Pièce favorise leur tour d’esprit, qui est d’aimer et rechercher les idées neuves et singulières, et il n’y en a point de plus neuves pour eux que celles de la nature. […] « Ces productions d’esprit, comme la plupart des autres, n’ont pour but que les applaudissements. […] « Quel est l’esprit que le Comédien reçoit de son état ? […] Ainsi je ne conçois pas comment dans ces productions d’esprit le bien est nul, et que le seul mal reste. […] Cette épisode de la cour d’honneur prouve combien il a de suite dans l’esprit.

154. (1671) De la connaissance des bons livres « DE LA COMEDIE  » pp. 232-248

La Poésie étant pleine d’esprit et d’artifice, on en doit faire cas comme d’un exercice attaché aux Sciences et aux belles Lettres, qui est reçu dans le Monde sans contestation. […] Enfin un grand Prince poussé d’un bon zèle a fait un Traité pour condamner nos Comédies ordinairesb, et il s’est trouvé qu’au même temps un des bons Esprits de ce sièclec a voulu montrer qu’il n’y a que les Comédies infâmes qui doivent être condamnées. Peut-être n’a-t-il point pensé à l’autre Traité, et il a soutenu le parti des belles Représentations par exercice d’Esprit, de même qu’il avait déjà fait un Livre de la Pratique du Théâtre : Néanmoins on a pris sujet de là d’attaquer son dernier Livre. […] En ce qui est des Poètes Comiques que chacun croit être plus libres ; il n’a pas eu besoin d’en parler de même, pour ce quee si les plus retenus sont condamnés, il n’y a guère d’apparence que les autres se puissent sauver : Mais si on en vient jusques là, et qu’on leur veuille interdire à tous l’expression des passions, qui sont l’esprit mouvant des Comédies, il faut donc dire Adieu au Théâtre : On ne représentera plus de Comédies, et à peine permettra-t-on de les imprimer. […] Beaucoup de personnes de grand esprit et d’une véritable vertu, tiennent que la Comédie est un passe-temps honnête où l’on peut apprendre le bien aussi tôt que le mal.

155. (1691) Nouveaux essais de morale « XXI. » pp. 186-191

Il faut que dans toutes ses études il ait pris bien peu, et du goût de la science qu’il professe, et de l’esprit de la Religion de Jésus-Christ, pour entreprendre la défense de ces spectacles, que les Pères et les Canons de l’Eglise ont condamnés comme contraires à la sainteté des mœurs et à la pureté du cœur, que nous veut inspirer Jésus-Christ par ses paroles et par ses exemples. […] Si ces Messieurs avaient tant soit peu de ce que j’ai déja dit ; de l’esprit de la Religion de Jésus-Christ, et qu’ils eussent lû en Disciples les Pères de l’Eglise, comme nous le faisons, et comme ils le devraient faire, il ne leur faudrait pas de grands discours ni de longues preuves pour décider juste sur ce chapitre ; et pour accorder les paroles de l’Ecriture sur l’obéissance qui est dûe à Dieu et aux hommes. […] Il ne sue point dans une longue Dissertation, pour ne faire qu’embarrasser la question et la rendre plus difficile à décider, comme a fait le Docteur Fabricius par ses règles prétendues, qui mettent l’esprit dans une plus grande incertitude, que l’Ecriture même.

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